1 Article en cours de publication dans « Euréka – le moment de l’invention » Ac
1 Article en cours de publication dans « Euréka – le moment de l’invention » Actes du colloque organisé par l’équipe de recherche « Art des images et art contemporain » (Paris 8) les 31 mai et 1er juin 2007 à l’université Paris 8 et à l’Ecole supérieure de physique et chimie industrielle de Paris. Inventer un mouvement... à partir de quoi ? Un atelier pour enfants sur le mouvement des cellules Renaud Chabrier, dessinateur et animateur Matthieu Piel, chercheur à l’institut Curie Nous travaillons tous les deux sur le mouvement, respectivement dans les domaines scientifique et artistique. En tant que biophysicien, l’un étudie le mouvement des cellules grâce à des films réalisés au microscope. L’autre développe de nouvelles techniques de dessin animé et d’analyse du mouvement, en relation avec la danse contemporaine. En juillet 2006, nous avons associé nos deux pratiques en créant ensemble un atelier pour enfants, à l’occasion d’un festival de sciences. Dans cet atelier, les enfants s’initiaient au mouvement des cellules grâce à des films et des démonstrations scientifiques. Ensuite, ils recréaient en dessin animé ou en pâte à modeler animée les mouvements de cellules qu’ils avaient observé. Nous proposons ici une analyse des outils d’observation et de création mis à la disposition des enfants pour leur permettre d’appréhender et d’inventer un mouvement. Le mouvement des cellules : un univers à découvrir Les cellules peuvent se déplacer, parfois sur des distances importantes, et avec une variété de mouvements considérable. Par exemple, de nombreuses bactéries nagent grâce à des cils ou des flagelles. Quant aux cellules du corps humain, elles sont capables de ramper même si la plupart restent à leur place. Cette mobilité permet aux globules blancs de chasser les cellules étrangères. D’un autre côté, elle permet aussi aux cellules cancéreuses de se propager dans tout le corps. Comprendre le mouvement des cellules est donc un enjeu important. Même s’il est peu connu du grand public, ce domaine de recherche est en plein essor grâce au développement des biotechnologies et de l’imagerie numérique. En pratique, l’étude du mouvement des cellules passe souvent par l’invention de nouvelles techniques expérimentales. Par exemple, certains procédés récents permettent de placer les cellules dans des sites en forme de triangle, de carré ou de canal ondulé, afin de contraindre leur mouvement pour mieux l’étudier. Chez les chercheurs et les techniciens concernés, cette capacité d’invention est liée à une connaissance profonde de leur discipline, à un niveau qui n’est évidemment pas accessible aux non-initiés. Cependant, comme nous allons le voir, certains films et certaines démonstrations que les chercheurs utilisent pour 2 se représenter et pour enseigner le mouvement à l’échelle cellulaire peuvent être facilement montrés à des enfants. Il nous fallait ensuite trouver les moyens pour qu’ils s’approprient ces connaissances de façon vivante et accessible, et c’est pourquoi nous avons utilisé le dessin animé. Les films de cellule et la mécanique des fluides Les films montrant des cellules en mouvement demandent quelques explications. En effet, à l’échelle microscopique, le mouvement des cellules est très différent des mouvements humains (ou animaux) dont nous avons l’habitude. Tout d’abord, il est beaucoup plus lent : il faut plusieurs heures à une cellule pour rejoindre une cellule voisine. Ces films sont donc, en fait, des séries de photos espacées de plusieurs dizaines de minutes, et présentées de façon accélérée. D’autre part, les propriétés physiques du milieu dans lequel baignent les cellules ne sont pas celles que nous connaissons. En particulier, pour les êtres vivants de cette taille, l’eau qui nous paraît très fluide est au contraire extrêmement visqueuse, comme un miel très épais. Cette viscosité interdit par exemple à la cellule de nager avec un mouvement alternatif symétrique, comme celui d’un poisson qui bat de la queue. En effet, dans un fluide où domine la viscosité, un battement de nageoire déplace d’abord un peu le nageur, puis le ramène à sa position initiale lorsque la nageoire revient au point de départ. En revanche, avec une queue en tire-bouchon tournant sur son axe, un mobile peut se propulser dans un milieu visqueux. De nombreuses bactéries utilisent cette technique grâce à un cil rotatif qui forme une véritable vis d’Archimède. Ce dernier exemple montre qu’il est possible de parler des cellules en s’appuyant sur des démonstrations de mécanique des fluides, à l’échelle humaine. Nous avons donc adapté ces démonstrations pour les enfants. Par exemple, une grenouille de bain avance dans l’eau, mais elle fait du sur-place dans