1 GREG CURNOE Sa vie et son œuvre de Judith Rodger Table des matières 03 Biogra

1 GREG CURNOE Sa vie et son œuvre de Judith Rodger Table des matières 03 Biographie 17 Œuvres phares 44 Importance et questions essentielles 58 Style et technique 69 Où voir 81 Notes 85 Glossaire 95 Sources et ressources 103 À propos de l’auteur 104 Copyright et mentions 2 GREG CURNOE Sa vie et son œuvre de Judith Rodger Greg Curnoe (1936-1992) est à l’origine d’une sensibilité régionaliste qui fait de London (Ontario) une des grandes capitales artistiques du Canada à partir des années 1960. Son œuvre, qui fait appel à un éventail de techniques, documente son propre quotidien, mais il est ancré dans les mouvements artistiques du vingtième siècle, en particulier le dadaïsme et son accent sur le nihilisme et l’anarchisme, la politique canadienne et la culture populaire. On se souvient de ses œuvres colorées qui incorporent un texte vantant son patriotisme ardent (parfois exprimé comme de l’anti-américanisme) ainsi que son militantisme pour soutenir les artistes du pays. 3 GREG CURNOE Sa vie et son œuvre de Judith Rodger ENFANCE Gregory Richard Curnoe voit le jour le 19 novembre 1936 à l’hôpital Victoria à London (Ontario). Il grandit auprès de ses parents, Nellie Olive (née Porter) et Gordon Charles Curnoe, de son frère Glen (né en 1939) et de sa sœur Lynda (née en 1943) dans la maison bâtie par son grand-père. Curnoe passera la plus grande partie de sa vie à cinq kilomètres de cette maison du Sud-ouest ontarien, une péninsule délimitée par l’eau et la frontière des États-Unis. La culture américaine est omniprésente et accessible dans sa ville, mais sa toponymie, son architecture et son caractère conservateur lui confèrent une personnalité tout à fait britannique. GAUCHE: Greg Curnoe, v. 1938. DROITE: La famille Curnoe à Dingman Creek, v. 1946. De gauche à droite, rangée du haut : Nellie et Gordon Curnoe; rangée du bas : Lynda, Glen et Greg Curnoe, photos reproduites avec la permission de Glen Curnoe. Les intérêts et les talents de Curnoe se dévoilent rapidement. Le Noël de ses dix ans, ses parents lui offrent un jeu de timbres en caoutchouc. Naît alors chez lui une passion pour les caractères d’imprimerie et les timbres qui durera toute sa vie. Avec son cousin Gary Bryant, Curnoe crée des dizaines de bandes dessinées, des cartes géographiques et des structures constituées d’objets trouvés. Il développe son talent pour le dessin et la fabrication de modèles réduits, à tel point qu’il obtient des prix à la Hobby Fair de London. L’intérêt qu’il développe pendant l’enfance pour les collections de toutes sortes – les timbres, les petits soldats et les comics – permet d’entrevoir la passion qu’il manifestera à l’âge adulte pour la collection de bouteilles de boisson gazeuse, de macarons arborant des slogans, de livres, de disques et même d’amis. Ses cours de géographie, où l’on aborde les différents conflits frontaliers entre le Canada et les États-Unis, éveillent un intérêt pour les cartes. À l’adolescence, 4 GREG CURNOE Sa vie et son œuvre de Judith Rodger il commence à tenir son journal intime et dessine une caricature chaque jour. Durant toute sa carrière, Curnoe s’inspirera de ces influences, entremêlant inextricablement sa vie et son œuvre. Une page du journal de 1953 de Curnoe qui illustre son intérêt pour la radio dès l’enfance. Greg Curnoe, Collection transcanadienne de bouteilles de boisson gazeuse, v. 1968-1989, ready-made constitué de bouteilles de boisson gazeuse dans leur carton et d’un présentoir, archives du Musée des beaux-arts de l’Ontario, Toronto. Sélection de la collection de bouteilles de boisson gazeuse que Greg Curnoe a amassées à travers le Canada de 1968 à 1989. Curnoe manifeste l’intention de devenir caricaturiste, ce qui l’incite à s’inscrire à un programme d’art spécial à la H. B. Beal Technical and Commercial High School de London en 1954. Ses professeurs l’initient à l’art et à la littérature d’avant-garde – au dadaïsme, au cubisme et au surréalisme, et aux auteurs comme James Joyce, Franz Kafka et T. S. Eliot –, ainsi qu’aux compositeurs Béla Bartók et Igor Stravinsky. À la même époque, Curnoe aménage son premier atelier dans le sous-sol de la maison familiale avec l’aide de son père. L’écriteau à la porte mentionne « Curnoe’s Inferno », (« L’enfer de Curnoe »). Comme tous les autres lieux de travail qu’il occupera au cours de sa vie, cet endroit devient un point de ralliement pour ses amis, notamment les artistes Larry Russell (né en 1932), Don Vincent (1932-1993) et Bernice Vincent (1934-2016) avec qui il organise des fêtes légendaires. 