Lettres de Vincent à Théo. Chantal. Ne va pas te figurer que je me considère co

Lettres de Vincent à Théo. Chantal. Ne va pas te figurer que je me considère comme parfait, ni que je m’imagine sans reproche quand tant de personnes parlent de mon caractère désagréable. Il m’arrive souvent d’être mélancolique, susceptible et intraitable ; de soupirer après de la sympathie comme si j’en avais faim et soif ; de me montrer indifférent et méchant lorsqu’on me refuse cette sympathie, et même de verser parfois de l’huile sur le feu. Je n’aime pas beaucoup la compagnie des autres, il m’est souvent pénible ou insupportable de les fréquenter ou de bavarder avec des gens. Mais connais-tu l’origine de tout cela, du moins en grande partie ? Tout simplement ma nervosité ; je suis extrêmement sensible, autant au physique qu’au moral et cela date de mes années noires. Demande donc au médecin s’il pourrait en être autrement, si les nuits passées dans les rues froides, à la belle étoile, si la peur de ne pas avoir à manger un morceau de pain, si la tension incessante résultant du fait que je n’avais pas de situation, si tous mes ennuis avec les amis et la famille ne sont pas pour trois-quarts à l’origine de certains traits de mon caractère, de mes sautes d’humeur et de mes périodes de dépression ? J’espère que ni toi, ni ceux qui voudraient se donner la peine de réfléchir, vous ne me condamnerez ni ne me jugerez impossible. Je lutte contre cette tendance, mais sans réussir à changer mon caractère. J’ai mes mauvais côtés bien sûr, mais j’en ai aussi de bons que diable ! Ne pourrait-on également en tenir compte ? Ainsi s’exprime Vincent dans la lettre à son frère du 6 juillet 1882 (Lettre 212). L’image que nous avons généralement de lui, celle d'un artiste solitaire, torturé, suicidaire et incompris transparaît dans ce texte. Mais sa personnalité est plus complexe et plus attachante. L’imposante correspondance avec son frère, qui s’étale sur dix-huit ans (d’août 1872 à juillet 1890), est une source inestimable pour la compréhension de l’homme et de l’artiste ; au fil des lettres apparaît son cheminement vers la peinture, s’expriment ses doutes et ses passions, ses espoirs et ses déceptions, ainsi que ses problèmes et ses obsessions : la santé, l’amour, l’argent. La majeure partie de cette correspondance provient des archives personnelles de Théo Van Gogh, qui, contrairement à Vincent, a conservé avec un soin méticuleux les lettres de son frère. On en possède 83 seulement à l’intention de Vincent, alors que 605 lettres de la main de l’artiste nous sont parvenues. Cette disproportion entre les lettres deVan Gogh, bien conservées, et celles qu’il a reçues, perdues pour la plupart, s’explique en partie par ses multiples déménagements. D’autres lettres sont adressées à sa sœur Willeim, à ses oncles et à des amis peintres comme Emile Bernard ou Paul Gauguin. Cette correspondance a été rédigée pour les deux-tiers en néerlandais, pour un tiers en français. Le 30 mars 1853 naît Vincent (Willem) van Gogh, à Groot-Zundert, un petit village du Brabant, aux Pays-Bas. Fils du pasteur protestantTheodorus van Gogh et d'Anna Cornélia van Goghil , il est l’aîné de six enfants. En 1857 naît son frère Théodorus (dit Théo), qui deviendra son plus grand ami et confident et lui apportera à maintes reprises une aide financière et matérielle.Trois de ses oncles sont marchands d’art. Emilie. L’amour de deux frères est un soutien dans la vie, c’est une vérité universellement acquise. Dès lors, cherchons à resserrer ce lien et que l’expérience de la vie le fortifie ; demeurons francs et sincères l’un envers l’autre, qu’il n’y ait pas de secret entre nous – comme c’est le cas actuellement. (Lettre 90. Dordrecht. Mars 1877) Sylvie. Oui, je veux t’écrire le soir du jour que nous avons passé ensemble et qui s’est envolé comme un éclair. Ce fut une grande joie de te revoir et de bavarder avec toi. Par bonheur, des journées comme celles-là qui ne durent qu’un instant et des joies aussi éphémères laissent des traces dans notre mémoire, leur souvenir ne s’efface pas. (Lettre 126. Bruxelles. 