SOCIETE ANCIENS TEXTES FRANÇAIS ŒUVRES GUILLAUME DE MACHAUT TOME II Le Puy. imp

SOCIETE ANCIENS TEXTES FRANÇAIS ŒUVRES GUILLAUME DE MACHAUT TOME II Le Puy. imp. Marchessoo. - PeyriUer, Ronchon «t Gamon, successeurs. Y OEUVRES GUILLAUME DE MACHAUT PUBLIEES PAR Ernest HŒPFFNER TOME II PARIS ^ LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT ET C" RUE JACOB, 56 M DCCCCXI (35 Publication proposée à la Société le 3o mai 1906. Approuvée par le Conseil dans sa séance du 14 décembre 1906, sur le rapport dune Commission composée de MM. Meyer, Raynaud et Thomas. Commissaire responsable : M. J. BÉDIER. INTRODUCTION I. — REMTÎDK DE FORTUNE Dans la plupart des manuscrits qui contiennent les œuvres de Guillaume de Machaut, le poème intitulé Remède de Fortune ' succède au Jugement dou Roy de Navarre \ Là où cette dernière œuvre fait défaut, il est placé directement après le Jugement dou Roy de Behaingne \ Et c'est bien là la place qui lui revient de 1. C'est le titre que porte cet ouvrage dans tous les manus- crits, excepté E qui, seul, l'intitule L'Escii bleu, de môme qu'il nommera Livre des quatre oisiaus, le Dit de VAlerion et Livre de Morpheils, le Dit de la Fontaine amoureuse, et que le Juge- ment dou Roy de Behaingne s'appellera pour lui Le Livre du temps pascour. Ce n'est pas la seule singularité de ce manuscrit. Dans C la table seule donne Le confort de Fortune, d'une écri- ture assez récente; dans le corps du manuscrit, VExplicit dit très bien Remède de Fortune. 2. C'est le cas dans les manuscrits AFMliV. — Pour l'indica- tion des manuscrits voir t. l""", p. xliv. 3. Dans CKJ. Remarquons cependant que C s'éloigne en gé- néral de l'ordre traditionnel des poèmes de Machaut, en plaçant T. II. a n INTRODUCTION droit, car le Jugement dou Roy de Navarre, datant de l'année 1349, est d'une époque plus récente. La raison pour laquelle ce dernier poème a quitté la place qu'il devait occuper d'après l'ordre chronologique, a été exposée au tome I", p. lxiv-lxvi. Par conséquent, le Remède de Fortune est le troisième dans la série des grands poèmes de Machaut. On ne trouve, malheureusement, dans l'ouvrage aucune indication qui permette de lui fixer une date même approximative. Mais dans une œuvre plus récente, le Cow/or? i'am/, écrit en i357, Guillaume a ren- voyé à notre poème : Qiiier en « Remède de Fortune », y dit-il à son seigneur, le roi de Navarre, lors de la captivité de ce dernier en 1 356-57 (v. 2248). C'est donc avant cette date qu'il faut placer le Remède de Fortune. Un autre fait nous permet de remonter bien plus haut encore : Le Dit dou Lion qui suit généralement notre poème a probablement été écrit en 1 342 (voy . plus bas). Or, il est à peu près certain que dans les manuscrits les dits de Machaut se succèdent dans l'ordre chrono- logique. Par conséquent, le Remède de Fortune doit avoir été composé avant 1342. Cette question de la place qu'occupe ce poème dans l'ensemble des œuvres de Machaut prend une singu- lière importance, quand on le compare aux pièces qui le précèdent. Le Remède de Fortune constitue un progrès notable non seulement sur le Dit dou Vergier^ œuvre de jeunesse presque sans originalité, mais encore sur le Jugement dou Roy de Behaingne, où les éléments le Dit dou Vergier à la suite du Dit de l'Alerion et en donnant ainsi à notre poème la deuxième place dans la série des dits de Guillaume. Seul, le manuscrit E s'écarte de nouveau de tous les autres, en faisant succéder le Livre de Vescu bleu au Dit dou Vergier, de même qu'il intervertira la place du Confort d'ami et de la Fontaine amoureuse [Livre de MorpheUs). Son témoignage n'est par conséquent d'aucune valeur. REMEDE DE FORTUNE III personnels n'ont encore qu'une part bien restreinte. Quant au poème si curieux et si original du Jugement dou Roy de Navarre, il n'a été écrit que quelques années après le Remède de Fortune. Cette œuvre reste donc dans l'ensemble des productions poétiques de notre auteur celle qui pour la première fois fait paraître son originalité propre, celle où enfin il semble avoir trouvé sa voie. Machaut ne serait certes pas un enfant de son siècle, s'il ne poursuivait pas dans ses dits un but di- dactique et ne faisait œuvre de moraliste, et ce travail revêt chez lui tout naturellement la forme de l'allégo- rie, comme chez ses prédécesseurs, chez ses contem- porains et chez ceux qui vinrent après lui. Mais — et c'est là l'invention originale