Le Micro-Travail en France Antonio A. CASILLI • Paola TUBARO • Clément LE LUDEC
Le Micro-Travail en France Antonio A. CASILLI • Paola TUBARO • Clément LE LUDEC • Marion COVILLE Maxime BESENVAL • Touhfat MOUHTARE • Elinor WAHAL Derrière l’automatisation, de nouvelles précarités au travail ? LE MICRO-TRAVAIL EN FRANCE – RAPPORT DIPLAB 2 Cette étude a été réalisée dans le cadre de la convention d’étude n°2017-3 passée avec la cgt Force Ouvrière dans le cadre d’une agence d’objectifs Force Ouvrière - Institut de recherches écono- miques et sociales (IRES). Pour citer ce document : Casilli, A. A., Tubaro, P., Le Ludec, C., Coville, M., Besenval, M., Mouhtare, T., Wahal, E., (2019). Le Micro-travail en France. Derrière l’automatisation de nouvelles précarités au travail ?. Rapport Final Projet DiPLab « Digital Platform Labor », <http:/ /diplab.eu>. LE MICRO-TRAVAIL EN FRANCE – RAPPORT DIPLAB 3 Remerciements Le projet DiPLab (Digital Platform Labor) est coordonné par Antonio Casilli (Télécom ParisTech) et Paola Tubaro (CNRS). Il a bénéficié d’un financement dans le cadre de l’agence d’objectifs FO-IRES (étude n° 2017-3), ainsi que de financements complémentaires de la MSH Paris Saclay (appel à projets « Maturation 2017 ») et de France Stratégie (convention de recherche 2018 « Digital Platform Labor : le micro-travail en France »). L’administration du sondage et la collecte des données de l’enquête DiPLab ont été effec- tuées par Clément Le Ludec (MSH Paris Saclay) et Marion Coville (Université de Nantes). Leur travail de très haute qualité a été essentiel à la réalisation de cette étude. La rédac- tion du rapport a été effectuée par Touhfat Mouhtare (Télécom ParisTech) avec l’aide des deux coordinateurs, des deux enquêteurs, ainsi que de Maxime Besenval (CNRS) et d’Eli- nor Wahal (Télécom ParisTech). Par leurs avis, soutien intellectuel et conseils pratiques, Mary Gray (Microsoft Research), Odile Chagny (IRES) et Lise Mounier (CNRS) ont été source d’inspiration et ont accompa- gné le développement de cette étude. Les résultats préliminaires ont bénéficié des commentaires de Lilly Irani (Université de Californie San Diego), Vili Lehdonvirta et Alex Wood (Oxford Internet Institute), ainsi que de discussions fructueuses lors des présentations préliminaires à la conférence Reshaping Work 2018 (Amsterdam) et Work, Employment & Society 2018 (Belfast). Manisha Venkat et Andrew Wang ont fourni une aide précieuse à la recherche. Merci à Kristy Milland (Turker Nation) et Rochelle LaPlante (micro-travailleuse professionnelle) pour leurs conseils et leur soutien. Les auteurs du rapport sont particulièrement reconnaissants aux participants de l’enquête, micro-travailleuses et micro-travailleurs, mais aussi entrepreneuses et entrepreneurs, qui ont consacré leur temps et leurs efforts à partager leurs expériences. Nous remercions tout particulièrement les deux plateformes en ligne qui ont aidé à recruter les participants : Foule Factory (en particulier Daniel Benoilid et Michael Marzouk), et IsAHit (notamment Isabelle Mashola et Philippe Coup-Jambet). Un merci particulier à Lucas Ferrari, créateur du forum NetBusinessRating. Nous sommes également reconnaissants à Sébastien Dupuch (Secrétariat Général FO), Philippe Guimard (FO), et Éric Peres (FO-Cadres) pour leur confiance. LE MICRO-TRAVAIL EN FRANCE – RAPPORT DIPLAB 4 Nous assis- tons ces der- nières années à la multipli- cation des plateformes de micro-travail. Cette activité rémunératrice relativement nouvelle consiste à réaliser des tâches très fragmentées (micro-tâches) que des plateformes dédiées confient à des prestataires, payés générale- ment à la pièce. Il peut s’agir d’identifier des objets dans une image, de transcrire des fac- tures, de modérer du contenu sur les médias sociaux, de visionner des vidéos de courte du- rée, de copier-coller du texte ou de répondre à des sondages en ligne. Le plus souvent, ces tâches répétitives nécessitent une faible qua- lification pour une rémunération tout aussi faible, de l’ordre de quelques centimes. Ce rapport présente les premiers résultats du projet de recherche DiPLab (« Digital Plat- form Labor »), et contribue à pallier la qua- si-absence d’études sur le micro-travail dans les pays d’Europe. Réalisée en 2018, il s’agit en effet de la première enquête sur le mi- cro-travail en France. Elle participe à un effort plus général de cerner les effets des nouvelles technologies sur le monde du travail et son fonctionnement. Dans cette optique, l’équipe DiPLab s’est appuyée sur une articulation de multiples ressources informationnelles : des données natives du web, un questionnaire en ligne auprès d’un échantillon de près de 1000 micro-travailleurs, et une enquête qualitative auprès de 92 travailleurs, clients et proprié- taires de plateformes. Coordonné par Antonio Casilli (ensei- gnant-chercheur à Télécom ParisTech et membre de i3 – Institut Interdisciplinaire de l’Innovation, CNRS) et Paola Tubaro (char- gée de recherche CNRS au Laboratoire de Recherche en Informatique), le projet de re- cherche DiPLab réunit des chercheurs prove- nant d’horizons différents