Tracés. Revue de Sciences humaines Numéro 8 (2005) L’illusion .................
Tracés. Revue de Sciences humaines Numéro 8 (2005) L’illusion ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Paul Costey L ’illusio chez Pierre Bourdieu. Les (més)usages d’une notion et son application au cas des universitaires ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. 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Référence électronique Paul Costey, « L’illusio chez Pierre Bourdieu. Les (més)usages d’une notion et son application au cas des universitaires », Tracés. Revue de Sciences humaines [en ligne], 8 | 2005, mis en ligne le 20 janvier 2009. URL : http://traces.revues.org/index2133.html DOI : en cours d'attribution Éditeur : ENS Éditions http://traces.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne à l'adresse suivante : http://traces.revues.org/index2133.html Ce document est le fac-similé de l'édition papier. © ENS Éditions L’illusio chez Pierre Bourdieu. Les (més)usages d’une notion et son application au cas des universitaires « Aux questions qui portent sur les raisons de l’ a p- p a rtenance, de l’engagement viscéral dans le jeu, les p a rticipants n’ont rien à répondre, en définitive, et les principes qui peuvent être invoqués en pareil cas ne sont que des rationalisations post-festum desti- nées à justifier, pour soi-même autant que pour les a u t res, un investissement injustifiable » . P . Bourdieu, Méditations pascaliennes.1 L’i l l u s i o c h ez Pi e r re Bourdieu est une notion clef très souvent négligée par les com- mentateurs au profit [de celles de champ, de l’h a b i t u s ou de la violence symbolique2. ] Les raisons de cet insuccès se tro u vent peut-être dans le traitement étonnamment dis- c ret de ce concept auquel Bourdieu s’est livré, alors que ses différentes acceptions le re n- dent essentiel dans l’édifice qu’il a construit. Si l’auteur a négligé au fil du temps ce concept, notons tout de même que, dans ses derniers travaux, il tro u ve une place à sa m e s u re et qu’il en est fait un usage plus systématique3 : dans Raisons pra t i q u e s, qui re p re n d une série d’ a rticles et de communications orales ou bien dans les Méditations pascaliennes, l’un de ses derniers ouvrages, l’i l l u s i o est largement réhabilitée, synthétisant un ensemble de thèmes (intérêt, investissement, engagement, perception, …) et parachevant sa théo- rie de l’action. Pour autant, cet usage tard i f, dans une théorie élaborée de longue date4, laisse supposer des interrogations théoriques majeures au dénouement contestable, et 1. Bourdieu P ., Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997, p. 123. 2. Ce texte s’appuie sur un travail de maîtrise soutenue à l’université Lyon 2 en 2003, intitulé La notion d’illusio dans le travail de P . Bourdieu : le cas des enseignants-chercheurs en histoire. Dans cette note, j’ai volontairement laissé de côté les entretiens réalisés pour conserver certaines de mes conclu- sions. Si l’argumentation peut sembler tronquée et si elle élude en partie la face empirique de mon travail, les remarques formulées ici prétendent valoir du point de vue théorique comme du point de vue empirique. Elles prennent la forme de conclusions en aucun cas définitives et invitent au questionnement empirique plutôt qu’elles ne le ferment. 3. Bourdieu hésite dans beaucoup de ses textes entre le terme d’illusio et d’autres comme intérêt, inves- tissement, etc. qu’il finit par réunir dans un même concept en adoptant définitivement l’illusio à partir des années 1980. 