Mais c'est quoi, au juste, les anticipations rationnelles ? Extrait du Autisme-

Mais c'est quoi, au juste, les anticipations rationnelles ? Extrait du Autisme-Economie.org http://www.autisme-economie.org/article15.html Mais c'est quoi, au juste, les anticipations rationnelles ? - Les Textes - Textes du mouvement - Textes critiques sur la théorie néoclassique - Date de mise en ligne : 2000 Autisme-Economie.org Copyright © Autisme-Economie.org Page 1/6 Mais c'est quoi, au juste, les anticipations rationnelles ? Il paraît qu'il y a eu, dans les années 1990, une " révolution des anticipations rationnelles ", avec donc un " changement de paradigme " en macroéconomie, utilisé pour justifier les changements de politique économique (indépendance des Banques Centrales, intervention de l'Etat réduite au minimum, car sans effet puisque " rationnellement " anticipée par les agents économiques).Tout manuel, même élémentaire, s'est alors senti obligé d'en parler : comment ne pas le faire devant une telle découverte, qui a valu le prix Nobel à Lucas, Prescott et quelques autres ? Pour l'étudiant, les anticipations rationnelles, c'est un discours vague illustré par des sigles mathématiques mystérieux et incompréhensibles. Mais comme il est habitué à ce genre de situation — après avoir, notamment, subi des cours de microéconomie - il est résigné, et se contente d'apprendre par coeur ce qu'on lui dit. On pourrait toutefois penser qu'un concept aussi important, qui porte sur le comportement des agents économiques (c'est-à-dire vous et moi ...) est accessible à l'intuition, et défini en conséquence. Il n'en est pourtant rien. Si on se reporte aux manuels de macroéconomie (curieusement, c'est là qu'on trouve cette " révolution ", pourtant axée sur les choix individuels), on y trouve généralement une définition triviale, sans aucun intérêt, parfois accompagnée de formules incompréhensibles, du genre tE(pt+1| It), ou d'expressions obscures telles les " lois jointes " et les " biais résiduels ". Pour savoir à quoi s'en tenir, il faut alors revenir à la source - chez ceux qui ont d'abord formulé le concept, dans des revues " savantes ". On découvre alors qu'on est tout simplement devant une hypothèse d'autoréalisation, où les croyances jouent donc un rôle fondamental - bien plus que la rationalité. Hypothèse fort ancienne, bien sûr, sur laquelle Keynes a tout particulièrement insisté. Rien de bien nouveau, si ce n'est le fatras mathématique qui l'accompagne. Une fois de plus, on bluffe les étudiants - et le reste du monde - en jouant sur leur ignorance en mathématiques, alors que derrière celles-ci il y a une idée simple, fort ancienne, à l'intérêt discutable. Une définition qui n'en est pas une S'il y a un point où l'économiste en chef de Clinton (Joseph Stiglitz) et celui de Bush (Gregory Mankiw) sont d'accord, c'est celui de la définition des anticipations rationnelles (la science dépasse les clivages politiques ...). En effet, on lit dans le " glossaire " des Principes d'économie de Stiglitz, que « les anticipations des individus sont rationnelles s'ils tiennent pleinement compte de toutes les données pertinentes disponibles », et dans celui des Principes de l'économie de Mankiw que « l'hypothèse selon laquelle le public utilise l'ensemble des informations disponibles et utiles pour se faire une idée de l'avenir, y compris celles concernant les politiques suivies par le gouvernement dans le futur ». Mais pourquoi a-t-il fallu attendre les années 1970 pour supposer que les agents économiques " utilisent l'ensemble des informations disponibles pour se faire une idée de l'avenir " ? Etaient-ils, avant, complètement idiots, à Wall Street et ailleurs ? Et que veut dire " tenir pleinement compte " ? Mystère. A l'étudiant de se débrouiller, et d'essayer de comprendre. S'il va voir dans d'autres manuels, y compris plus avancés, il retrouve partout la relation entre anticipations rationnelles et utilisation (" pleine " ou " au mieux " ou " efficace ") de toute l'information disponible. Ainsi, on trouve dans le " glossaire " du manuel de Macroéconomie (1986) de Robert Barro la définition suivante : « Anticipations rationnelles : point de vue selon lequel les personnes font des pronostics ou des estimations de variables inconnues de la meilleure façon possible, en utilisant toute l'information disponible sur le moment ». De son côté, David Romer écrit, lorsqu'il aborde pour la première fois la question des anticipations rationnelles dans sa Macroéconomie avancée (1990) : « Il est donc naturel de se demander ce qui se passe lorsque les investisseurs forment leurs anticipations de taux de change en utilisant toute l'information publiquement disponible - c'est-à-dire lorsque leurs anticipations sont rationnelles » (p 233). Copyright © Autisme-Economie.org Page 2/6 Mais c'est quoi, au juste, les anticipations rationnelles ? De leur