Numéro 152 NOV. - DÉC. 2015 Numéro 152 — Novembre/décembre 2015 www.veillemag.c

Numéro 152 NOV. - DÉC. 2015 Numéro 152 — Novembre/décembre 2015 www.veillemag.com Hommage à Robert Guillaumot. L’industrie française en danger. Dossier coordonné par Eric Dénécé • Robert Guillaumot, l’homme qui aimait l’intelligence économique • À la mémoire de Robert, soldat terrassier de l’Intelligence économique. • Robert Guillaumot, démiurge de l’I.E. L’arme stratégique de l’anti-corruption Alstom ou la faillite de l'État stratège Alstom: la bataille perdue La France industrielle doit rebondir! •Veille Magazine • 23 L’INDUSTRIE FRANÇAISE EN DANGER D ans cet arsenal, l’application extraterrito- riale du droit et de sanctions est leur arme favorite. La mondialisation n’est finalement qu’une conversion de la planète aux lois américaines, lesquelles s’appliquent désor- mais presque partout, au détriment des droits et des intérêts des autres nations Les procédures judiciaires pour corruption enga- gées contre ALS TOM dans de nombreux pays ont joué un rôle déterminant dans le rachat de la société française. La justice américaine a su habi- lement faciliter l’acquisition par General E lectric de l’entreprise française, avec la collaboration des dirigeants du groupe. Depuis le début des années 1990, les Etats-Unis ont développé une véritable stratégie planétaire de domination politique, économique et juridique. Ils usent et abusent de tout un arsenal de méthodes afin d’assurer chaque jour davantage leur hégémonie sur les marchés mondiaux. Celles-ci ont pour but d’affaiblir les entreprises concurrentes, de leur interdire l’accès à certains marchés — afin de les réserver aux groupes américains — ou encore de les sanctionner lorsqu’elles sont parvenues à devancer économiquement leurs rivales d’outre-Atlantique. Eric Denécé, Directeur, Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) DOSSIER * Lire à ce sujet le rapport de Leslie Varenne et Eric Denécé, Racket américain et démission d’État : le dessous des cartes du rachat d’Alstom par General Electric, Rapport de Recherche n°13, Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), décembre 2014. http://www.cf2r.org/fr L ’affaire ALS TOM (*) est à rapprocher d’autres actions que les E tats-Unis ont déclenchées contre nous, profitant de notre faiblesse politique. C’est le cas avec la remise en cause, à la demande de Washington de la vente de navires Mistral à la Russie — alors même que les E tats-Unis achètent des hélicoptères russes qu’ils fournissent à l’armée afghane – et bien sûr du véritable racket dont a été victime BNP P aribas, pour avoir commercé avec des pays sous embargo américain. E t d’aut- res devraient suivre (Airbus, Areva, Sanofi, Société générale). L ’affaire ALS TOM révèle par ailleurs l’incompré- hension de la compétition mondiale des diri- geants politiques et économiques français qui n’ont toujours pas perçu ce qu’était la guerre éco- nomique moderne. Ils sous-estiment notamment les méthodes déloyales et illégales américaines dont nos entreprises sont victimes, par refus de voir l’évidence. Ainsi, derrière un discours circonstancié sur l’iné- luctabilité de la mondialisation, nos élites sont en train de laisser partir nos joyaux industriels à l’é- tranger, n’hésitant pas à sacrifier notre indépen- dance économique, énergétique et militaire. E lles et se révèlent incapables de défendre nos intérêts et semblent ne plus croire à la nécessité d’une industrie française. Eric Dénécé •Veille Magazine • 24 Anti-corruption, l’arme américaine pour affaiblir les économies concurrentes Le meilleur moyen de domination est celui des idées — le soft power — plutôt que le pouvoir des armes — le hard power. Il s'agit de convaincre les autres de considérer les idées qui correspondent à votre stratégie de puissance comme les bonnes idées qu'il est normal d'adopter – ce que fit l’Angleterre au XIX° siècle avec le libre-échange.... une fois parvenue à la puissance par le protectionnisme – et c’est encore mieux par la « morale ». Par Claude Rochet L a corruption étant une arme de pauvres, les pays parvenus à la richesse vont vouloir en priver les autres au nom de la "morale", alors que la corruption a été un levier du développe- ment économique, quand bien même il devient vite un frein. Les Etats-Unis sont un pays corrompu, les entrepri- ses américaines pratiquent la corruption pour obte- nir des marchés à l'international, mais elles le font par des moyens sophistiqués qui échappent aux dominées qui sont obligées d'en rester à la bonne vieille pratique des commissions et des rétro-commissions. Les entreprises américaines vont, entre autres, gérer les carrières de leurs par- tenaires étrangers: études dans de grandes univer- sités, recrutement dans des cabinets d'audit puis dans de grandes entreprises LE FOREIGN CORRUPT PRACTICES ACT (FCPA) Cette