Trente annés de muséographie française: de l’objet à l’objet Pierre-Henri Magni

Trente annés de muséographie française: de l’objet à l’objet Pierre-Henri Magnin Colección Cuadernos de museología Sistema de Patrimonio Cultural y Museos Universidad Nacional de Colombia Sede Bogotá Sistema de Patrimonio Cultural y Museos Universidad Nacional de Colombia Vicerrectoría de sede Fernando Montenegro Asesor de patrimonio y museos Edmon Castell Dirección nacional de divulgación cultural María Belén Sáez de Ibarra Edición y concepto museológico Edmon Castell Coordinación área de comunicación Juan Manuel Amórtegui Tex tos Pierre-Henri Magnin pymagnine@orange.fr Diseño editorial de la colección Julián Roa Triana / Ana Paula Santander Impresión Unibiblos isbn depósito legal primera edición Febrero de 2009 Está permitido copiar, comunicar y distribuir públicamente esta obra sólo bajo las condiciones especificadas en las Creative Commons relativas al reconocimiento, uso no comercial y respeto de los derechos morales del autor/res. Présentation Histoire des collections publi- ques : de l’exposé savant à la société du spectacle Deux exemples De l’objet à l’objet : un cycle de trent ans 7 9 19 23 h i s t o i r e d e s c o l l e c t i o n s p u b l i q u e s : d e l’ e x p o s é s a v a n t à l a s o c i é t é d u s p e c t a c l e Trente annés de muséographie française: de l’objet à l’objet 7 p r é s e n t a t i o n En France et plus particulièrement à Paris, après trois siècles de culture muséographique fondée sur la conserva- tion et l’enseignement magistral, les musées ont subi dans la seconde moitié du XXè siècle une véritable révolution de leurs modes de communication avec le public. Cette révolution accompagne l’avènement de la « so- ciété du spectacle » annoncé en 1967 par Guy Debord et l’apparition de nouvelles techniques de communication. Le spectacle, comme vecteur éducatif, a profondément marqué les trentes dernières années, très riches en projets et en réalisations muséographiques. Cette révolution a établi un nouveau métier au premier rang des équipes atta- chées à l’aménagement muséographique : le « scénographe d’exposition ». En Français, « scénographe d’exposition » est un terme officiel. Il figure dans les appels de candidatures et les cahiers des charges des concours publics. Associé à un ar- chitecte quand il s’agit de la création ou de la modification structurelle d’un musée, ou comme Maître d’œuvre unique s’il s’agit d’une exposition et de travaux de second œuvre. Le « scénographe d’exposition » opère le plus souvent sous statut de profession libérale. Il n’est pas astreint aux 8 Cuadernos de museología mêmes garanties et assurances que les architectes. La « scénographie d’exposition» ne dispose pas encore d’un d’enseignement spécifique ni de diplôme. On enseigne les techniques et l’art d’exposer dans le cadre des écoles d’aménagement intérieur, de design, d’arts graphiques ou de communication multi-médias. Plus rarement dans les écoles d’architecture. Dans les séquences suivantes nous allons parcourir rapi- dement l’histoire du discours muséologique à partir d’exem- ples de musées scientifiques et techniques que je connais bien, pour nous arrêter sur ce qui caractérise la mise en scène spectaculaire des contenus et des supports informatiques dont les excès sont aujourd’hui en voie d’être corrigés. Le dernier chapitre permettra de saisir le rôle et l’envi- ronnement de travail du « scénographe d’exposition » et le processus qui conduit du programme instruit par le Maître d’ouvrage à l’installation d’une exposition dans un espace public. h i s t o i r e d e s c o l l e c t i o n s p u b l i q u e s : d e l’ e x p o s é s a v a n t à l a s o c i é t é d u s p e c t a c l e Des cabinets de curiosités du xviiiè siècle aux grands musées nationaux, les espaces d’expositions et de conser- vation témoignent des découvertes et des conquêtes du monde savant. Outils d’éducation populaire et manifestes du génie national, les musées participent de l’architecture monu- mentale de la puissance publique. La population est invitée à mesurer l’étendue de plus en plus vaste du champ cognitif des « savants » de la nation. Leurs exposés modifient la perception du monde de la population comme le sentiment qu’elle a d’elle-même. 10 Cuadernos de museología Trente annés de muséographie française: de l’objet à l’objet 11 Les grands musées sont pour la plupart logés à Paris et doivent leur existence à la commande personnelle de rois ou de présidents de la république. Dans le même registre que l’éducation nationale les musées publics foit partie des instruments pédagogiques d’intégration sociale de l’État. À l’origine, la création d’institutions détachées de l’Université répond au besoin du monde savant d’échapper aux limitations imposées