côté, Jeffrey Sachs et Eduardo Larrain (Macroeconomics, Prentice Hall, 1992) expliquent que « La théorie selon laquelle les individus font un usage efficace de toute l'information disponible est connue sous le nom d'hypothèse des anticipations rationnelles » (p 40). Olivier Blanchard et Daniel Cohen (Macroéconomie, 2002), après avoir noté que : " Les gens utilisent toute l'information sur le futur, c'est-à-dire que les anticipations sont rationnelles ", sentent le besoin de préciser que " cela ne signifie pas que les gens font vraiment tout le temps des anticipations rationnelles, mais les cas où les anticipations rationnelles sont une mauvaise représentation de la réalité sont une exception ". On est donc plus que devant une hypothèse : un fait constaté, sauf cas exceptionnel. Un autre type de définition consiste à faire allusion à l'absence d' " erreurs systématiques ". Ainsi, selon le " glossaire " de L'économique (16-ième édition, 1998) de Paul Samuelson et William Nordhaus : " les anticipations sont dites rationnelles si elles ne présentent pas d'erreurs systématiques (ou de biais) et utilisent toute l'information disponible ". De même, Michael Burda et Charles Wyplosz écrivent dans leur traité de Macroéconomie : " Les gens utilisent efficacement toute l'information dont ils disposent pour évaluer les événements futurs et ne commettent donc pas d'erreur systématique de prévision ". Inutile de parler ici des manuels français, qui reprennent unanimement l'ensemble de ces termes (ou expressions), à savoir : " utilise l'information disponible ", " au mieux ", " efficacement ", sans " erreur systématiques ", etc. Les maths Souvent, suite à ce genre de définition, qui n'en est pas une, on a le droit à des sigles mathématiques incompréhensibles. C'est ainsi que Romer, après le couplet " utilise au mieux l'information disponible " explique : " Le second postulat de Lucas est très important : il suppose que les producteurs déterminent rationnellement l'espérance conditionnelle de ri pour pi donné. Autrement dit, Lucas suppose que E(ri| pi) est égal à la véritable espérance de ri connaissant pi et la vraie loi jointe des deux variables ". Qu'est ce que cela veut dire ? Qu'est ce qu'une " véritable espérance " et une " vraie loi " ? Que signifie ce symbole mystérieux E(ri| pi) ? Si nous on ne comprend pas, on se demande comment les " producteurs " le font et déterminent (" rationnellement ") cette fameuse " vraie loi ". Ce qui n'empêche pas Romer d'écrire dans la foulée : " Aujourd'hui l'hypothèse d'anticipations rationnelles ne paraît pas plus curieuse que l'hypothèse de maximisation de l'utilité individuelle. Cependant, quand Lucas l'a introduite, elle a été très controversée ". On comprend pourquoi : il y a une différence entre connaître ses goûts (sa fonction d'utilité) et connaître les " vraies lois " qui gouvernent l'économie avec sa multitude d'agents en interaction, aux goûts et aux croyances différents. Sachs et Larrain sortent aussi le coup du " vrai " modèle, 400 pages après avoir défini les anticipations rationnelles par l'utilisation " au mieux " de l'information disponible : " Lucas et Sargent supposent que les travailleurs et les entreprises se comportent comme s'ils connaissaient le " vrai " modèle de l'économie et faisaient leurs prévisions concernant l'inflation sur la base de ce modèle. Si on parle à ce propos d'anticipations rationnelles c'est parce qu'on part de la constatation qu'il est rationnel de la part d'agents Copyright © Autisme-Economie.org Page 3/6 Mais c'est quoi, au juste, les anticipations rationnelles ? économiques de former leurs anticipations sur la base de leur 'modèle' de l'économie " (p 462). De son côté, Patrick Artus écrit dans son traité de Macroéconomie : " On suppose que les anticipations sont rationnelles. Ceci implique (sic !) que, étant donné l'information disponible à la date où l'anticipation est formée, l'espérance de l'erreur d'anticipation conditionnelle à cette information est nulle. En effet, par définition (sic !) des anticipations rationnelles : -1Xe = E(X0| I-1) ". Ou encore : " Les anticipations sont maintenant rationnelles : Pe = E(P|W-1) ". Comprenne qui pourra ... Evidemment, qui dit espérance mathématique, dit loi de probabilité. Mais quelle loi ? D'où vient-elle ? Et qu'est ce que sont ces mystérieux symboles I-1 et W-1 ? Si on veut comprendre quelque chose, il faut en fait se reporter aux textes de ceux qui ont introduit le concept. On constate alors qu'on est loin de " l'utilisation au mieux de l'information disponible " ... Des anticipations autoréalisatrices Thomas Sargent, l'un premiers à avoir utilisé l'hypothèse des anticipations rationnelles, écrit uploads/Finance/ mais-c-est-quoi-au-juste-les-a15-pdf.pdf

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  • Publié le Mar 08, 2021
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