dans les sciences sociales. CARTOGRAPHIE DU MICRO- TRAVAIL EN FRANCE Les résultats de DiPLab montrent que le micro-travail est accessible aux travailleurs français à travers au moins 23 plateformes : en 2018, 14 d’entre elles appartiennent à des entreprises françaises, et le reste est constitué de plateformes internationales faisant appel (entre autres) à des micro- travailleurs résidant en France. – Souvent présentées comme un moyen de rentabiliser son temps libre au quo- tidien, les micro-tâches qu’effectuent les prestataires recrutés par ces plate- formes contribuent au développement des intelligences artificielles : produire/ améliorer des données, vérifier/corriger le niveau de performance des technolo- gies dites intelligentes, etc. – Les micro-travailleurs sont majoritaire- ment payés à la pièce et ne disposent d’aucune marge de négociation quant à leur rémunération. S’ils sont payés à l’heure dans quelques cas, leur rémuné- ration demeure liée à la réalisation des tâches. – Les plateformes françaises de micro- travail ne prélèvent pas de commission sur la rémunération des micro-travail- leurs ; les commissions sont facturées aux clients. L’enquête DiPLab dresse le profil-type des créateurs de plateformes de micro- travail en France : généralement, il s’agit de personnes diplômées des grandes écoles de commerce ou d’ingénieurs, issus du sec- teur du conseil stratégique et informatique ou de multinationales spécialisées dans les technologies numériques. Les incuba- teurs de start-up ont permis la création de plus d’un tiers des plateformes de mi- cro-travail étudiées. Le financement de ces Résumé et principales conclusions Le Micro-Travail en France : Derrière l’automatisation, de nouvelles précarités au travail ? LE MICRO-TRAVAIL EN FRANCE – RAPPORT DIPLAB 5 plateformes provient pour moitié de fonds privés, et pour l’autre moitié de fonds de capital-risque. COMBIEN DE PERSONNES MICRO-TRAVAILLENT EN FRANCE ? La présente enquête a estimé à environ 260 000 le nombre de personnes qui mi- cro-travaillent au moins occasionnellement en France. Il s’agit de la somme des per- sonnes inscrites sur les principales plate- formes pour lesquelles des données sont disponibles, corrigée pour éviter le double comptage (de personnes utilisant plu- sieurs plateformes) et pour exclure toute inscription hors de France. Si tous ne mi- cro-travaillent pas chaque jour, il s’agit d’un large réservoir dans lequel l’industrie du numérique peut puiser selon ses besoins, aussi flottants soient-ils. Le phénomène de- mande alors au moins la même attention que les décideurs publics ont déjà accordée aux plateformes de VTC, qui concernent beaucoup moins de travailleurs quoique tous y étant impliqués régulièrement. Nous voyons ainsi que le micro-travail des plateformes est un secteur dont l’impor- tance est en hausse en France, tout comme dans de nombreuses régions du monde. Dans l’opinion publique, le travail des plate- formes numériques est souvent assimilé à l’ubérisation de l’économie ; néanmoins, en grande partie, le travail effectué sur des plateformes en ligne n’est pas uniquement lié aux applications de VTC, de livraison ou d’autres formes visibles de travail à la de- mande. Le micro-travail a la particularité d’être, de façon générale, invisible, effectué à la maison, et régi par des formes de contrats diverses : un simple « accord de participa- tion », voire la seule adhésion aux condi- tions générales d’utilisation de la plate- forme peuvent faire office de contrat. De par l’invisibilité qui caractérise le micro-tra- vail, on trouve donc peu de documentation, légale ou académique, à son propos. POURQUOI LES FRANÇAIS MICRO-TRAVAILLENT-ILS ? La première raison évoquée par les mi- cro-travailleurs pour expliquer leur choix d’être actifs sur des plateformes ou des applications de micro-tâches est le besoin d’argent (44,93% des répondants). 29,41% des répondants évoquent comme deuxième raison la possibilité que cela leur donne de moduler leur emploi du temps. Une forte diversité est constatée dans les modes d’utilisation des plateformes. En termes d’investissement, on distingue trois catégories de micro-travailleurs : – Les utilisateurs « très actifs », qui tra- vaillent sur les plateformes au moins une fois par semaine – Les utilisateurs « réguliers », qui micro- travaillent au moins une fois par mois – Les utilisateurs « occasionnels », qui al- ternent entre des périodes d’inactivité et des périodes d’activité plus ou moins intense. Ces niveaux variables d’investissement illustrent bien d’importantes différences dans les usages des plateformes, et ex- pliquent les disparités des revenus que les micro-travailleurs tirent de leurs activités en ligne. QUI SONT LES MICRO- TRAVAILLEURS FRANÇAIS ? Durant trois mois, nous avons sondé près de 1 000 micro-travailleurs présents sur la plateforme de micro-travail Foule Factory (« fouleurs »). Cette plateforme, qui recrute uploads/s3/ tubaro-le-micro-travail-en-france-diplab-2019 1 .pdf
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- Publié le Apv 04, 2022
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