par les tutelles religieuses dont l’enseignement, en latin, s’accomode mal de l’émergence d’une vision rationelle du monde et d’une diffusion plus large des connaissances. La première mission d’État que l’on peut considérer comme une démarche à vocation muséographique et de recherche date de 1633 quand Louis XIII fait construire le bâtiment et les dépendances du « Jardin royal des plantes médicinales » qui deviendra en quelques décennies un la- boratoire de recherche et d’enseignement gratuit, en langue française, dans les domaines de la botanique, de la chimie et de l’anatomie. Sa collection de plantes, puis d’animaux s’enrichira au gré des expéditions scientifiques, coloniales et des découvertes. Elle va conduire ce palais de l’Ouest parisien, sans discontinuité, jusqu’à sa mission actuelle de Museum Natrional d’Histoire Naturelle. Autre institution multiséculaire, le Conservatoire des Arts et Métiers dont les premières machines furent exposées, là aussi à des fins de formation, dans les bâti- ments d’un ancien cloître réquisitionné par la Révolution. Son rôle principal était de familiariser la population avec les les innovations technologiques : outillage agricole, puis machines et outils industriels. Ces institutions pédagogiques et de recherche s’agrandis- sent au fil du temps et se métamorphosent. Elles sont pensées et aménagées comme de véritables temples dédiés au progrès et aux valeurs universelles issues de l’esprit encyclopédique. Elles s’ouvrent progressivement à la curiosité populaire et contribuent au programmes pédagogiques des écoles. Jusqu’à l’apparition des médias de masse, elles ani- ment le seul espace de communication scientifique et tech- nique à l’adresse de la population, sans pour autant perdre leur vocation d’enseignement supérieur et de recherche, qu’elles continuent à dispenser de nos jours. L’accès aux collections est très encadré : salles publiques, accessibles au grand nombre, salles de consultation réservées aux cher- cheurs, aux enseignants et étudiants autorisés, laboratoires et chaires d’enseignement des professeurs les plus presti- gieux, toutes ces fonctions cohabitent sur le même site. Une partie des collections reposent dans des réserves et s’em- poussièrent en attendant un improbable retour à la lumière. L’ouverture au public exige l’ordonnancement muséo- graphique des espaces d’exposition et des collections. Elle conduit à réviser les règles de conservation, à exposer les objets à la lumière du jour, aux aléas climatiques de salles 12 Cuadernos de museología Trente annés de muséographie française: de l’objet à l’objet 13 sans climatisation et de les offrir au vol ou à la vandalisa- tion, conditions assurément contraires aux règles de bonne conservation. Avec le développement des jardins botaniques et zoo- logiques, au XIXè siècle, leur vocation didactique est mise à l’épreuve par les grandes foires-expositions nationales et coloniales. Ces manifestations grandioses et éphémères, avec leurs reconstitutions de paysages et de biotopes, leurs attractions vivantes et leurs « panoramas » préfigurent la culture- spectacle. En 1930, un des pavillons construits pour la grande ex- position de 1900 deviendra le Palais de la Découverte dédié à la vulgarisation scientifique fondamentale, face au Grand Palais qui accueille aujourd’hui encore les plus grandes expositions parisiennes. La particularité de ce musée est de proposer des expé- riences conduites par un personnel composé d’étudiants qui opèrent devant les visiteurs en les invitant parfois à participer à leur démonstration. Ce principe de média- tion orale a fait sa réputation. Il est aujourd’hui en cours d’absorption par le Musée des Sciences et de l’Industrie de la Villette. Après la seconde guerre mondiale, l’évolution rapide des techniques de conservation et de communication exige une maîtrise de l’environnement muséographique que les bâtiments anciens peuvent difficilement assurer. L’aug- mentation de la fréquentation publique exige une nouvelle configuration des espaces intermédiaire et de circulation. La muséographie s’enrichit d’un paramètre nouveau : la gestion du flux du public. Les autorités commandent la création de bâtiments nouveaux et la réorganisation des bâtiments anciens. Les architectes sont dès lors associés aux conservateurs qui étaient jusqu’alors seuls juges des normes et des aménage- ments muséographiques. Dans les années 60, le cas du musée des Arts et Tradi- tions Populaires aujourd’hui transféré à Marseille, illustre un des derniers exemples de ce que l’on peut appeler la « culture de la conservation ». Le bâtiment réservé aux expositions est aveugle et cli- matisé. Il présente ses uploads/s3/ magnin-2009-histoire-des-collections-publiques.pdf

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