Le rôle du jeu dans le développement de l’enfant Longtemps tenue en piètre esti
Le rôle du jeu dans le développement de l’enfant Longtemps tenue en piètre estime par les éducateurs, l’importance du jeu, et de son rôle structurant dans le développement de l’enfant, ne fait plus de doute pour les chercheurs depuis le début du XXème siècle. Toutefois, le moment où l’activité infantile peut être définie comme ludique, la diversité des jeux, le sens à leur attribuer, comme l’usage qui peut en être fait, donnent lieu à des théories diverses parfois complémentaires. Nous vous proposons quelques-unes de ces recherches, analyses et réflexions. MONTESSORI Maria (1870 -1952) Médecin et Pédagogue italienne. M. Montessori définit deux principes caractéristiques psychiques de l’enfant : - L’esprit absorbant : processus inconscient où l’enfant absorbe le monde qui l’entoure et l’analyse ensuite - Les périodes sensibles : le développement se faisant par bonds, par stades. Tous les enfants présentent les mêmes périodes sensibles, mais pas forcément au même âge, ni avec la même intensité. Quelques exemples de périodes sensibles : - la période sensible au mouvement - la période sensible au langage - la période sensible à l’ordre - la période sensible à l’affinement des sens. CLAPAREDE E. (1873-1940) Médecin et psychologue genevois Edouard CLAPAREDE classe les jeux ainsi : 1- Ceux qui provoquent les fonctions générales : Les jeux sensoriels qui donnent le plaisir à éprouver des sensations. Les jeux moteurs, qui développent l’adresse, la force, l’agilité du mouvement, le langage. Les jeux psychiques c’est-à-dire les jeux intellectuels, grâce auxquels on fait des comparaisons, de la reconnaissance, des associations, de la réflexion, de l’invention, et développe son imagination. Ils élèvent l’homme au-dessus de la nature et permettent de faire des combinaisons nouvelles, des inventions, d’exprimer de la fantaisie, d’avoir du pouvoir sur les choses. Ils poussent à la curiosité, ce sentiment inconfortable qui provoque le désir de comprendre. Les jeux affectifs qui créent des émotions multiples, agréables ou désagréables. (La peur alimente bien des histoires.) La volonté est aussi provoquée par exemple dans les jeux d’inhibition volontaire. 2 - Ceux qui provoquent des fonctions spéciales corporelles et spirituelles Jeux de hasard, avec des sentiments d’espérance liés à des risques fictifs. Jeux de lutte. Jeux de chasse et de poursuite, cache-cache, dénichage de nids, cueillettes de fruits, jeux de collections. Les jeux d’imagination. Jeux sociaux avec les promenades, la formation de clans, formation de petites sociétés, sports collectifs. Jeux familiaux, jeux à la poupée, au papa et à la maman. Jeux d’imitation avec simulation et jeux où on imite les mouvements. KLEIN Mélanie (1882-1960) Psychanalyste Elle considère le jeu, mode d’expression naturel et privilégié chez l’enfant, comme l’équivalent des associations verbales que produit l’adulte en analyse. Elle pense qu’il s’établit un transfert chez l’enfant comme chez l’adulte. Par le jeu l’enfant traduit sur un mode symbolique, ses fantasmes, ses désirs, ses expériences vécues. Il utilise le même mode d’expression archaïque et phylogénétique qui nous est familier dans le rêve (cf. FREUD signification des rêves). A partir du jeu, elle reconstruit deux étapes normales et nécessaires à l’évolution de tout enfant : la position schizo-paranoïde et la position dépressive. Le développement et les jeux du bébé (jeux de perte et de récupération d’objets entre autres) vont lui permettre de surmonter cette angoisse dépressive, par le mécanisme de réparation. Le jeu confère à l’enfant la maîtrise d’une réalité pénible, puisqu’il peut y mettre en oeuvre ses fantasmes de réparation. C’est le début des activités créatrices et de la sublimation. C’est ainsi que commence la formation des symboles. Elle découvre par l’analyse de son contenu que le jeu est un moyen d’accès direct à la vie pulsionnelle de l’enfant, car l’angoisse qui s’y décharge y est transformée en plaisir chez l’enfant normal. FREUD Anna (1895-1982) Psychanalyste (fille de S. FREUD) Nous nous attacherons à une partie de son oeuvre (dans son livre « Le normal et le pathologique ») qui développe dans le concept de ligne de développement, le passage du « corps au jouet et du jeu au travail ». Le jeu commence chez l’enfant sous forme d’un jeu érotique avec le corps, qu’il s’agisse de son propre corps (au niveau de la bouche, des doigts, de la peau…) ou du corps de sa mère (au travers de l’alimentation par exemple), sachant qu’à cet âge, dans le vécu de l’enfant, cette distinction n’est pas catégorique. Les propriétés du corps de la mère et de celui de l’enfant sont ensuite transférées à un objet mou et notamment à ses caractéristiques de surface (odeur, chaleur, consistance..) Ceci va donner naissance à « l’objet dit transitionnel » dont on sait qu’il est investi à la fois de libido narcissique et de libido objectale, et qu’il sert de support à l’ambivalence de l’enfant. Progressivement ces objets transitionnels vont perdre de leur importance dans la journée et céder la place à un « matériel de jeu qui ne possède pas, par lui-même, un statut d’objet, mais qui sert les activités du MOI et les fantasmes qui les sous-tendent ». Ces jeux apparaissent schématiquement selon la séquence chronologique suivante : - jouets permettant des activités de type : vider/remplir, ouvrir/fermer, emboîtements, souillure par déplacement des intérêts primitivement attachés aux orifices corporels et à leurs fonctions. - jouets mobiles source de plaisir au niveau de la motricité - jouets de construction permettant d’exprimer les tendances ambivalentes (construire/détruire) - jouets permettant l’expression de la bisexualité psychique, soit dans un jeu de rôle solitaire, soit pour parader devant l’objet oedipien, soit pour mettre en scène la problématique oedipienne au sein de jeux collectifs. Se met ensuite en place le plaisir lié à l’achèvement de la tâche, plaisir qui finit par l’emporter sur celui de l’action proprement dite. L’aptitude au jeu se transforme enfin en aptitude au travail grâce à la secondarisation de la pensée. Certaines activités comme la rêverie diurne, les jeux, les hobbies, continuent cependant à fonctionner, de manière plus ou moins intense selon les sujets. Ils maintiennent ainsi une place à l’imaginaire, aux fantasmes et aux processus primaires, malgré la socialisation progressive des comportements et des jeux. Anna Freud pense que « le jeu est un excellent moyen d’observation… pour apprendre à connaître l’enfant ». Elle souligne le rôle fondamental que tient le jeu dans le processus de socialisation de l’enfant, allant jusqu’à en faire un des éléments de l’aptitude au travail de l’adulte. PIAGET Jean (1896-1980) Psychologue, biologiste, logicien, et épistémologue suisse Pour la théorie cognitive, le jeu est un moyen de s’informer sur les objets, les événements. C’est un moyen d’affermir et de d’étendre ses connaissances et savoir-faire. C’est un moyen d’intégrer la pensée à l’action. Dans l’évolution du comportement ludique, PIAGET décrit trois périodes correspondant approximativement aux différents styles de jeux. 1- la période sensori-motrice (0-2 ans) pendant laquelle l’enfant ne joue que lorsque l’objet est présent. « Jouer avec son corps ». « Jeux d’exercice ». 2- la période représentative, ou pensée symbolique (2-6 ans) durant laquelle l’objet étant devenu «permanent » l’enfant n’a plus besoin de lui pour jouer. Il peut être imaginé et l’enfant peut alors «faire semblant ». « Jouer avec son esprit. » 3- la période sociale (7-11 ans) qui se caractérise par les jeux à règles, véritable institution sociale se transmettant de génération en génération. WINNICOTT Donald W. (1896-1971) Médecin, Psychiatre, Psychanalyste 1. L’espace potentiel / l’espace transitionnel Le jeu naît de l’écart entre plaisir (présence de la mère) et déplaisir (absence de la mère) dans un espace dit « potentiel ou transitionnel. » Cette expérience qui crée le manque (et le déplaisir) oblige l’enfant à y suppléer par une activité mentale qui se développe en créant ses premières images : des « hallucinations de l’objet absent ». Les hallucinations n’étant plus satisfaisantes, le nourrisson cherchera à l’extérieur des objets de remplacement permet de pallier les déficiences de la mère en transformant un manque relatif en une adaptation réussie. C’est une aire du « compromis » qui constitue la plus grande partie du vécu de l’enfant et qui subsiste tout au long de sa vie, permettant de « maintenir » à la fois séparés et reliés l’un à l’autre la réalité intérieure et la réalité extérieure. C’est dans cet espace potentiel que se déploie la créativité et que l’on trouve toutes les activités symboliques : le jeu, le langage, la culture, qui vont offrir à l’enfant la possibilité de faire des expériences fondamentales pour sa maturation et son intégration. 2. Le jeu D’abord le jeu est créativité pure, sans règle (play), puis peu à peu accommodement avec le réel et ses exigences, pour se normaliser progressivement par des règles (game). Le « game » est une tentative pour tenir à distance, avec ce qu’il a d’organisé, l’aspect effrayant du « play ». Le « play » fait partie des phénomènes transitionnels. Il est caractérisé par la concentration et la préoccupation de l’enfant qui s’y adonne. Cet aspect du jeu compte plus que son contenu. Le « play » est créatif : il s’articule avec le rêve et la vie, mais la tension pulsionnelle menace. Le jeu est une expression uploads/s3/ le-role-du-jeu-dans-le-developpement-de-l-enfant-ageem2.pdf
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- Publié le Mai 18, 2022
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