stratégie s’incarne dans une loi: le F oreign Corrupt P ractices Act (FCP A) initialement pro- mulguée en 1977 à l’encontre des entreprises américaines qui devaient montrer l’exemple d’un pays parfait dans le contexte de la guerre froide. Il est actualisé après la signature de la Convention de l’OCDE en 1998 qui fait obligation aux pays signataires d’adopter une législation réprimant la corruption sur les marchés internationaux. Dès lors le FCP A devient d’application extra-terri- toriale, en s’appuyant sur l’usage d’Internet et les nouveaux moyens de renseignement de la NSA. Une transaction en dollars, un courrier électro- nique, tout cela passe par le territoire américain et suffit à déclencher la procédure. grand angle •Veille Magazine • 25 MODUS OPERANDI Comment se déroule-t-elle? L ’entreprise reçoit une lettre du Department of J ustice (DoJ ) qui lui demande de clarifier sa situation sur la base de simples suspicions. P our ne pas risquer plus d’en- nuis, celle-ci est priée d’embaucher un cabinet d’avocat américain qui va passer en revue les pro- cédures de négociation de l’entreprise et les contrats en cours. À la remise de son rapport le P rocureur du DoJ indiquera à l’entreprise le montant de l’amende qu’elle doit payer pour éviter les poursuites péna- les. Le montant de celles-ci représente générale- ment l’équivalent des sommes gagnées par la cor- ruption. L ’entreprise, dans la logique de la procé- dure transactionnelle américaine, n’a qu’une hâte: payer pour ne pas risquer d’être exclue des marchés publics et risquer beaucoup plus gros. L a corruption étant une arme de pauvres, les pays parvenus à la richesse vont vouloir en priver les autres au nom de la "morale"... « L’entreprise reçoit une lettre du Department of Justice (DoJ) qui lui demande de clarifier sa situation sur la base de simples suspicions» Q ue se passe-t-il si l’entreprise ne coopère pas – ce qui fut le cas de Alstom sous la présidence de Patrick Kron ? Les choses s’enveniment et l’entreprise peut être déférée devant un juge qui va exiger des investigations approfondies, et pourra solliciter les moyens du FBI et de la NSA. Dans l’affaire Alstom, pour faire pression sur Patrick Kron et lui faire comprendre qu’il pourrait subir le même sort, le DoJ fait arrêter en avril 2013 un haut cadre d’Alstom lors d’un passage aux Etats-Unis qui sera enfermé durant 14 mois dans un quartier de haute sécurité avec les caïds de cartels de la drogue. Otage économique dont le gouvernement français s’est désintéressé alors qu’il se démenait à l’époque pour Florence Cassez au cas autrement plus louche. Frédéric Pierucci était-il corrompu et avait-il cor- rompu ? Non. Le motif d’incrimination par le FCP A est simplement d’avoir eu connaissance de faits de corruption et de ne pas les avoir dénoncés. Pierucci a été libéré sous caution quand la vente d’Alstom à General Electric a été sur les rails; GE qui a reconnu avoir participé aux négociations avec le DoJ pour fixer le montant de l’amende… pour faire préciser que celle-ci devrait être payée par la partie de l’entreprise qui resterait française. JACKPOT : 150 MILLIARD DE DOLLARS D’AMENDE Depuis sa création et sa montée en puissance (en gros depuis 2002, ce qui correspond à la montée en puissance de la NSA) le FCP A a infligé 150 milliards de dollars d’amende au point d’être sur- nommé FCP A Inc. Les entreprises françaises qui sont tombées dans les rets de la justice extra-territoriale américaine ont versé à ce jour 12,3 milliards de dollars d’a- mende… quand elle ne paye qu’une portion congrue d’impôts en France. •Veille Magazine • 26 Professeur des universités et haut fonctionnaire en charge du laboratoire de recherche en intelligence économique du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Ces cabinets doivent remettre un rapport au DoJ qui valide in fine ces procédures. Un « moniteur » mandaté par le DoJ , a accès à tout dans l’entreprise et ne peut se voir opposer aucun secret des affaires. Si c’est un avocat amé- ricain, il est statutairement “officer of the Court “ donc obligé de révéler au DoJ tout ce dont il a Comment se défendre ? Une cash machine aussi pour les cabinets d’avocats qui sont chargés de mettre en œuvre des procédures de compliance censées garantir l’intégrité des procédures de l’entreprise. La convention de l’OCDE prévoit que la procédure doit être diligentée par l’État le plus à même de le faire, ce qui suppose qu’il soit en mesure d’imposer des amendes suffisamment lourdes pour faire jouer le principe international de droit non bis per idem selon lequel nul ne peut uploads/Finance/ anti-corruption-l-x27-arme-americaine-pour-affaiblir-les-economies-concurrentes.pdf

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  • Publié le Jan 29, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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