5 GREG CURNOE Sa vie et son œuvre de Judith Rodger En septembre 1957, Curnoe entreprend un programme d’études de trois ans à l’Ontario College of Art (aujourd’hui l’Université de l’École d’art et de design de l’Ontario) à Toronto. Ce n’est pas un endroit pour lui, comme il Ie rappellera plus tard : « L’OCA était ennuyeux. Et stérile. Les professeurs étaient des formalistes purs et durs […]. L’OCA s’intéressait à la forme et à rien d’autre. Ils avaient oublié le contenu. J’imagine que j’étais d’humeur rebelle, mais on ne peut pas décrire un ton de gris indéfiniment1. » En fait, Curnoe échoue sa dernière année. Il rentre chez lui, probablement échaudé, mais son séjour à Toronto est productif à un autre égard. En décembre 1957, il participe à la fondation d’une coopérative d’artistes : la Garret Gallery. Sa rencontre fortuite en 1958 avec Michel Sanouillet, l’un des plus grands experts du dadaïsme, aura sur lui une influence tenace. Ils discuteront souvent par la suite de Marcel Duchamp (1887-1968) et d’auteurs français. Sanouillet deviendra un défenseur de l’œuvre de Curnoe. Greg Curnoe dans son premier atelier aménagé dans le sous-sol de sa maison d’enfance, à côté de son autoportrait Selfchildfool, 1959, photographie de Don Vincent. Derrière lui se trouvent les premiers livres qui feront partie de son imposante bibliothèque. Il puise beaucoup d’idées et de renseignements dans les livres. L’ARTISTE DANS SON ATELIER Greg Curnoe rentre à London en mai 1960 et travaille tout l’été au service d’arpentage de la ville. Résolu à devenir artiste professionnel, il loue à compter de juillet un grand espace au centre-ville pour y aménager son atelier. À partir de cette époque, il vit de la vente de ses œuvres et, lorsque nécessaire, de petits boulots à temps partiel. Plus tard dans sa carrière, il bénéficiera du soutien financier du Conseil des arts du Canada sous la forme de bourses et de subventions. 6 GREG CURNOE Sa vie et son œuvre de Judith Rodger GAUCHE: Friends at one of Greg Curnoe’s King Street studio parties,1966, photograph by Don Vincent. Here Hugh McIntyre, a future member of the Nihilist Spasm Band, is second from the right. DROITE: Greg Curnoe at work in his King Street studio, 1964, with his favourite rocking chair in the background, photograph by Don Vincent. Avec du recul, on pourrait considérer les années 1960 comme la période la plus productive de la carrière de Curnoe. Ses ateliers se trouvent au cœur de sa pratique. Selon l’artiste John Boyle (né en 1941) : « Il renouait d’anciennes amitiés et se cherchait de nouveaux amis à l’université et dans la communauté en général. Son atelier est devenu un carrefour d’activité intellectuelle où l’on discutait de nouvelles idées et où l’on élaborait des projets2. » Le Canada, qui avait adopté un nouveau drapeau en 1965, accueille Expo 67 et célèbre son centenaire deux ans plus tard. Ces événements alimentent les débats sur le nationalisme canadien et la quête d’une identité propre d’un bout à l’autre du pays, et fort probablement dans l’atelier de Curnoe. À la même époque, l’afflux croissant d’artistes, de gestionnaires culturels et d’universitaires américains, sans oublier un incident violent dont il a été témoin à New York en 1965, nourrissent le sentiment antiaméricain de Curnoe. Comme l’explique l’artiste et conservateur indépendant Greg Hill : « Le nationalisme de Curnoe était soutenu par son régionalisme, lequel était ancré dans son attachement à sa localité3. » En 1961, à son retour à London après un séjour en Espagne, l’artiste Jack Chambers (1931-1978) se lie étroitement d’amitié avec Curnoe. Parmi les nouveaux amis de Curnoe, mentionnons le poète James Reaney et le professeur d’anglais Ross Woodman, qui sera le premier à qualifier de « régionalisme canadien » le milieu culturel dynamique de London dans les années 1960. Dans un texte publié par le magazine national d’art contemporain artscanada, Woodman décrit Curnoe comme « un visionnaire qui a modelé un mythe authentique à partir de la matière de sa région » et le régionalisme de London comme étant « essentiellement une région de l’esprit ». Il explique : « Leur régionalisme nouveau genre est largement issu d’une volonté d’éviter l’anonymat auquel sont condamnés, selon eux, ceux qui considèrent la peinture comme un jeu technique désintéressé pour résoudre des problèmes dont les règles et les procédures internationales ont été fixées par […] l’École de New York. […] Ils rejettent la notion voulant que le sujet se limite au seul style et, ce faisant, ils vont au-delà de l’art pour uploads/s3/ greg-curnoe-sa-vie-et-son-oeuvre.pdf

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