THÉORIE DES JEUX - Une Approche Historique Document de travail (Réalisé en Déce

THÉORIE DES JEUX - Une Approche Historique Document de travail (Réalisé en Décembre 1980 ; revu et corrigé en Février 1996) Azzedine DADAS La théorie des jeux se propose d’étudier toute situation dans laquelle les agents rationnels interagissent, son champ d’application est extrêmement vaste ; il englobe, en particulier toute la microéconomie traditionnelle, y compris le modèle de concurrence pure et parfaite, à laquelle les concepts de théorie des jeux peuvent être appliquées. Afin d’approcher historiquement cette théorie, je présenterai d’abord les premiers fondements des analyses des jeux de hasard à l’époque de la Renaissance. La deuxième articulation visera à montrer que les modèles de concurrence imparfaite réalisés au cours du siècle dernier sont des modèles étudiant les comportements des agents fondant par là les prémices de la théorie des jeux. Le troisième angle consistera à modéliser ladite théorie et révèlera en finale quelques développements récents. Les fondements du calcul probabiliste comme premières approches de la théorie des jeux (TJ) - les probabilités Selon Norfleet W. RIVES, le premier auteur à jeter les bases de la théorie des probabilités fut le physicien et philosophe espagnol Girolamo CARDANO. En effet, dans son livre publié à titre posthume en 1663, il exposa le concept mathématique d’anticipation, il expliqua les lois de la répétition des événements, et enfin, il définit formelle- ment la notion de probabilité comme une fréquence relative. En 1654, Antoine GOMBAULD, dit le Chevalier de MERE, posa une énigme à Blaise PASCAL. Il s’agissait de savoir «comment répartir entre deux joueurs l’enjeu d’un jeu de hasard, lorsque celui-ci est inachevé et qu’un des joueurs a l’avantage sur l’autre». PASCAL se tourna vers un mathématicien très connu au 18 ème siècle, Pierre FERMAT. Pour RIVES, de la correspondance de ces deux derniers, on peut tirer «les fondements mathématiques de la théorie mo- derne des probabilités». Leur solution permet pour la première fois de prévoir l’avenir grâce à la manipulation de nombre, et ainsi, il est possible de prendre des décisions en avenir incertain. En effet, pour évaluer chaque action, il faut choisir le produit scalaire, où pi est la probabilité de Cij. Ce furent sans doute les travaux les plus marquants en matière de probabilité qu’ait connus le 17ème siècle, même si Christian HUYGHENS, en 1657, proposa le concept de compéti- tion dans les jeux de chance. Au début du 18ème siècle, Jean BERNOUILLI énonça pour la première de façon rigoureuse les concepts de per- mutation et de combinaison. De son oeuvre dérive la définition classique des probabilités. De plus, son frère, Jacques BERNOUILLI, qui l’initia aux calculs de LEIBNITZ, définit la loi des grands nombres. En outre, en 1738, le fils de Jean BERNOUILLI, Daniel «définit le processus par lequel les individus font des choix et prennent des décisions». Une autre avancée a également été cruciale : c’est celle du mathématicien français, Abraham DE MOIVRE qui, en 1733, découvrit la structure de la loi normale, ainsi que le concept d’écart-type. Ce qui vint se rajouter aux travaux (précédents) sur les combinaisons, les permutations, l’analyse de jeux de cartes et l’énoncé du premier théorème limite en probabilité. - les jeux contre la nature Suite aux paradoxes (dont le célèbre paradoxe de Saint-Pétersbourg proposé par Nicolas BERNOUILLI) que suscite la notion d’espérance mathématique de HUYGHENS, un siècle plus tard, Daniel BERNOUILLI le remplace par le principe de l’utilité espérée. Ce principe, qui sera axiomatisé par VON NEUMANN et MORGENSTERN au 20ème siècle «propose de rationaliser les choix des individus en univers incertain par la maximisation de l'espérance d'une fonction U de la richesse nette». Plus tard, cette fonction sera appelée fonction d’utilité de VON NEUMANN et MOR- GENSTERN. Mais plus proche de la théorie des jeux, Rémond DE MONTMORT, dans une lettre à Nicolas BER- NOUILLI, le cousin de Daniel BERNOUILLI, datant de 1713, propose un jeu de «raison pure». Pour MONTMORT, ce problème paraissait insoluble. Mais un anglais, James WALDEGRAVE, avait résolu un problème similaire. - WALDEGRAVE et le concept de stratégie mixte WALDEGRAVE, pour énoncer la solution du minimax, étudia un jeu de cartes avec deux joueurs. Exposons brièvement le jeu, appelé le Her, étudié par WALDEGRAVE : le premier joueur distribue une carte au hasard à l’autre joueur, puis une à lui-même. Aucun des joueurs ne sait quelle carte l’autre a en main. Le but du jeu est d’avoir la carte la plus élevée possible à la fin de la partie. Si le second joueur n’est pas satisfait de sa carte, il peut demander au pre- mier