4. Addi L., Sociologie et anthropologie chez Pierre Bourdieu. Le paradigme anthropologique kabyle et ses conséquences théoriques, Paris, Ed. de la Découverte, 2002. REVUE TRACÉS n°8 – printemps 2005 – p. 13-27 14 REVUE TRACÉS n° 8 – printemps 2005 donc des choix intellectuels d’ i m p o rt ance aux yeux de Bourdieu. Le recours à l’i l l u s i o d e façon régulière uniquement à partir des années 1980 en dit long sur les enjeux que cet usage re c o u v re, quand on se souvient que Bourdieu a défini la plupart de ses concepts majeurs depuis les années 1970. Cet intérêt est re n f o rcé par l’usage qu’il propose de l’ i l l u- sion et par la manière qu’il a de multiplier les recours à ce terme : « illusion scholas- t i q u e », « illusion biographique », « illusion subjectiviste », etc. Dans une sociologie du d é vo ilement (ou de la ru p t u re ) qui ne cesse d’ o p p o s e r, sur un mode bachelardien, la connaissance savante et la connaissance profane, le sociologue se fait démystificateur et p a rvient seul à émettre des jugements objectifs grâce à l’ e xe rcice de la réflexivité (faculté dont est privé l’acteur ord i n a i re). En ressaisissant les contraintes qui pèsent sur l’ a c t e u r, le sociologue peut, seul, re c o n s t ru i re le sens objectif d’une action qui échappe irrémé- diablement à un agent pris par l’action et par consèquent, selon Bourdieu, incapable de réflexivité. Pa rce que les acteurs sont immergés dans la pratique et que cet engagement impose une myopie au nom des impératifs de la pratique (ni le temps ni les moyens de la réflexivité), la figure du sociologue se dresse en surplomb, détenteur d’un savoir inac- cessible à un acteur aveugle qui ne peut accéder aux véritables principes de ses actions. Puisque l’engagement impose de laisser en suspens certaines croyances, d’ a d h é re r de manière aveugle à des principes, l’illusion serait la condition de celui-ci et viendrait en retour conforter cet investissement. Elle serait donc un régime d’existence ou d’ e n- gagement dans un monde social, un mode pratique d’ i n vestissement qui ne remet pas en cause les fondements de son organisation, en raison d’une coïncidence parfaite entre des cadres mentaux et les règles mêmes de cet univers. L’i l l u s i o n’est rien d’ a u t re « q u e ce rapport enchanté à un jeu qui est le produit d’un rapport de complicité ontolo- gique entre les stru c t u res mentales et les stru c t u res objectives de l’espace social »5, c’ e s t - à - d i re entre un ensemble de schèmes mentaux (h a b i t u s) et des régularités caractéristiques d’un espace social autonome (champ) qui conduit ceux qui possèdent la maîtrise pra- tique de cet univers à anticiper de façon correcte les évolutions du jeu6. Pour celui qui possède les catégories mentales (un « ensemble de principes de vision et de division » ) adaptées à un champ donné, tous les événements qui s’y produisent paraissent « n a t u- re l s » ou « é v i d e n t s ». En accord avec la théorie de la pratique, l’intérêt qui pousse les agents à s’ i n vestir dans les l u s i o n e s, les chances, n’est pas économique. Au contraire, « l’ i n- térêt désintére s s é » ayant cours dans la plupart des espaces sociaux autonomes fonde un 5. Bourdieu P ., « Un acte désinteressé est-il possible ? », Raisons pratiques, Paris, Seuil, 1994, p. 151. 6. Bourdieu développe une analogie entre le champ et le jeu, le jeu donne une image approximative du fonctionnement du champ. Ils possèdent tous deux des règles que les participants respectent et qui constituent à la fois des contraintes et des ressources pour l’action, mais le champ, différence majeure, ne possède pas de créateur (Bourdieu parle lui de « nomothète », celui qui a le pouvoir de fixer les règles). L’illusio chez Pierre Bourdieu. Les (més)usages d’une notion et son application au cas des universitaires 15 « intérêt au désintére s s e m e n t »7 qui prend ses formes extrêmes dans certains lieux comme la famille, le champ artistique ou scientifique8. C’est précisément dans ces champs « les plus purs » que joue à plein cette économie symbolique si part i c u l i è re, re p o s a n t sur le capital symbolique, où la re c o n n a i s s a n uploads/Finance/ costey-l-x27-illusio-chez-pierre-bourdieu-les-mesusages-d-x27-une-notion-et-son-application-au-cas-des-universitaires 1 .pdf
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- Publié le Apv 29, 2022
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