15 novembre 1878) Nadine. Lorsqu’on a l’occasion de vivre parmi les siens, on se rend compte qu’il y a là tout de même une raison de vivre, qu’on n’est pas tout à fait un propre-à-rien, un parasite, qu’on est même peut-être bon à quelque chose puisqu’on a besoin l’un de l’autre et qu’on a, sur le même chemin, des compagnons de route. Le sentiment de notre dignité dépend en grande partie de nos relations avec les autres. […] Moi aussi, j’ai besoin de relations amicales, affectueuses. Je ne puis donc m’en passer, sous peine de vivre, comme tout homme normal et instruit, avec le sentiment qu’il me manque quelque chose. […] Je crois sincèrement qu’il vaut mieux que nos relations soient empreintes de confiance réciproque. Sentir que je suis devenu un boulet ou une charge pour toi et pour les autres, que je ne suis plus bon à rien, que je serai bientôt à tes yeux comme un intrus et un oisif, de sorte qu’il vaudrait mieux que je n’existe pas ; savoir que je devrai m’effacer de plus en plus devant les autres, s’il en était ainsi et pas autrement, je serais la proie de la tristesse et la victime du désespoir. Il m’est très pénible de supporter cette pensée, plus pénible encore de croire que je suis la cause de tant de discordes et de chagrins dans notre milieu et dans notre famille. Si cela était, je préférerais ne pas trop m’attarder en ce monde. Tout cela me décourage parfois excessivement, trop profondément, car il arrive qu’à la longue une autre idée germe en même temps dans mon esprit ; peut-être verrons-nous plus clair et comprendrons-nous mieux par la suite. (Lettre 132. Bruxelles. 15 octobre 1879) En 1866, Vincent entre au collège de Tilbourg où il suit des cours de dessin. Il quitte l'école deux ans plus tard et devient en 1869 employé à la galerie d'art Goupil & Co à La Haye. Il travaille ensuite à Paris puis à Londres. Emilie. Ma nouvelle année a bien commencé, on m’a accordé une augmentation de dix florins et on m’a alloué une prime de cinquante florins par-dessus le marché. N’est-ce pas magnifique ? J’espère être ainsi en mesure de subvenir moi-même à mes besoins. Je suis très content que tu travailles dans la même firme. C’est une belle firme, plus on y travaille, plus on s’y sent de l’ambition. Les débuts seront peut-être plus difficiles qu’ailleurs, mais il faut persévérer. (Lettre 3. La Haye. Janvier 1873) Vincent commence à se passionner pour l’art et collectionne de multiples gravures, lit des livres d’art et visite les musées des capitales. Mais il se désintéresse de son travail à la galerie et finit par démissionner en avril 1876. Il décide alors de se tourner vers la vie religieuse. Il sera prédicateur dans un faubourg ouvrier de Londres. Nadine. Théo, ton frère a parlé pour la première fois dans la maison de Dieu. […] Lorsque je me suis trouvé en chaire, j’ai eu l’impression de remonter de dessous une voûte située sous terre vers la lumière du jour, et je me suis réjoui à l’idée de prêcher dorénavant l’Evangile dans son cœur. Tu connais assez de monde, Théo, pour comprendre qu’un prédicateur pauvre se trouve pratiquement isolé dans la société. Seul, Lui peut nous donner les connaissances et la confiance dans la foi qui nous manque. (Lettre 79. Isleworth. Novembre 1876) Puis il entreprend des études à la faculté de théologie d’Amsterdam. Même s’il abandonne rapidement cet enseignement jugé trop difficile, il reste convaincu de sa vocation spirituelle. Il souhaite devenir prédicateur laïc et obtient en 1878 une mission d’évangélisation en Belgique. Il se rend auprès des mineurs du Borinage et partage leurs conditions de vie extrêmement dures. (le Borinage, bassin minier au sud de Mons) Cependant, son implication auprès des plus modestes est jugée excessive par ses supérieurs et son poste n’est pas renouvelé. Sylvie. Spectacle curieux ces jours-ci que de voir, le soir, à l’heure du crépuscule, passer les mineurs sur un fond de neige. Ils sont tout noirs quand ils remontent des puits à la lumière du jour, on dirait des ramoneurs. En règle générale, leurs masures sont petites, on devrait dire des cabanes ; elles sont disséminées le long des chemins creux, dans les bois ou sur les versants des collines. Cà et là, on aperçoit un toit recouvert de mousse, et, le soir, les fenêtres à petits carreaux brillent d’un éclat accueillant. A plusieurs reprises, j’ai pris la parole en public, dans un local spacieux spécialement aménagé en vue des réunions publiques. J’ai parlé également dans des réunions tenues le soir dans des maisons ouvrières. J’espère de tout cœur trouver ici, avec la grâce de Dieu, un emploi stable. (Lettre 127. Petit-Wasmes. 26 décembre 1878) En 1880, Vincent découvre sa vocation : il sera artiste. Il demande à son frère (qui travaille à Paris) des images à copier, notamment des oeuvres uploads/s3/ les-lettres-de-van-gogh-pdf.pdf

  • 20
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager