La volatilité boursière : des constats empiriques aux difficultés d’interprétat
La volatilité boursière : des constats empiriques aux difficultés d’interprétation MARIE-HÉLÈNE GROUARD, SÉBASTIEN LÉVY, CATHERINE LUBOCHINSKY Direction générale des Opérations Direction générale des Études et des Relations internationales Service des Études sur les marchés et la stabilité financière Banque de France • RSF • Juin 2003 61 Les amples fluctuations des cours boursiers observées au cours de ces dernières années, tant en Europe qu’aux États-Unis, ont conduit la communauté financière à porter une attention renouvelée au concept de volatilité. Si la volatilité du rendement des actions est fréquemment utilisée par les investisseurs comme un instrument de mesure du risque, son estimation n’en soulève pas moins des difficultés et son interprétation appelle diverses précautions. Cependant, l’analyse de divers indicateurs disponibles en la matière tend à montrer que la volatilité boursière enregistre, depuis 1997, une tendance affirmée à la hausse, plus particulièrement marquée s’agissant des secteurs technologiques, médias et télécommunications (TMT). Pour autant, dans une perspective de très long terme, le niveau actuel de la volatilité boursière ne paraît pas inédit ou extraordinairement élevé. L’évolution récente de la volatilité paraît trouver d’abord ses origines dans le repli durable et prononcé des cours des actions depuis les sommets atteints en 2000, la multiplication des chocs sur la sphère financière, l’augmentation des incertitudes géopolitiques et macroéconomiques, ainsi que la remise en cause par les investisseurs de la qualité des actifs financiers dans un contexte marqué par une fragilisation des structures financières des entreprises. Au-delà de ces facteurs de nature conjoncturelle, cet article s’interroge sur l’impact que le mode de fonctionnement des marchés peut également exercer sur la volatilité. Il examine notamment le rôle indirect des croyances collectives, ou « consensus de marché », comme sources de mésalignements des cours, préludes à des processus de correction qui se traduisent généralement par de fortes variations des cours associées à un niveau élevé de volatilité. Enfin, il s’interroge sur le rôle de l’environnement opérationnel des intervenants, caractérisé notamment par une certaine homogénéisation des techniques de gestion des risques de marché et par le développement de la gestion institutionnelle. Cet environnement pourrait, en effet, contribuer à uniformiser encore davantage les comportements des investisseurs, alimentant ainsi une tendance à la hausse de la volatilité. L es cours des actifs financiers ont subi, au cours de ces dernières années, de très fortes fluctuations. Ces mouvements spectaculaires ont ravivé l’intérêt porté à la question de la volatilité des marchés financiers par les cercles académiques, comme par les praticiens et les autorités de régulation et de contrôle. L’analyse de ces phénomènes est d’autant plus justifiée que les chocs boursiers ne sont pas sans conséquences en termes de stabilité financière et qu’ils peuvent s’accompagner de répercussions sur la sphère réelle. Les fluctuations de cours sont cependant inhérentes à l’existence même des marchés, tout intervenant s’exposant à un risque de perte qu’il doit assumer. La question, sur laquelle la littérature économique et financière se penche depuis environ un siècle, est alors de savoir s’il est possible d’estimer ce risque, tant d’un point de vue théorique qu’empirique. Dans cette optique, de nombreux travaux ont assimilé la notion de risque à celle de la volatilité des rendements des actifs. 62 Banque de France • RSF • Juin 2003 La volatilité boursière : des constats empiriques aux difficultés d’interprétation Après avoir rappelé les modalités d’utilisation — et les limites — de la notion de volatilité pour évaluer le risque, cet article tente, dans une première partie, de dégager les principales tendances et caractéristiques de l’évolution récente de la volatilité historique des indices boursiers. S’il est possible de mettre en évidence, au cours de la période récente, une hausse de la volatilité, liée en particulier à la correction des cours Depuis le célèbre ouvrage de F. Knight (1921), la distinction entre le risque, probabilisable et donc mesurable, et l’incertitude, non probabilisable, a été utilisée dans de nombreux domaines. Ainsi, en finance, les fluctuations estimées de cours des actifs permettent d’évaluer le risque de marché, celles non prévisibles reflétant plutôt l’incertitude. La volatilité des rendements est le concept le plus utilisé pour représenter le risque : volatilité historique pour une analyse du passé ou du présent, volatilité anticipée (ou volatilité implicite contenue dans le prix des options) pour une prévision des fluctuations futures des cours. Dans cette optique, seule la volatilité non attendue pose de véritables problèmes aux différents acteurs de la sphère financière. Après avoir rappelé pourquoi la volatilité peut être utilisée comme instrument d’évaluation du risque, étant entendu qu’il ne s’agit que d’une approximation et que la perception du risque peut différer selon les types d’intervenants sur les marchés, l’étude empirique de cette volatilité révèle son augmentation récente sur les principaux marchés boursiers, il est vrai dans des proportions variables selon les secteurs d’activité. On constate également des pics de volatilité plus fréquents sur la période récente. Dans une perspective de plus long terme, c’est la persistance de niveaux de volatilité élevée qui est à souligner. 