Journal de la Société des Américanistes Encore sur les tableaux de métissage du

Journal de la Société des Américanistes Encore sur les tableaux de métissage du Musée de Mexico R. Blanchard Citer ce document / Cite this document : Blanchard R. Encore sur les tableaux de métissage du Musée de Mexico. In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 7, 1910. pp. 37-60. doi : 10.3406/jsa.1910.3570 http://www.persee.fr/doc/jsa_0037-9174_1910_num_7_1_3570 Document généré le 16/10/2015 ENCORE SUR LES TABLEAUX DE MÉTISSAGE . DU MUSÉE DE MEXICO Par le Professeur R. BLANCHARD [Planches III à XI). • I. — Dans les anciennes colonies hispano-américaines et particulièrement au Mexique, se trouvaient en présence trois éléments ethniques bien différents : les Rouges pu indigènes, les Blancs ou conquérants venus d'Europe et les Noirs ou esclaves venus d'Afrique. Du contact de ces trois races résultèrent des mélanges de sang très variés1.. Les métis nés de la sorte constituaient des produits artificiels, des individualités , en dehors de toute hiérarchie sociale ; • c'étaient des êtres humains, sans doute, mais l'Espagnol, en tant qu'il avait contribué à leur production; ne pouvait les admettre comme ses égaux. Eux-mêmes, d'ailleurs, refusaient de se laisser assimiler aux Nègres ou aux Indiens pur sang.' C'étaient donc des êtres à part, pour lesquels il devenait nécessaire d'établir des catégories,.' des distinctions, des castes, basées sur leur degré de métissage. " * Dans les villes et les paroisses, le clergé tenait le registre des nais- 1. « La population mexicaine est composée des mêmes éléments que ceux qu'offrent les autres colonies espagnoles. On y distingue sept races : 1° les individus nés en Europe, vulgairement appelés Gachupines ; 2° les Espagnols créoles ou les blancs de race européenne nés en Amérique; 3° les Métis (Mestizos), descendans de blancs et d'Indiens ; 4° les Mulâtres, descendans de blancs et de nègres; 5° les Zambos, descendans de nègres et d'Indiens ; 6° les Indiens même, ou la race cuivrée des indigènes ; et 7° les Nègres africains. En faisant abstraction des subdivisions, il en résulte quatre .castes : les blancs compris sous la dénomination générale d'Espagnols, les Nègres, les Indiens et les hommes de race mixte, mélangés d'Européens, d'Africains, d'Indiens américains et de Malais; car c'est par la communication fréquente qui existe entre Acapulco et les îles Philippines, que plusieurs individus d'origine asiatique, soit Chinois, soit Malais, se sont établis dans la Nouvelle-Espagne. » — Al. de Hum- boldt, Essai politique sur le royaume de la Nouvelle-Espagne. .Paris, 2 vol.' in-4°, 1811 ; cf. I, chap, ví, p. 76, Différence des castes. 38 SOCIÉTÉ DES AMÉRICANISTES DE PARIS sances et, à supposer que l'origine de la mère fût connue et que l'attribution de paternité fût exacte, cela eût pu suffire à classer tant bien que mal les métis. Mais dans les campagnes, combien de naissances non inscrites à la -paroisse ou de père très incertain? L'orgueil castillan ne pouvait courir le risque de promiscuités pour. lui inacceptables ; dans une société aussi hiérarchisée que l'était alors la. société espagnole, il fallait pouvoir désigner par un terme technique ces divers degrés de métissage et, au besoin, en cas de contestation, pouvoir les définir par un moyen sûr et indiscutable.1 Telle est, à mon sens, l'origine de ces curieux tableaux de métissage, auxquels j'ai déjà consacré une notice1 et dont le présent travail a pour but de compléter l'histoire. La première mention de semblables tableaux a été faite par le regretté professeur E.-T. Hamy, qui eut la chance de découvrir à Paris, chez un petit libraire, dix peintures sur cuivre, numérotées S et 8 à 16; la dernière portait la signature d'Ignacio de Castro, peintre espagnol qui exerçait son art à Mexico pendant le xvme siècle; Hamy donna la description de ces tableaux, dont l'origine mexicaine n'est pas douteuse. La section d'ethnologie du Musée national, à Mexico, possède elle-même deux séries de peintures du plus haut intérêt, destinées à démontrer; les divers degrés dé métissage, mais dont, par un sort singulier, l'importance exceptionnelle semble avoir été totalement méconnue. Bien, que ces documents précieux fussent' exposés depuis longtemps dans i les salles publiques, personne avant' moi n'en a fait mention,- pas même Herrera et Cicero, conservateurs du Musée, qui ont pourtant écrit un ouvrage dans lequel ils traitent du métissage, en un long chapitre dont la traduction sera donnée plus loin. Les documents nouveaux que je dois étudier ici m'amènent à reprendre la question ab ovo et à reproduire une partie de mon premier travail. Je m'y exprimais en ces termes : lies peintures que j'ai observées à Mexico sont de deux sortes : 1° Une série de , seize tableaux représentant les , « castas de Mexico, epoca colonial ». Chacun d'eux nous montre le père, la mère et l'enfant, avec leur couleur de peau respective et se livrant à leurs occupations favorites ; au milieu . et en bas, dans un cartouche bleu, une courte légende avec un numéro d'ordre. J'ai noté toutes les légendes, comme il sera dit plus loin. En revanche, je n'ai remarqué ni date ni signature. 