Chapitre 1 Le modèle input-output Ouerhani Salah 2022/2023 • En 1931, Leontief
Chapitre 1 Le modèle input-output Ouerhani Salah 2022/2023 • En 1931, Leontief songe à un projet où il étudierait non pas un marché ou un secteur séparément du reste de l’économie et sous l’hypothèse ceteris paribus mais, au contraire, en représentant l’économie dans son ensemble au travers des interdépendances entre les différentes branches et en incluant les ménages : • Le projet, tel que présenté par Leontief, n’est rien de moins que d’appliquer empiriquement la théorie de l’équilibre général. • Il s’agit à la fois de récolter les données statistiques spécifiques requises et d’élaborer un modèle mathématique d’équilibre général. • La finalité du tableau n’est pas la représentation comptable de l’économie nationale mais l’établissement d’un lien étroit entre les données statistiques et les concepts de la théorie économique. Plus précisément, c’est la théorie de l’équilibre général que Leontief convoque comme contrepartie théorique à son tableau statistique. Le projet d’études input-output 2 • Il montre alors comment des calculs concrets peuvent être réalisés à partir du modèle mathématique et des données numériques du tableau. • Dans ce chapitre, nous présentons les grands principes du tableau et du modèle de Leontief. Nous montrons qu’ils permettent effectivement de traiter les problèmes rencontrés dans l’analyse en équilibre partiel, à savoir tenir compte de l’interdépendance générale entre les prix et entre les quantités des différents marchés, ainsi que mesurer de manière univoque les paramètres du modèle. 3 1. Le tableau input-output • Rendre compte et représenter l’interdépendance entre les unités productives de l’économie, y compris les ménages. • Le principe sous-jacent à l’analyse input-output est une intuition simple : la production de chaque bien nécessite des inputs qui sont eux-mêmes produits à partir d’autres biens et ainsi de suite. Par conséquent, un changement, par exemple dans la demande finale d’électricité en cas de reprise économique, entraîne, par un effet de chaîne, des modifications dans la consommation et la production des inputs nécessaires à la production d’électricité, entre autres de charbon, de gaz, d’eau, de travail, etc. Les modifications des productions de ces derniers éléments ont à leur tour des effets sur les inputs nécessaires à leur production, y compris l’électricité, le travail, et ainsi de suite. Comment représenter et rendre compte de ces liaisons, enchaînements et circularités ? 4 • L’étude des relations intersectorielles permet de traiter les enchaînements et les circularités entre les unités productives de l’économie , à la fois du côté des quantités produites, et du côté des prix puisque ces relations input-output répercutent les changements conjoncturels ou structurels à travers les coûts entrants dans la composition de chaque bien. • Aussi, quand le tableau entrées-sorties permet de traiter de manière statistique les volumes des biens et leur distribution dans l’économie, le modèle mathématique permet d’effectuer les calculs nécessaires pour répondre aux questions du type : • Si la production (ou la demande ou la technique associée) du bien X change, quel est l’impact sur le reste de l’économie, sur les prix et sur les quantités ? 5 • Présentons le tableau entrées-sorties dans le cas d’une économie à trois secteurs (ou trois branches) : l’agriculture, l’industrie et les ménages. • Ce tableau à trois branches a été conçu par Leontief en 1966 à des fins pédagogiques et est fidèle à l’esprit du tableau publié en 1936 notamment pour ce qui est du traitement de la demande finale et des ménages qui y sont un secteur comme les autres. Les ménages consomment des biens provenant de l’agriculture et de l’industrie et produisent des services. Ici les services se réduisent à du travail, mais peuvent inclure les services entrepreneuriaux et les services de capital. • Les deux premiers secteurs consomment des biens et services provenant des autres secteurs, ou de leur propre production(autoconsommation). Ils produisent des biens distribués et consommés dans l’ensemble de l’économie. • Pour simplifier, on ne tient pas compte des variations de stock, du capital fixe et de la formation de capital fixe . • Enfin, on se situe dans le cadre d’une économie fermée, sans importations ni exportations, et sans État. Ces restrictions sont levées dans les tableaux input- output complets. 6 • Tableau 1 : Tableau entrées-sorties en valeur Secteur1 : agriculture Secteur 2 : Industrie Secteur 3 : Ménages Production totale (en $) Secteur1 : agriculture 50 40 110 200$ Secteur 2 : Industrie 70 30 150 250$ Secteur 3 : Ménages 80 180 40 300$ Input total en $ 200$ 250$ 300$ 7 Total input = Total output • Ce tableau à double entrée donne lieu à une lecture en ligne et une lecture en colonne : En ligne, on trouve la production et les débouchés de chaque secteur. Une ligne détaille la manière dont la production totale d’un secteur est distribuée dans l’économie. En prenant le secteur 1, l’agriculture, la production agricole va à l’agriculture elle-même pour 50 $, à l’industrie pour 40 $, et aux ménages, en consommation finale, pour 110 $. Au total, la valeur de la production agricole est de 200 $. Chaque ligne exprime donc un équilibre emplois / ressources sectoriel ; En colonne, sont détaillés les montants de chaque input entrant dans la fabrication de l’output d’un secteur. Par exemple, pour le secteur 2, l’industrie, la production de 250 $ d’output industriel nécessite la consommation de 40 $ de produits de l’agriculture, 30 $ de produits industriels, et 180 $ de services des ménages (du travail). 8 2. Du tableau intersectoriel à la matrice comptable. De la matrice au modèle • Remarquons d’abord que, si ce tableau est dorénavant un tableau standard de la comptabilité nationale, ce n’est pas pour autant un tableau comptable au sens habituel du terme. En effet, nous n’avons pas là un tableau qui représente un compte en T avec, pour chaque secteur, d’un côté les ressources et, de l’autre, les emplois. • C’est un tableau à double entrée, mieux décrit comme une matrice comptable. Cette manière de représenter l’économie convient mieux aux économistes qu’aux comptables nationaux. • Si le tableau entrées-sorties (TES) se présente comme une matrice comptable, c’est qu’il est construit afin de mesurer les éléments du modèle mathématique qui est lui-même conçu à l’aide de matrices mathématiques. • Une contrainte imposée par la représentation matricielle du TES est l’égalité entre le nombre de colonnes et de lignes. Cette contrainte est imposée afin de permettre l’usage du calcul matriciel. Quand le tableau contient autant de lignes que de colonnes, il correspond à une matrice carrée. Quand le nombre de colonnes est plus ou moins grand que le nombre de lignes, alors il correspond à une matrice rectangulaire. • D’un point de vue mathématique, les matrices carrées offrent de nombreuses propriétés extrêmement utiles pour réaliser des calculs et manipuler les données du tableau. C’est le caractère matriciel du tableau qui permet d’en tirer des inférences statistiques. C’est pour cette raison que, dès son premier TES de 1936, Leontief construit un tableau carré de quarante-six lignes et quarante-six colonnes. 9 • La contrainte mathématique d’égalité entre lignes et colonnes pèse et satisfait mal la logique comptable. Dans une perspective mathématique, une introduction d’un élément supplémentaire en colonne, par exemple, donne lieu à l’introduction d’un élément correspondant en ligne, ce qui n’a pas toujours un intérêt évident pour l’enregistrement comptable. En introduisant en colonne les dépenses publiques, on peut associer, en ligne, les taxes et les prélèvements (qui seront donc comptabilisés parmi les coûts et dépenses des secteurs). En introduisant les relations avec le reste du monde, on peut placer en colonne les exportations et en ligne les importations. En introduisant ces deux nouveaux éléments, on obtient un tableau à cinq lignes et cinq colonnes (en ne comptant pas les totaux). 10 • Plus problématique est la distinction entre les produits et les secteurs. En effet, un secteur peut produire plusieurs produits, soit sous forme de produits joints soit de produits secondaires. Il serait alors pertinent de représenter en ligne les produits disponibles dans l’économie et, en colonne, les secteurs de l’économie qui produisent et consomment ces produits. Dans ce cas, le tableau sera rectangulaire et il y aura plus de lignes que de colonnes puisqu’il y a plus de produits que de secteurs. Ce problème soulève des questions autant en termes de logique comptable que d’analyse économique. • Le choix de Leontief : • Premièrement, de placer les secteurs en ligne comme en colonne, • Deuxièmement, de représenter autant de secteurs en ligne qu’en colonne, • Troisièmement, de supposer que chaque secteur produit un bien unique et, inversement, que chaque bien est produit par un seul secteur. 11 3. De la matrice comptable au calcul économique : un exemple • Dès sa conception dans les années 1930 par Leontief, le tableau entrées-sorties est conçu comme une matrice comptable input-output et cela dans le but de réaliser des calculs économiques que n’auraient pas permis des comptes en T (ressources / emplois). • Prenons un exemple de calcul économique auquel se prête la matrice comptable input- output, ce qui nous amènera à « faire fonctionner » la logique uploads/Finance/ chapitre-1-le-modele-input-output-2022.pdf
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- Publié le Nov 26, 2021
- Catégorie Business / Finance
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