un sirop épais. Munie d’une queue hélicoïdale comme une bactérie, elle avance à nouveau. Après avoir observé et manipulé différents types de fluides et de mobiles, les enfants pouvaient donc projeter un début de sens physique sur des films de cellules en mouvement, qu’ils n’avaient jamais vus auparavant. Faire ramper une cellule avec l’animation en temps réel Après cette initiation au mouvement des cellules et à la mécanique des fluides, la deuxième partie de notre atelier permettait aux enfants de créer une animation de cellule qui rampe, en dessin animé ou en pâte à modeler animée. En simplifiant beaucoup, ce mouvement de ramper comporte deux phases. La cellule avance d’abord une partie de son corps pour s’accrocher un peu loin, puis elle ramène le reste de son corps à partir de ce point d’ancrage. Pour créer ce mouvement avec une « cellule » en pâte à modeler, par exemple, il faut la déformer petit à petit et prendre une photo à chaque étape. Sur l’écran d’un ordinateur, la succession des photos forme alors un film dans lequel la cellule donne l’impression de bouger seule. On parle alors de mouvement 3 apparent1. Ce travail est à la fois une construction basée sur un projet de mouvement, et une découverte lorsque qu’on visualise le résultat sous forme de film (ce résultat pouvant être plus ou moins éloigné du projet). Avec les techniques d’animation classiques, il faudrait attendre la fin de la construction du mouvement pour découvrir le résultat global, c’est-à-dire un petit film révélant d’un coup toute l’animation. L’animation en temps réel, au contraire, permet de découvrir un résultat intermédiaire à chaque étape du mouvement. Cette technique consiste à faire tourner en permanence sur un écran le petit film formé par la succession des photos déjà prises. Chaque nouvelle image est envoyée par l’appareil photo à un logiciel, qui complète le film immédiatement. L’enfant bénéficie donc d’un retour perceptif sur sa dernière action, ce qui est en général très efficace pour entretenir son intérêt. Il peut voir sa cellule prendre vie progressivement, et adapter la prochaine étape du mouvement en fonction du résultat visible. Sous plusieurs aspects que nous allons aborder, ce cycle qui alterne la création d’une nouvelle image et la visualisation du mouvement résultant peut être vu comme une série de « micro-inventions ». Inventer un mouvement... à partir de quoi, pour aller où ? La plupart des enfants qui ont suivi notre atelier sont parvenus à créer des animations de cellules qui rampent de façon relativement satisfaisante du point de vue de la pédagogie scientifique, tout en gardant un aspect très personnel et intéressant pour la pédagogie artistique. Nous ne leur donnions pas de modèle à reproduire. En revanche, nous leur donnions une forme de départ symbolisant une cellule, c’est-à-dire une boule de pâte à modeler ou un simple cercle dans le cas du dessin animé (ou deux cercles, s’ils voulaient dessiner le noyau). A partir de cette forme, nous leur avons simplement montré le principe du ramper en quelques étapes d’animation : avancer une partie du corps, rétracter l’arrière. La prise en main de l’animation en temps réel étant très rapide, les enfants avaient la responsabilité du mouvement de leur propre cellule au bout de deux ou trois minutes. A partir de ce moment, chaque étape de l’animation concentre à lui seul tous les enjeux de l’atelier. En effet, dès la deuxième image, un mouvement commence à se construire. Il évoque très vite le type de déformation qui était perceptible à la fois dans les films et dans les expériences sur les fluides visqueux. A chaque fois que l’enfant intervient sur la pâte à modeler ou sur le dessin pour créer une nouvelle image, il doit alors faire un choix parmi de nombreuses possibilités : avancer une partie de corps, ramener le reste, changer de direction, commencer une division cellulaire (pour les plus avancés !). Chaque décision est 1 En dessin animé, l’invention de mouvement se passe aussi dans le cerveau du spectateur. On nomme ainsi mouvement apparent le mouvement qui est perçu alors qu’on visionne en fait une série d’images fixes. Voir « Des relations entre une pédagogie du mouvement et le mouvement comme objectif de recherche » de José Xavier in « la poétique du mouvement », pp27-55, éditions du Centre national de la bande dessinée et de l’image. 4 susceptible d’augmenter ou d’altérer la qualité et la cohérence du mouvement global, que l’enfant est en mesure d’apprécier. Mais seule la visualisation du film complété par la nouvelle image va permettre de connaître le résultat, c’est-à-dire les uploads/s3/ inventer-un-mouvement.pdf
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- Publié le Oct 06, 2022
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