Directeur de la publication : Edwy Plenel Directeur éditorial : François Bonnet
Directeur de la publication : Edwy Plenel Directeur éditorial : François Bonnet De Karachi à Kadhafi, Takieddine, l’ami encombrant du pré- sident Par Fabrice Lhomme Article publié le mardi 08 mars 2011 Comme tout bon intermédiaire qui se respecte, Ziad Takieddine a plutôt vocation à rester dans l’ombre. Las, depuis l’emballement de l’affaire de Karachi, dans laquelle il concentre les soupçons de rétrocommissions en marge de certains contrats d’armement, l’homme d’affaires d’origine libanaise se trouve exposé en pleine lumière ? et cela ne lui réussit pas. Z. Takieddine c ⃝DR Dernier épisode en date : la révélation par lexpress.fr , lundi 7 mars, de son interpellation, samedi soir à l’aé- roport du Bourget. M. Takieddine a été contrôlé par les douaniers alors qu’il revenait, à bord d’un avion privé, de Tripoli, où il avait convoyé deux journalistes du Journal du dimanche , un rédac- teur et un photographe. Le JDD a publié, dès dimanche, l’inter- view «en exclusivité mondiale » du président libyen Mouammar Kadhafi, dont les propos avaient donc été recueillis la veille. Dans l’avion, les douaniers ont eu la surprise de trouver une somme de 1,5 million d’euros, en espèces. Une découverte qui a convaincu le parquet de Bobigny d’ouvrir une enquête prélimi- naire pour « manquements aux obligations déclaratives » et « suspicion de blanchiment ». La procédure est en cours de trans- fert au parquet de Paris, et les investigations ont été confiées au Service national de la douane judiciaire (SNDJ). Si les deux journalistes n’ont pas été questionnés, l’intermédiaire, en revanche, a été placé en garde à vue 24 heures ? il a été remis en liberté dimanche soir. Les enquêteurs s’interrogent sur la pro- venance et la destination des fonds découverts dans l’avion. In- terrogé lundi soir par France Info, M. Takieddine a démenti avoir « ramené de l’argent de Libye ». « Oui, j’ai rencontré Kadhafi, mais je n’ai pas ramené d’argent, pas du tout », a-t-il affirmé. « C’est une campagne de dénigrement. On m’a interrogé sur mon déplacement en Libye et voilà. Cela a été un peu long. Il fallait expliquer pourquoi j’y suis allé et ce que j’ai fait là-bas. » Sur le site lepost.fr, Takieddine a admis avoir servi d’intermé- diaire entre le JDD et le tyran de Tripoli, sans évoquer les éven- tuels dessous financiers liés à cette opération de communication : « J’ai entrepris cela dans une démarche positive. C’était un acte nécessaire pour faire comprendre à tous la situation en Libye. » Proche de longue date du colonel Kadhafi, Ziad Takieddine, qui a accordé depuis un an plusieurs longs entretiens au JDD concer- nant l’affaire de Karachi ? à chaque fois pour mettre en cause les chiraquiens ? a cette fois, fort de cette double proximité, joué les intermédiaires entre le journal et le dictateur libyen. Dans un article mis en ligne lundi après-midi et titré « L’étrange interview du JDD », nos confrères du Nouvel Observateur re- lèvent, s’agissant de cette tribune accordée au dictateur, que « le journaliste n’a posé aucune question dérangeante à son interlo- cuteur. Le Guide a pu déployer, sans être placé face à ses contra- dictions, la théorie du complot islamiste qu’il ressasse depuis le début de la révolte en Libye. Mieux, il n’a pas davantage été inter- rogé sur ses liens avec le pouvoir français, notamment le ministre des relations avec le Parlement, Patrick Ollier, soupçonné d’af- fairisme, sur fond de contrats d’armes ». Interrogé par le Nouvel Obs sur les conditions dans lesquelles l’interview a été négociée, le directeur de la rédaction du JDD , Olivier Jay, a déclaré : « On a choisi de ne pas faire de commentaire. Nous préservons le secret des sources. » La connexion Takieddine-Senoussi Les liens du régime libyen avec le pouvoir sarkozyste, et notam- ment M. Ollier, sur fond de ventes d’armes, constituent un cha- pitre entier de l’ouvrage du journaliste Jean Guisnel (Armes de corruption massive , éd. La Découverte), dont Mediapart a publié des extraits le 28 février (à lire en cliquant ici ). Ziad Takied- dine y figure en bonne place, de même qu’un certain Abdallah Senoussi. Beau-frère du colonel Kadhafi, ce responsable des services se- crets libyens est surtout visé par un mandat d’arrêt international délivré par la justice française en 1999, après sa condamnation par contumace à