Netcom Réseaux, communication et territoires 30-1/2 | 2016 : Commerce connecté

Netcom Réseaux, communication et territoires 30-1/2 | 2016 : Commerce connecté et territoires Pratiques et lieux du e-commerce alimentaire Nouvelles logistiques, nouvelles mobilités ? Practices and places of food e-commerce: new logistics, new mobilities? NORA MAREÏ, ANNE AGUILÉRA, LESLIE BELTON CHEVALLIER, CORINNE BLANQUART ET SASKIA SEIDEL p. 119-138 Résumés FrançaisEnglish La pratique du e-commerce est largement diffusée dans la population française. Si les produits culturels, l’habillement, l’électroménager sont aujourd’hui fréquemment achetés en ligne, les achats alimentaires sur Internet demeurent une niche malgré une augmentation significative ces dernières années. La gamme des produits alimentaires que l’on peut acheter sur Internet tend par ailleurs à s’élargir tout comme leur mode de livraison et de retrait. En particulier, le point de retrait devient une alternative forte à la livraison à domicile dont les contraintes logistiques en font un modèle fragile et de plus en plus spécifique. En analysant les formes de e-commerce alimentaire en France et leurs modalités en termes de réorganisation des chaînes logistiques et de mobilités des consommateurs, nous proposons d’éclairer les enjeux territoriaux liés à ces nouvelles pratiques d’achat. Pratiques et lieux du e-commerce alimentaire Seite 1 von 19 http://netcom.revues.org/2349 E-commerce is widespread in France. If cultural products, clothing and electrical goods are now frequently bought on line, grocery purchases on the Internet have remained a niche activity despite significant growth over the last few years. The range of grocery products that can be bought on the Internet has shown an increase as have delivery and collection methods. In particular, the pick-up point has become a strong alternative to home delivery where logistical constraints make it a fragile and increasingly specific model. Through analysis of the forms of food e-commerce in France and their modalities in terms of reorganisation of logistical chains and consumer mobility, we propose to shed light on the territorial issues linked to these new purchasing practices. Entrées d’index Mots-clés : e-commerce alimentaire, livraison, lieux de retrait, déplacement des personnes Keywords : food e-commerce, delivery, pick-up location, movement of people Texte intégral Même s’il est encore pratiqué majoritairement par les jeunes, les diplômés et les cadres supérieurs, le e-commerce connaît une diffusion progressive dans la population (Gombault & Reif 2013). Selon Eurostat, 62 % des Français ont déjà effectué un achat en ligne en 2014 (FEVAD1, 2015). Si les produits les plus fréquemment achetés sur Internet relèvent du tourisme, des services (billetterie, développements photos, etc.), des produits culturels et de l’habillement, les achats alimentaires sont minoritaires mais en forte croissance sur la période récente. Entre 2007 et 2011, l’INSEE (Gombault et Reif, 2013) estime que la part des Français ayant acheté de la nourriture ou de l’épicerie sur Internet est passée de 3 % à un peu plus de 6 %. Cette tendance à la hausse semblerait devoir se confirmer dans les années à venir. Le choix des produits alimentaires que l’on peut acheter sur Internet tend d’ailleurs à s’élargir ainsi que les possibilités de récupération des produits (livraison et/ou retrait). 1 La livraison à domicile est fortement concurrencée ou reste parfois cantonnée à des produits de niche (onéreux) et des commerçants de proximité, en raison de son coût logistique et des difficultés inhérentes à l’acheminement à domicile de produits souvent frais et fragiles. Par contre, les points de retrait (Augereau et al., 2010) se diversifient avec l’apparition de lieux uniquement dédiés au retrait, comme le casier automatique (Ducret et Durand, 2013), ainsi que le développement de possibilités de retrait d’achats effectués sur Internet directement en magasin pour certaines enseignes (click and collect). Par ailleurs, de nouveaux formats apparaissent comme les drives (Motte-Baumvol et al., 2012) dont le nombre a explosé en France depuis 2011 pour atteindre 2000 unités début 2014 et ainsi dépasser celui des hypermarchés (Carrelet et Cruzet, 2014), ou encore comme les fédérations de producteurs qui mettent à disposition des clients, généralement à des horaires et des lieux prédéfinis (et parfois très limités), des produits haut de gamme ou issus de circuits courts. 