Université Paris 8 - Vincennes - Saint-Denis UFR ARTS Esthétique et histoire de

Université Paris 8 - Vincennes - Saint-Denis UFR ARTS Esthétique et histoire des arts plastiques Mémoire de recherche pour le diplôme de Master 2 DANIELLA GOMES BIRCHAL DE MOURA L’ABJECT DANS L’ŒUVRE DE LYGIA CLARK Directeur de recherche : Monsieur François Soulages Paris 2011 1 REMERCIEMENTS Je souhaite remercier premièrement Lygia Clark, pour m’avoir provoqué un énorme frémissement devant son œuvre. Je tiens à remercier Monsieur François Soulages qui m’a aidé dans l’élaboration de ce mémoire. Je souhaiterais également remercier tous mes compagnons de bibliothèque, de lecture et d’échanges : Camila Michelini, Tatiana Tameirão, Fabiana Bruna, Edward Auguste et Metin Babur. Enfn je voudrais remercier ma famille, qui même loin m'a soutenue intensément pendant tout le processus. 2 RÉSUMÉ En traversant l’œuvre de Lygia Clark grâce à des concepts relatifs aux relations corporelles abjectes, s'établit une recherche où rituel, érotisme, mort et sacrifce deviennent (se rendent) matière première pour la compréhension de la fantasmatique corporelle proposée par l'artiste. L'abject n'apparaît pas dans l'œuvre de Clark comme élément sublimé, mais par la confrontation physique et crue de son expérience fantasmatique. En expérimentant les limites non seulement de l'abjection, mais aussi de l'art et de son moralisme institutionnel, Clark a abandonné la paternité de l'œuvre et s’est défnie comme proposante, en offrant l'acte créatif au spectateur. L'objet a perdu son autonomie et il n’est devenu plus qu’une potentialité. Dans ses rituels non mythiques, la réversibilité de la vie dans la mort se rend possible à travers le retour à la fantasmatique abjecte des échanges symboliques plus archaïques, qui retracent l'expérience avec le geste et la sensibilité corporelle primitive. Naissance, pénétration, cannibalisme et régurgitation sont quelques expériences fantasmatiques capables de fusionner l'intérieur et l'extérieur corporel, le dedans devenu dehors dans une nouvelle compréhension du rituel. Dans le contexte de l'expérience artistique avec l’abject corporel, où sujet et langage n'exercent pas encore leur pouvoir régulateur, il est possible d’expérimenter le corps réel et libre, capable d’assumer sa condition spirituelle la plus intime. 3 RESUMO Atravessando a obra de Lygia Clark por conceitos relativos às relações corporais abjetas, estabelece-se uma pesquisa em que ritual, erotismo, morte e sacrifício tornam-se matéria-prima para a compreensão da fantasmática corporal proposta pela artista. O abjeto não aparece na obra de Clark como elemento sublimado, mas pelo confrontamento físico e cru de sua experiência fantasmática. Testando os limites não apenas da abjeção, mas também da arte e de seu moralismo institucional, Clark abandonou a autoria da obra e se defniu como propositora, oferecendo o ato criador ao espectador. O objeto perdeu sua autonomia e se tornou apenas uma potencialidade. Em seus rituais não mitológicos, a reversibilidade da vida na morte se torna possível através do retorno à fantasmática abjeta das trocas simbólicas mais arcaicas, que remontam a experiência com o gesto e a sensibilidade corporal primitiva. Nascimento, penetração, canibalismo e regurgitação são algumas experiências fantasmáticas capazes de fusionar o interior e o exterior corporal, o dentro tornado fora em uma nova compreensão do ritual. No âmbito da experiência artística com o abjeto corporal, onde sujeito e linguagem ainda não exercem seu poder regulador, é possível experimentar o corpo real e livre, capaz de assumir sua condição espiritual mais íntima. 4 SOMMAIRE REMERCIEMENTS ________________________________________________________ 02 RÉSUMÉ _______________________________________________________________ 03 RESUMO _______________________________________________________________ 04 SOMMAIRE _____________________________________________________________ 05 INTRODUCTION _________________________________________________________ 06 CHAPITRE 1 L'ABJECTION COMME ORIGINE _____________________________________________ 15 LA PROPOSITION ARTISTIQUE COMME FANTASMATIQUE CORPORELLE ABJECTE _________ 17 NOSTALGIE DU CORPS ____________________________________________________ 23 LA MAISON EST LE CORPS __________________________________________________ 30 PENSÉE MUETTE _________________________________________________________ 39 FANTASMATIQUE DU CORPS ________________________________________________ 42 BAVE ANTHROPOPHAGIQUE ET CANNIBALISME__________________________________ 50 STRUCTURATION DU SELF _________________________________________________ 56 CHAPITRE 2 LE DÉSIR ABJECT, EROS ET THANATOS _______________________________________ 60 L’ÉROTISME ET LA MORT ___________________________________________________ 62 LE RITUEL DE LA SOUILLURE ET LE SACRIFICE ___________________________________ 69 L’INFORME ET LE CORPS SANS ORGANES _______________________________________ 76 CHAPITRE 3 LA RÉCEPTION DE L’ŒUVRE ABJECTE _________________________________________ 81 DU REGARD À L’ABJECT RETOUR DU RÉEL ______________________________________ 83 LA CORPORÉITÉ PHÉNOMÉNOLOGIQUE _______________________________________ 89 LE POSITIONNEMENT MARGINAL ET L'EXPÉRIENCE RELATIONNELLE _________________ 96 CONCLUSION __________________________________________________________ 101 BIBLIOGRAPHIE ________________________________________________________ 104 TABLE DES ILLUSTRATIONS ________________________________________________ 107 5 INTRODUCTION Les expériences artistiques