la prison à perpétuité par la cour d’assises de Paris pour son implication dans l’attentat contre le DC-10 d’UTA qui coûta la vie à 170 personnes ? dont 54 Français ? en septembre 1989. L’enquête a établi que c’est Senoussi, sur instruction de Kadhafi, qui avait supervisé toute l’opération, allant jusqu’à four- nir l’engin explosif de l’attentat. Abdallah Senoussi, incontournable sur les marchés d’armement signés par Tripoli, est en fait le « contact » principal de Ziad Ta- kieddine au sein de l’appareil d’Etat libyen. D’ailleurs, l’expertise du répertoire du téléphone portable de M. Takieddine, saisi par la police lors d’une perquisition à son domicile parisien le 10 juin 2010, fait apparaître le nom d’Abdallah Senoussi en bonne place, aux côtés de plusieurs figures de la « Sarkozie » : Claude Guéant, Brice et Valérie Hortefeux, Thierry Gaubert, etc. Cet accès privilégié à l’entourage proche du dictateur libyen per- met de mieux comprendre un épisode révélé par M. Takieddine lui-même dans l’ouvrage que nous avons consacré à l’affaire de Karachi (Le Contrat , éd. Stock, mai 2010). L’homme d’affaires y expliquait avoir « fait libérer » en juillet 2007 six personnes, 1 Directeur de la publication : Edwy Plenel Directeur éditorial : François Bonnet dont cinq infirmières bulgares, injustement détenues par les auto- rités libyennes. Dans le même livre, Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, confirmait que M. Takieddine avait « incontestablement joué un rôle important » dans cette affaire, présentée comme le premier succès diplomatique de la présidence Sarkozy ? et qui aurait eu pour contrepartie la signature de nouveaux contrats d’armement entre Tripoli et des grandes entreprises françaises... M. Guéant précisait : « Moi, je connaissais Moussa Koussa, à l’époque chef des services de sécurité et aujourd’hui ministre des affaires étrangères du régime libyen, que j’avais rencontré à ce sujet juste avant l’investiture de Nicolas Sarkozy. Mais Ziad Ta- kieddine connaissait visiblement d’autres personnes dans l’en- tourage de Kadhafi, et il nous a aidés. » L’Elysée pouvait-il ignorer que parmi ces « autres personnes » figure Abdallah Senoussi, recherché par la justice française de- puis plus de dix ans pour son implication dans l’attentat sanglant contre le DC-10 d’UTA ? Une chose est certaine, Ziad Takieddine, qui symbolise la rela- tion équivoque entretenue par la présidence Sarkozy avec le co- lonel Kadhafi? pour lequel la France déroula le tapis rouge en décembre 2007 ?, est un allié de plus en plus encombrant pour le chef de l’Etat. Dans Le Contrat , ainsi que Mediapart s’en était fait l’écho le 4 mai 2010, nous recensions les nombreux liens unissant M. Takieddine aux ex-balladuriens, devenus sarkozystes. L’intermédiaire, imposé à l’été 1994 dans les négociations du contrat Agosta (la vente de sous-marins au Pakistan) par le gou- vernement Balladur alors que le contrat était déjà bouclé, est soupçonné d’avoir profité de l’équivalent de 33 millions d’euros de commissions versées en marge de ce marché. A la même pé- riode, il fit aussi brutalement irruption dans le contrat Sawari II (la vente de frégates à l’Arabie saoudite), sur lequel il aurait perçu 87 millions d’euros. Pour la justice française, une partie des sommes versées en marge de ces deux contrats pourrait avoir servi à financer illégalement la campagne présidentielle de 1995 du premier ministre-candidat, dont Nicolas Sarkozy, ministre du budget, était alors l’un des plus influents stratèges. C’est notamment M. Sarkozy qui, de- puis Bercy, valida la création d’une société off shore, baptisée Heine, par laquelle transitèrent une partie des commissions sus- pectes destinées notamment à M. Takieddine. Le journal MEDIAPART est édité par la Société Éditrice de Mediapart (SAS). Capital social : 4 017 200 e. Immatriculation : no 500 631 932 RCS Paris. Numéro de CPPAP : en cours. Président : Edwy Plenel. Directeur éditorial : François Bonnet. Rédaction et administration : 8 passage Brulon, 75012 Paris. Courriel : contact@mediapart.fr . Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08. Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90. 2 uploads/Finance/ 08-mars-2011-karachi-a-kadhafi-takieddine-l-x27-ami-encombrant-du-president 1 .pdf
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- Publié le Dec 26, 2022
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