de l’échanger contre la sienne. Cependant cela n’est possible que si le premier joueur ne s'est pas distribué un roi. Si tel est le cas, celui qui a distribué a gagné, et un nouveau jeu peut recommencer. Si le donneur n’a pas gagné, le se- cond joueur doit garder sa carte jusqu’à la fin du jeu, ou bien, si ce dernier n’est pas satisfait, il peut échanger sa carte Février 1996 1 Azzedine DADAS contre une, choisie au hasard, dans le paquet des cartes restantes. Cependant, il ne peut tirer un roi, sinon il doit déclarer forfait. Dans les autres cas, les joueurs comparent leurs cartes pour déterminer le gagnant. De l’examen de ce jeu, WAL- DEGRAVE conclut que «tous les jeux de chance sont caractérisés par des stratégies pures alternatives». En effet, les joueurs ne jouent pas uniquement contre la Nature, mais ils sont également en compétition. Le but de chaque joueur est donc de définir la stratégie qui maximisera sa probabilité de gagner. La solution de WALDEGRAVE est une matrice de probabilités. Par là, WALDEGRAVE explique qu’un joueur peut s'assurer lui-même une issue certaine, tandis que l'autre joueur peut l'empêcher d'avoir un résultat meilleur. Mais loin d’être une anticipation des travaux de VON NEU- MANN, avec l’introduction du concept du minimax, la solution de WALDEGRAVE semble être un «incident isolé» ou un «coup du hasard». Ce n’est qu’en 1928 que VON NEUMANN donnera la preuve formelle de ce concept. La théorie économique des oligopoles VARIAN définit l’oligopole comme l’étude des interactions d’un petit nombre d’entreprises sur un marché. Ce concept a été étudié notamment au 19ème siècle. La notion de théorie des jeux était donc encore inconnue. - présentons quelques modèles . Modèle de COURNOT Supposons que deux entreprises produisent un bien homogène en quantité y1 et y2, la production totale s’élève donc à Y = y1 + y2. Le prix de marché associé à cette production (la fonction de demande inverse) est p(Y) = p(y1 + y2). La firme i a une fonction de coût ci(yi) pour i = 1, 2. Le problème de maximisation du profit de l’entreprise 1 s’écrit donc : Il est tout à fait évident que le profit de l’entreprise 1 dépend de la quantité produite par l’entreprise 2. Puisque les agents sont rationnels, l’entrepreneur 1 doit prendre cette situation en compte : il faut qu’il prévoie la décision de production de l’entreprise 2. Bien que COURNOT n’explique pas cette situation en terme de théorie des jeux, il semble possible de faire la transposition : il s’agit d’un jeu abstrait (chaque joueur doit deviner les choix des autres joueurs) et à un coup. Le profit de l’entreprise i est son gain et son espace de stratégie est simplement constitué par les quantités qu’elle peut produire. La recherche d’un optimum passe par l’obtention des dérivées premières, d’où l’on tire les condi- tions de premier ordre. La condition de premier ordre pour l’entreprise 1 exprime la production optimale de cette entre- prise en fonction de ses anticipations sur le choix du niveau de production de l’entreprise 2 ; cela s’appelle la fonction de réaction de l’entreprise 1. Cette fonction de réaction montre les réactions de l’entreprise 1 compte tenu de ses diffé- rentes conjectures sur le choix possible de l’entreprise 2. Cette recherche de l’optimum nous amène à la conclusion que l’équilibre trouvé par COURNOT se situe à l’intersection des courbes de réaction de l’entreprise 1 et de l’entreprise 2. Cette idée peut être illustrée par le graphique suivant Il est alors possible de dynamiser le modèle comme l’avait fait COURNOT même si certains auteurs contestent une telle interprétation. Si la pente de la courbe de réaction de la firme 1 est plus importante que celle de la firme 2, l’équilibre représenté est stable, sinon l’équilibre est instable. Février 1996 2 Azzedine DADAS . L’équilibre de BERTRAND Dans le modèle de COURNOT, l’espace des stratégies de l’entreprise est constitué par les quantités. Mais, il serait tout aussi pertinent de désigner les prix comme variable stratégique : il s’agit du modèle d’oligopole de BER- TRAND. Considérons deux firmes avec des coûts marginaux constants c1, c2 et confrontées à une courbe de demande de marché D(p), sachant que le bien produit est homogène. L’auteur suppose que c1 est supérieur à c2. L’entreprise 1 peut s’emparer de la totalité du marché en fixant un prix inférieur à celui de la firme 2 ; mais, l’entreprise 2 a exactement le même raisonnement. Le seul équilibre de ce jeu est le suivant uploads/Finance/ document-de-travail-realise-en-decembre-1980-revu-et-corrige-en-fevrier-1996-azzedine-dadas.pdf

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  • Publié le Jul 11, 2022
  • Catégorie Business / Finance
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