propositionnelles de Lygia Clark initiées pendant la deuxième moitié des années soixante avec la Nostalgia do corpo [Nostalgie du corps], dans laquelle l’objet est le moyen d’accès au propre corps à travers les sensations tactiles, et qui aboutissent à la Estruturação do Self [Structuration du self], quand l’objet extérieur disparaît et le sujet lui-même devient l’objet de sa propre sensation, constituent l’intérêt central de cette recherche. Les propositions de Clark ont placé l’expérience artistique dans le domaine de la vie transformant ainsi la structure des trois entités artistiques – l’artiste, l’objet médiateur et le spectateur – et incarnent organiquement un processus où l’expérience vécue et la pensée seraient totalement interdépendantes et inséparables. La participation, la proposition collective, la sensibilité tactile et le traitement clinique sont quelques aspects amplement étudiés dans l’œuvre de Clark, néanmoins les questions psychanalytiques concernant la subjectivité corporelle mobilisée lors des expériences de caractère abject, semblent encore peu étudiées. Le concept d’abject corporel de Julia Kristeva, étudié dans Pouvoirs de l’horreur, est présenté ici comme une approche possible pour les propositions artistiques collectives telles que Baba Antropofágica [Bave anthropophagique] et Canibalismo [Cannibalisme], toutes les deux de 1973. Quelques expériences sensorio- corporelles de Clark proposent un vrai retour à l’expérience de l’abject corporel, état antérieur à la formation du sujet et à la construction du langage. Clark envisageait avec la fusion entre l’objet et le sujet, une espèce de dialogue existentiel avec le propre corps, désir de capter ce que Clark appelait de « infra-sensoriel » ou « sensoriel-mental ». L’infra-sensoriel, état présent dans la « fantasmatique » du corps d’expériences comme celle de la « bave de fls », peut être saisi comme l’expérience tactile et subjective de l’abject, résidu corporel constitué par la salive. L’art de l’abject, des excréments, de ce qui déstructure l’ordre est un art qui est le fruit de la violence de l’exclusion de l’abjection, cet art non seulement célèbre cette « nouvelle barbarie » postmoderne et la liberté qui l'accompagne, mais surtout expose le traumatisme, la douleur et le refoulement, provoqués par l’exclusion violente de l’abjection. Suggérée comme une catharsis, l’art abject est une espèce d’échappatoire et un équilibre, compensation des refoulements purifcateurs provoqués par la culture. La fusion entre le sujet et l’objet relationnel, déclenche, dans les expériences sensorielles résiduelles de Clark, un retour cathartique à l’état antérieur à la violente exclusion de l’abject par le « je », état d’abjection où 6 les corps s’enchevêtrent dans la « bave de fls ». De l'enthousiasme à la douleur, la catharsis révèle l'impur, l'autre côté de la sagesse. La confrontation avec la possibilité de se dégager de l'impur laisse ouverte le blessé ce qui permet sa ré-signifcation, différente de l'impur original, la répétition sur un autre registre en deçà et au-delà du langage. Lygia Clark a commencé ses études artistiques en 1947, après la naissance de ses trois enfants. Lorsqu’elle a terminé ses études aux Beaux-Arts à Rio de Janeiro, elle se rend à Paris pour compléter sa formation et devenir peintre. Dès son retour au Brésil en 1953, Clark se lie avec les artistes engagés dans une quête avant-gardiste, le Grupo Frente, tourné vers une abstraction géométrique nommée « constructiviste », c’est à cette époque-qu’elle s’intéresse à la relation entre la peinture et l’architecture. En cherchant une relation avec l’espace, elle travaille à la destruction du cadre de la peinture, et réalise des Superfícies moduladas [Surfaces modulées] 1955-56, des Planos em superfície moduladas [Plans en surfaces modulées] 1957-58, Espaços Modulados [Espaces modulés] 1958, Contrarelevos [Contre-reliefs] et Casulos [Cocons] de 1959. Ces œuvres représentent une exploration des concepts de Mondrian, peu perceptible à la première approche visuelle, mais saisissable par la façon dont l’artiste s’est emparée de la problématique de son aîné, et riche d’enseignements à cet égard. « J’ai commencé par la géométrie, mais je cherchais un espace organique qui permettrait de pénétrer dans le tableau. »1 Cette réfexion éclaire les tensions dialectiques de ses premières œuvres, exécutées vers la fn des années 50, époque où elle respectait encore le « format du tableau ». Lygia Clark avait assimilé les percées des pionniers de l’abstraction, non seulement en tant que renouvellement formel et conceptuel, mais aussi sur le plan phénoménologique : ce nouvel espace peut être vécu pour ainsi dire avec volupté. Clark prend position en questionnant la pensée visuelle. Elle commence par investir la phénoménologie du plan, puis au-delà la, avec la mort du plan, elle part en quête de l’espace, du lieu. En comprenant qu’un plan possède une forme d’épaisseur qui lui est propre, Clark le destitue de son caractère de rhétorique graphique afn de construire minutieusement une espèce de réifcation pragmatique. Elle le présent au monde comme un corps. Construire l’épaisseur du plan signife la compréhension de ses propriétés corporelles et de ses qualités matérielles, la relation corporelle ou l’articulation entre deux plans, sa possibilité d’être laminé, sa présence dans l’espace réel, avec son abandon au toucher. 7 1 Clark, Lygia, citée dans Veja, uploads/s3/ l-x27-abject-dans-l-x27-oeuvre-de-lygia-clark.pdf

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