LA REVUE DU FINANCIER 24 Crise ou renaissance de la facture ? Laurent Friscour

LA REVUE DU FINANCIER 24 Crise ou renaissance de la facture ? Laurent Friscour CEO postme.io, co-fondateur et délégué régional France Blocktech laurent@postme.io Internet a été à l’origine de bien d’autres inventions que l’e-mail, la blockchain donnera naissance à bien d’autres innovations qu’un simple réseau de paiement utilisant une crypto- monnaie. C'est pourquoi dans cet article, nous allons voir comment cette technologie qui notifie les données inscrites en son sein va chambouler plusieurs métiers dont le business model est issu de la confiance par le prisme d'un document bien connu de tous, la facture ! Est-ce que ce document qui certifie fiscalement une transaction pour obtenir un paiement à un avenir ? Aura- t-elle aussi un impact sur l’industrie de la comptabilité et de l’audit ? Mots-clés : Blockchain, asset, fin de la facture, fin de la comptabilité, audit, transaction fiscale, TVA à la source. Internet has been at the origin of many other inventions than e-mail, the blockchain will give birth to many other innovations than a simple payment network using a crypto-change. That's why in this article, we will see how this technology that notifies the data inscribed within it will upset several firms whose business model comes from the trust by the prism of a document well known to everyone, the invoice! This document who certify a transaction to obtain a payment, does it have a future? Will it also have an impact on the accounting and auditing industry? Keywords: Blockchain, asset, ending invoice, ending accounting, audit, tax transaction, VAT at source. I - Etat des lieux de la facture en France 1 - Les retards de paiement : un enjeu majeur A ce jour, quand un client reçoit une facture de son fournisseur, le parcours de cette dernière est complexe. Pour être approuvée, payée, comptabilisée et classée, la facture se duplique ou se ballade de service en service au risque de se perdre. Pour connaître l'état d'avancement du traitement de sa facture, le fournisseur appelle son client ce qui est chronophage pour chacune des parties. L'ensemble de ces actions non productives représentent un coût global et indirect estimé entre 26 à 200 euros selon les flux économiques, les systèmes d'information et les méthodes d'estimation. Les 2/3 sont à la charge du client. Si ce dernier n'optimise pas ce processus par la mise en place d'outil lourd comme une « océrisation » précédent un scan et CRISE OU RENAISSANCE DE LA FACTURE ? 25 couplé à une Gestion Electronique de Document, cela entraîne un retard de traitement et par ricochet un retard de paiement. Quand on pense qu'en France, les entreprises éditent chaque seconde environ 80 factures dont 97% sont au format papier, il faut nécessairement mesurer et comprendre l'impact de ces retards de traitement au niveau micro et macro-économique. Notons que les délais de paiement sont devenus un enjeu de trésorerie majeur pour les entreprises. 2/3 d'entre-elles font faces régulièrement à des retards de paiement qui mettent leur activité en péril. L'enquête réalisée par Ipsos pour American Express en novembre dernier auprès de 301 chefs d'entreprise de PME et ETI, révèle que les retards de paiement est une des préoccupations majeures des chefs d'entreprise bien avant la diminution des marges ou la chute des ventes parmi leurs sujets d'inquiétude. Ils ont bien raison de s'inquiéter car ces retards entraînent des difficultés de trésorerie qui peuvent amener à la défaillance. Selon le baromètre Arc-Ifop publié en novembre 2016, un quart des défaillances sont la conséquence de retards de paiement ce qui représente tout de même 40 dépôts de bilan par jour liés aux retards de paiement. Selon les derniers chiffres de l'Observatoire des délais de paiement, les retards de paiement s'élevaient à 13,2 jours de retard en moyenne fin 2015. Concrètement, ils coûtent près de 16 milliards d'euros de trésorerie par an aux PME. 2 - L'interopérabilité à la source des retards de paiement Hormis, le comportement indélicat de certains donneurs d'ordre pour allonger les délais de paiement, la complexité des factures est un élément à prendre sérieusement en considération. Les travaux du médiateur des entreprises ont mis en lumière le grand nombre d'informations que les clients demandent à leurs fournisseurs de faire figurer sur chaque facture, ainsi que la complexité des processus de référencement des fournisseurs, de facturation et de validation des factures avant paiement. Ces exigences, propres à chaque entreprise ou administration - et dont une partie va au-delà de la réglementation, constituent un frein à un paiement des factures dans les délais légaux. Le Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) et la médiation sont en train d'élaborer des propositions opérationnelles pouvant porter