2 Ces évolutions s’accompagnent de transformations importantes des flux logistiques et des mobilités pour achats des consommateurs, selon des modalités qui demeurent largement méconnues faute, notamment, de données adéquates (CEREMA, 2010 ; Gonzalez-Feliu et al., 2012), mais aussi en raison de la nouveauté de ces évolutions. Du côté des consommateurs, les Enquêtes Nationales Transports et Déplacements (dont la dernière date de 2008) intègrent peu la question des achats en ligne (une seule question pour savoir si 3 Pratiques et lieux du e-commerce alimentaire Pratiques et lieux du e-commerce alimentaire Seite 2 von 19 http://netcom.revues.org/2349 le ménage a déjà eu recours à l’achat en ligne lors des trois derniers mois) et ne permettent pas d’identifier les pratiques de retrait des achats effectués sur Internet. D’autres enquêtes nationales comme les enquêtes Emploi du Temps (2009/2010) ou Technologies de l’Information et de la Communication (dans ses différentes vagues annuelles) ciblent plus l’achat en ligne mais uniquement dans le but de savoir si les personnes interrogées ont déjà acheté sur Internet ou non. En revanche, aucune question n’est posée sur le mode de récupération de ces achats. Des organismes tels que la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) contribuent à la diffusion d’informations portant sur le montant du panier moyen d’achat, le nombre d’achats annuels, les fréquences et le type d’achat ou encore le mode de livraison choisi par les particuliers. Cependant, ces données ne permettent pas non plus d’identifier de façon précise les déplacements des particuliers ni les lieux de destination des flux de marchandises achetées en ligne, ou encore de faire le lien entre données socio- économiques des particuliers et types de pratiques. Du côté des entreprises, les données sont encore moins nombreuses et plus éparses. Les enquêtes ponctuelles de l’INSEE sur les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et le commerce électronique réalisées en 2000 et 2004 apportent cependant quelques informations. L’enquête de 2000 mentionne la proportion de commerçants proposant des produits et services en ligne par domaine d’activité ainsi que la part du chiffre d’affaires du commerce de détail en ligne par domaine d’activité. L’enquête de 2004 fait apparaître la part des ventes de produits ou services réalisées sur Internet dans le total des ventes sur Internet et dans la consommation effective du produit par les ménages. Ce dernier indicateur renseigne donc sur les ventes de produits alimentaires sur Internet. Mais ce secteur ne fait pas l’objet d’un suivi plus particulier. Dans les classements des meilleurs e-commerçants diffusés par la FEVAD, les enseignes de la grande distribution française sont de plus en plus nombreuses. Elles ont massivement investi ce canal de vente à travers le drive ou le click and collect (où les consommateurs commandent sur Internet et viennent retirer les produits en magasin) qui offrent l’avantage, par rapport au e-commerce des pure players (c’est-à-dire des entreprises exerçant leur activité uniquement sur Internet), de capitaliser sur les structures physiques existantes (comme le magasin) ou peu coûteuses (comme un entrepôt pour le retrait). Les distributeurs, qu’ils soient généralistes ou spécialisés, sont poussés vers une économie plus servicielle (Licoppe, 2001 ; Moati, 2011 ; Binninger, 2013), tout en poursuivant la « mise au travail » du consommateur dans sa dimension logistique, à travers le partage des frais liés au derniers kilomètres (Dujarier, 2014 ; Grandclément, 2011). Dans ce contexte, nous nous interrogeons sur le rôle du e-commerce dans les évolutions des manières de faire ses courses en France et nous nous demandons comment ce secteur avec des produits aux caractéristiques particulières s’adapte à l’engouement pour le commerce en ligne. 4 En se basant sur l’analyse de la littérature scientifique, de la presse spécialisée, sur des observations de terrain et plusieurs entretiens avec des acteurs de la filière, cet article présente plusieurs enjeux associés au développement du e-commerce en termes de mobilités tant des personnes que des biens. En partant d’une typologie des formes du e-commerce alimentaire en France (partie 1) portées par des acteurs obéissant à des logiques différentes, il décrit les stratégies logistiques associées, résultats d’un apprentissage pour les uns ou d’une adaptation pour les autres. Ces stratégies logistiques s’appuient sur des lieux particuliers, nouveaux nœuds des chaînes 5 Pratiques et lieux du e-commerce alimentaire Pratiques et lieux du e-commerce alimentaire Seite 3 von 19 http://netcom.revues.org/2349 Les formes du e-commerce alimentaire en France logistiques (partie 2), mais aussi sur des évolutions des pratiques de mobilité des consommateurs selon des modalités qui restent encore incertaines (partie 3). « La commande en ligne reste un marché de niche » comparée à l’ensemble du commerce de détail, écrivait Rallet en 2001. Elle se situe effectivement entre 2 et 7 % du total des ventes du commerce de détail selon les pays (FEVAD, 2014). L’étude de SyndicatePlus (van Herpen, 2014) sur l’état du commerce alimentaire en Europe montre que le Royaume-Uni et la France sont les deux marchés les plus développés malgré deux modèles de récupération différents, respectivement la livraison à domicile et le drive. Même si le e-commerce alimentaire a connu un démarrage très lent en France, il consolide uploads/Finance/ marei-et-al-2016-e-commerce-alimentaire 1 .pdf

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  • Publié le Aoû 08, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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