1|1 Quelques rappels conceptuels La volatilité comme proxy du risque En retenant l’hypothèse de distribution normale des rendements (marche aléatoire des cours), ce qui signifie notamment que la distribution des rendements est symétrique, on peut estimer la probabilité associée à chaque montant de perte ou de gain potentiel. L’écart-type des rendements des titres, boursiers intervenue depuis l’année 2000, une mise en perspective à plus long terme amène à en relativiser l’importance, en même temps qu’elle justifie d’élargir le champ d’investigation. L ’analyse de ce phénomène fait l’objet d’une deuxième partie, qui établit une distinction entre facteurs explicatifs conjoncturels et structurels, en particulier ceux liés aux innovations de produits et techniques de gestion de fonds. 1| Incertitude, risque et volatilité : de la théorie à l’empirisme appelé « volatilité historique » et généralement calculé sur une période glissante, peut alors être utilisé comme indicateur de risque. Les cours les plus fréquemment utilisés sont les cours de clôture, mais Parkinson (1980) suggère que le recours aux prix le plus haut et le plus bas d’une même journée donne une meilleure estimation de la véritable volatilité. On peut également affiner l’analyse lorsqu’on dispose de données de haute fréquence qui permettent d’éviter des biais dus à la prise en compte de cours de clôture (d’ouverture), mais la disponibilité de telles données est relativement récente. La longueur de l’échantillonnage demeure également un sujet encore débattu : en particulier, il n’existe pas de critère permettant de conclure que la volatilité calculée à partir d’une moyenne des rendements sur 20 jours ouvrés (soit un mois), puis annualisée, est plus ou moins pertinente que celle calculée sur 130 jours (six mois), puis annualisée, ou que celle calculée directement sur 260 jours (un an). Cependant, dans les faits, la distribution des rendements n’est pas normale, ce qui soulève un premier problème lié à l’asymétrie des préférences des acteurs financiers, ces derniers étant naturellement plus préoccupés par leur risque de perte que par celui de gains. D’autres mesures de risque ont donc été développées, la plupart, dont celles préconisées par les autorités prudentielles, s’intéressant essentiellement à la notion de perte potentielle. En particulier, il est possible de calculer la semi-variance qui correspond à une variance calculée uniquement à partir des écarts à la moyenne négatifs, la Value at Risk (Valeur en risque – VaR) ou encore la perte extrême d’un portefeuille, pour un horizon et un intervalle de confiance donnés. Ainsi, par exemple, sur la période janvier 2000 - mars 2003, la volatilité historique calculée, sur l’indice CAC, à partir de l’écart-type annualisé des rendements quotidiens est de 20,0 %, alors que celle calculée à partir du « semi-écart-type » est de 29,2 %. Banque de France • RSF • Juin 2003 63 La volatilité boursière : des constats empiriques aux difficultés d’interprétation Il est, par ailleurs, restrictif de n’estimer que les deux premiers moments de la distribution des rentabilités (la moyenne et la variance), puisque les distributions se caractérisent aussi par leurs moments d’ordre 3 et 4 (asymétrie et épaisseur des queues de distribution). Ceci est problématique dans la mesure où, contrairement à l’hypothèse d’une distribution normale, il est admis que la distribution des rendements est asymétrique et leptokurtique (cf. encadré 1). Soit, par exemple, deux distributions, l’une normale (distribution A) et l’autre non (distribution B). La distribution B peut être plus risquée en termes de Value at Risk, car plus leptokurtique, mais présenter un écart-type plus faible que celui de la distribution A, du fait d’une plus forte concentration des probabilités de rendement autour de la moyenne. Or, tous les modèles de risque fondés sur la volatilité mesurée par l’écart-type indiquent que B est moins risqué que A. Encadré 1 Présentation formalisée des principaux concepts Rendement en continu : = –1 t t t S S Ln r [ ] avec S : prix du titre ou valeur du portefeuille Ln : logarithme népérien Rendement moyen : n r r n t t t = = 1 ∑ avec n : nombre d’observations Si rt suit une loi normale de moyenne µ et d’écart-type σ, alors l’espérance du rendement uploads/Finance/ la-volatilite-boursiere.pdf
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- Publié le Apv 13, 2021
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