1 . R. Blanchard, Les tableaux de métissage au Mexique. Journal de la Société des Américanistes de Paris, (2), V, p. 59-66, 1908. TABLEAUX DE MÉTISSAGE DU .MUSÉE DE MEXICO 39 2° Une grande toile peinte, divisée en seize compartiments, chacun de ceux- ci ayant sensiblement la même dimension que les tableaux précédents, qui ont eux-mêmes une taille sensiblement égale à celle des tableaux du Muséum de Paris. Pressé par le temps et n'ayant pas de mètre à ma disposition, je n'ai pas pris de mesures exactes; je ne donne ces renseignements que de mémoire. Ici encore, chaque compartiment représente un groupe de trois personnages : le père, la mère et l'enfant, avec la teinte particulière de leur peau. Ils sont figurés encore au milieu de leurs occupations usuelles,. mais sous un tout autre aspect que les précédents. Chaque scène a sa légende propre. Je n'ai noté ni date ni signature. On connaît donc à présent trois séries de peintures représentant les divers modes et degrés de métissage que l'on pouvait observer au Mexique, dans le cours du xviii6 siècle. Ces documents sont de la plus haute valeur, au point de vue ethnographique, en raison des habitations, métiers, costumes, instruments et accessoires qui y figurent. Ils sont très importants aussi, au point de vue social, puisqu'ils nous font connaître les noms des différents types de métis, avec une peinture à l'appui de chacun d'eux. Ils sont malheureusement de moindre valeur, au point de vue anthropologique, le type anatomique des divers personnages étant purement fantaisiste; et c'est là le seul point faible de ces œuvres d'art qui sont d'une assez bonne exécution et nous donnent, d'autre part, des renseignements très précieux. On sait qu'Ignacio de, Castro est l'auteur des tableaux appartenant au Muséum de Paris. Il est probable que les seize tableaux du musée de Mexico ont été exécutés, sinon par lui-même, tout au moins dans son atelier : les dimensions sont sensiblement les mêmes et tous les tableaux de l'une et l'autre série portent un cartouche bleu sur lequel sont inscrits un numéro d'ordre et la légende. Celle-ci, comme on le verra tout à l'heure, n'est pas identique dans tous les cas. Je crois pouvoir en inférer que les deux séries de tableaux ne sont pas l'œuvre du même peintre, mais une comparaison détaillée, d'après des photographies, permettrait seule de trancher la question ; celle-ci, d'ailleurs, est d'intérêt secondaire. La grande toile peinte du musée de Mexico, dont la composition diffère assez notablement de celle des deux séries de tableaux, est l'œuvre d'un autre artiste, mais elle rappelle ceux-ci par le nombre total de ses compartiments, par leur dimension et par quelques-unes de leurs légendes. Cela permet de penser qu'elle sort du même atelier. On peut se demander si plusieurs peintres travaillant à côté ou sous la direction d'Ignacio de Castro n'eurent pas, à une certaine époque, à exécuter un certain nombre de tableaux établissant les types officiels de métissage, en vue d'une distribution dans les principaux centres administratifs. Le chiffre de seize types, qui se retrouve dans nos trois exemples, prouve bien qu'il y a là quelque chose de défini, d'officiel, qui échappe à la fantaisie d'un artiste. Toutefois nous montrerons que les seize types ne concordent pas absolument d'un document à l'autre. II. — Transcrivons tout d'abord les légendes qui figurent sur les seize 40 SOCIÉTÉ DES AMÉRTCANISTES DE PARIS T tableaux, puis sur la grande toile du musée de Mexico; nous donnerons ensuite,- par comparaison, celles des tableaux du Muséum de Paris. Les seize tableaux de Mexico (pi. Ш-Х) mesurent chacun- 0m 40 de hauteur sur 0 m SO de largeur ; ils portent les légendes suivantes : " 1. De Espaftol é India, Mestizo. 2. De Mestizo y Espaîiola, Casiizo. 3. De Castiza y Espaňol, Espaîiol. 4. De Espaîiola y Negro, Mulato. 5. De Espaîiol y Mulata, Morisco. G. г De Espaflol y Morisca, A Ibina . 7. De Espaîiol y Albína, Torna atras. 8. De Indio y Torna atrás, Loho . 9. De Lobo é India, uploads/s3/ blanchard-encore-sur-les-tableaux-de-metissage-du-musee-de-mexico.pdf

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