sur la promotion d'un modèle unifié de facture. Cette interopérabilité de format semble être une bonne idée pour simplifier l'édition de la facture pour le fournisseur et de faciliter l'acceptation de la facture pour le client. L'interopérabilité de format ne se suffit pas à elle seule. Celle du routage a aussi son importance et dans la matière, celle du courrier est la référence. Ses avantages constituent un standard de fait que la facture électronique doit prendre en compte. Pour qu'un fournisseur puisse émettre spontanément une facture électronique par flux EDI (Echange de Données Informatisées) à l'un de ces clients sans s'engager dans une démarche projet, elle a besoin non seulement d’une solution d’interopérabilité de format univoque mais aussi de routage pour atteindre la performance d'usage de la facture papier. Ce couple d'interopérabilité de format et de routage est indispensable pour que l'adoption de la facture électronique soit généralisée. Le principal défi du déploiement de la facture électronique réside de rendre sa transmission aussi simple qu'un courrier dès le premier envoi et même ponctuel. L'émetteur doit avoir la certitude que sa facture sera bien reçue et acceptée par le récepteur. 3 - La facture électronique est-elle une bonne solution ? Face à la problématique d'interopérabilité de routage, la facture PDF-Image semble avoir un bel avenir car sa performance d'usage ressemble à celle de la facture papier. Cependant, elle reprend aussi les mêmes inconvénients voir en rajoute. D'ailleurs, la « Lettre Codinf » du mois de juillet 2016 expose les conséquences d'une telle dématérialisation que beaucoup prennent, à tort, pour LA REVUE DU FINANCIER 26 le remède aux retards de paiement. Le Codinf a ainsi pointé les risques de dérives et notamment la multiplication des « portails » électroniques où les clients sont priés de se rendre pour récupérer leurs factures ou les fournisseurs de déposer leurs factures. Cela se traduit par un surcroît de tâches manuelles qui augmente les délais entre la date d’émission et la date de réception des factures. Chercher un colis au bureau de poste de l'envoyeur ou de déposer son colis directement dans le bureau de poste de son destinataire est le non-sens qui traduit clairement ce manque de connaissance des entreprises sur les conséquences d'un routage mal maîtrisé. 4 - Des systèmes d’information enfermés dans des silos Le fichier de données structurées, ce format de facture électronique que le législateur autorise dans son article 289 VII-3 du code générale des impôts est peu connu des néophytes. Pourtant, ce format de facture semble être un levier intéressant pour améliorer les délais de paiement et diminuer les coûts de traitement. Comme nous l'avons précisé précédemment, la faible utilisation de ce format prend sa source dans la difficulté de transmission d'un tel document entre deux systèmes d'information. Penchons-nous quelques minutes sur l'origine de ces systèmes. Depuis les années 50, les bases de données sont restées les mêmes bien que de plus en plus performante en terme de volume de données traitées. Mais dans une société de plus en plus connectée où l’échange d’information devient un nouveau facteur de performance et impose une transparence pour les entreprises et les tiers, ces outils fonctionnent très bien en mode isolé sauf quand il s’agit de les mettre en relation. Il se pose tout de suite la notion de confiance. Pour combler ce manque de confiance, il s’est créé un écosystème d’acteur, de couches techniques et de modèles économiques qui poussent les entreprises à continuer d’enfermer leur système d’information dans des silos. Ainsi l’information devient asymétrique. Et pour obtenir de la symétrie, nous rajoutons des couches complexes de synchronisation que nous essayons de combler notamment avec des chambres de compensation et des protocoles informatiques comme les messages EDI. L'outil Internet n'a permis que la réduction du coût de transfert d'information par le biais de son réseau publique ce qui a permis de remplacer les réseaux à valeur ajoutée dont leur rôle était justement de garantir le transport et la transmission de l'information. La facture EDI est clairement issue de ce monde. Bien qu'elle soit efficace en termes de traitement, elle impose aux entreprises à mettre en place une couche de synchronisation pour le transfert du fichier. Son utilisation n'est viable économiquement qu'à partir d'un certain volume de flux, elle est donc limité à certains secteurs d’activité dans lesquelles les entreprises s'échangent beaucoup de facture. Avec la blockchain, ce paradigme de défense ou uploads/Finance/ crise-ou-renaissance-de-la-facture.pdf

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  • Publié le Nov 08, 2021
  • Catégorie Business / Finance
  • Langue French
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