de notre poète — il ne s'en tient pas uniquement au poème didactique et allégo- rique ; à cette partie de son œuvre, que lui-même aussi bien que ses lecteurs considéraient sans doute comme la partie la plus importante, il donne, dans chacun de ses dits, un cadre plein de vie et bien réel, cadre qu'il emprunte soit à son expérience personnelle, soit aux coutumes ou aux événements contemporains. Ce souci de la réalité dans la fiction poétique qui est, sans contredit, l'une des trouvailles les plus heureuses du poète et pour nous l'une des plus intéressantes, c'est à peine si on le trouve dans le Dit dou Vergier'', il est un peu plus accusé dans le Jugement dou Roy de Behaingne * ; ce n'est que dans le Jugement dou Roy de Navarre que nous l'avons vu s'épanouir le plus librement et produire ses plus heureux effets ^ Mais, avant cette œuvre, nous le trouvons déjà nette- ment affirmé dans le Remède de Fortune ({m au fond est un traité didactique sur Amour et Fortune, enca- 1. Voy. T. I", p. Lvii-Lix. 2. Ibid., p. Lxi-Lxni. 3. Ibid., p. Lxix-Lxxii. ,V INTRODUCTION dré dans le récit d'une aventure d'annour personnelle au poète. Après avoir énuméré dans une courte introduction (1-44) les douze règles que doit observer celui « qui vuet aucun art aprendre », le poète, passant immédia- tement à ses propres affaires, nous fait savoir quels étaient les maîtres chargés de son éducation : Amour et sa dame. L'un lui enseigne comment il pourra se rendre digne de l'amour de celle qu'il aime (45-166); les quali- tés, les paroles, le maintien de l'autre lui servent d'exem- ple et lui montrent les vertus qu'il devra s'efforcer d'ac- quérir lui-même (167-352). Mais, n'osant avouer ses sentiments de peur d'un refus, il se contente de les tra- duire en « ballades, rondeaux, virelais », voire même en lais, dont il nous communique un spécimen (353- 680). Ce lai devient la cause de son infortune apparente. Un malin hasard veut qu'en la présence de l'auteur cette pièce tombe sous les yeux de la dame que le poète adorait en silence, et c'est lui-même qui est chargé d'en faire la lecture. Mais voici que la dame a la malencontreuse idée de chercher à savoir par lui quel en est l'auteur. Cruel dilemme! Se nommer, c'est avouer son amour et par là même risquer d'encourir ce refus qu'il redoute par-dessus tout. Mais déclarer ne rien en savoir, c'est mentir, grave offense envers celle qu'on aime. Guillaume perd la tête : il se sauve sans mot dire, en pleurant de douleur et de honte (681-770). Afin de se soustraire aux regards indiscrets, il se réfu- gie en un endroit isolé et écarté du monde, dans le Parc de Hesdin. Ici, se livrant à d'amères réflexions sur son sort, il compose une longue complainte dans laquelle il maudit d'abord l'inconstance et la cruauté de Fortune et accuse ensuite Amour, source de tous ses malheurs (771-1480). A peine a-t-il achevé ses lamentations, qu'un regard REMEDE DE FORTUNE V jeté autour de lui, lui fait voir à ses côtés une femme d'une beauté merveilleuse, sans doute quelque être sur- naturel. Sans peine l'inconnue devine la cause de sa tristesse, et aussitôt elle se prend à réfuter point par point les accusations que le poète vient de porter contre sa dame et contre Amour. Un point capital dans ses exhortations, c'est la description des armes des vrais amoureux qu'accompagne une explication allégorique. Un chant royal termine la première partie de son dis- cours (1481-2032). Guillaume ne demande pas mieux que de se laisser convaincre. Réconforté, il s'informe du nom de la belle inconnue : c'est Espérance qu'on l'appelle. Enhardi, il la prie alors de lui parler aussi de Fortune. La dame s'y prête volontiers et lui prouve que non seulement Fortune ne lui a pas été « amère », mais bien au contraire douce et bienveillante. Elle s'éloigne ensuite, après avoir chanté une baladele, lais- sant Guillaume plein d'espoir et de courage (2o33- 2892). En chantant à son tour une ballade, il se met en route pour rejoindre celle qu'il adore. Une courte hési- tation l'arrête cependant au moment où il va l'appro- cher, et seuls les encouragements réitérés d'Espérance qu'il remercie dûment en une « prière », lui permettent d'arriver jusqu'à sa dame (2893-3348). Il la trouve dan- sant en joyeuse société, et invité par elle, il prend part à r « esbatement » et uploads/s3/ oeuvres-guillaume-de-machaut.pdf

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