28  La dissertation (Wilfried Lignier) Ces conseils s’appliquent d’abord { l’e

28  La dissertation (Wilfried Lignier) Ces conseils s’appliquent d’abord { l’exercice de la dissertation « en bonne et due forme », c’est-à-dire lorsque vous avez un temps relativement long pour rédiger une composition écrite en réponse à une question précise, souvent assez courte. Mais ils vous seront très utiles pour traiter d’autres types de sujets « ouverts», par exemple des compositions écrites sur un temps court (une heure), des sujets à plusieurs questions, etc. Construire une problématique Il faut d’abord insister fortement sur une étape cruciale de l’exercice dissertatoire, qui est l’analyse des termes du sujet. C’est de cette analyse que doit découler une problématique, c’est-à-dire une question qui sert non seulement à structurer votre exposé (elle appelle un certain plan), mais qui permet également de définir, de circonscrire correctement l’objet de la dissertation (c’est-à-dire d’éviter les hors-sujet, ou les sujets traités de manière trop partielle). Ce travail d’analyse des termes du sujet, vous l’effectuez sur une feuille de brouillon, en prenant spécialement du temps pour cela au début de l’épreuve (ce temps est plus ou moins long suivant la longueur de l’épreuve). Cela peut sembler très scolaire, mais le mieux est de procéder à une analyse vraiment « terme à terme ». Attention, notez bien que l’enjeu n’est jamais d’extraire la « vérité » du sujet posé, mais de susciter une réflexion tous azimuts, pour ne rien oublier des aspects possibles du sujet, et surtout pour mettre à votre disposition des pistes théoriques diverses. Certaines de ces pistes seront les bonnes, non pas en général mais pour vous : 1) parce que vous voyez comment les articuler les unes aux autres ; 2) parce que vous prévoyez déjà des références bibliographiques et des exemples empiriques qui pourront leur donner de la chair. Pour illustrer concrètement comment doit être mené ce travail préparatoire, on peut prendre l’exemple d’un sujet de sociologie de l’éducation : « A quoi sert l’école ? » Ce sujet permet au passage de préciser que même quand la formulation du sujet est très courte, lapidaire – ici, en six mots… – vous ne devez pas faire l’impasse sur ce moment préparatoire décisif qu’est l’analyse des termes du sujet. Si la question telle qu’elle est posée a plus de chance de vous parler immédiatement (vous voyez assez facilement que « vous avez des choses à dire »), lorsqu’il est incontrôlé, ce sentiment de facilité risque de vous entraîner vers un plan centré sur un aspect seulement de la question (celui qui vous est venu d’emblée { l’esprit), ou vers des développements mal articulés entre eux (parce que vous ne découvrirez les autres aspects du sujet qu’au fil de la rédaction, par exemple, ce qui est un problème). Voilà comment pouvait être envisagé le travail préparatoire, qui comme vous allez le voir n’est pas si évident qu’il en a l’air : 29 Ecole : L’école, c’est évidemment le système scolaire dans son ensemble, l’Ecole avec une majuscule, si l’on veut. Mais la notion d’école recouvre { bien y penser plusieurs dimensions : d’un point de vue général, l’école est certes une institution de formation et d’orientation assurant l’intégration sociale et plus particulièrement professionnelle des jeunes générations. Mais elle est aussi une manière d’éduquer (une « forme scolaire » de l’éducation) que l’on peut opposer { d’autres (éducation informelle, éducation familiale, transmission orale, etc.). L’école est également un lieu concret où se rend quotidiennement une large part de la population, un lieu de vie sociale qui a une certaine autonomie. On peut peut-être ajouter enfin que l’école renvoie { un certain nombre de savoirs scolaires, à une certaine culture scolaire (celle qu’on trouve dans les programmes scolaires et dans les manuels) ; L’ : Cela peut sembler absurde, mas il ne faut jamais oublier d’analyser les articles dans les sujets de dissertation. Le « L’ » implique que l’école est pensée au singulier. Cela ne va pas de soi ; sociologiquement, c’est-à-dire ici concrètement, l’école est en effet une réalité plurielle. Il y a ainsi différents niveaux scolaires (maternelle, primaire, secondaire, supérieur), des filières différentes et hiérarchisées apparaissent plus le niveau s’élève (baccalauréat général, technique ou professionnel, par exemple), des lieux scolaires qui ont le même nom mais qui diffèrent fortement de fait (par exemple, un grand collège public en zone périurbaine versus un petit collège privé à la campagne). Sert : La question introduite par ce verbe est celle de l’utilité, de l’intérêt de l’école, envisagé sous les divers aspects qu’on vient de lister. Il faut d’abord noter que cette question paraît presque déplacée. D’une part, parce qu’elle ne se pose pas forcément dans la pratique, l’école semblant implicitement utile { plusieurs types d’agents : les pouvoirs publics, qui n’envisageraient pas de remettre en cause l’idée même d’école ; les familles qui cherchent usuellement la meilleure scolarisation pour leurs enfants et tiennent du même coup pour acquis l’intérêt d’aller { l’école, les élèves eux-mêmes qui, même lorsqu’ils « n’aiment pas l’école », jouent souvent a minima le jeu scolaire (ne serait-ce qu’en s’y rendant le matin), comme si sa nécessité ne faisait pas vraiment question. D’autre part, le sentiment que la question est un peu déplacée peut naître de la projection de l’école dans le registre utilitaire. Pour ceux qui voient d’abord l’école comme un lieu d’apprentissage, de savoir, d’éducation, la question de son utilité n’est- elle pas un genre de sacrilège ? L’intérêt de l’éducation, de la culture, ne se définit-il pas principalement par une certaine gratuité, ou du moins un « intérêt au désintéressement » (selon l’expression de P. Bourdieu) ? Si l’école doit être utile, n’est-ce pas forcément en la dénaturant, en lui demandant de ne pas faire que transmettre du savoir (mais par exemple de l’insertion professionnelle, de la mobilité sociale) ? A quoi sert : Le début de la formulation introduit le problème de la nature précise de l’utilité de l’école qui est interrogée. Or tout laisse présager – { partir du moment où l’école recouvre des réalités différentes et où elle fait l’objet d’une compréhension différenciée suivant les divers agents qui la prennent en comptent dans leur activité – que cette utilité est en fait plurielle et relative, autrement dit qu’elle recouvre des intérêts perçus très variables. Les raisons d’aller { l’école, de croire en l’école, d’investir dans l’école, etc. sont multiples et même parfois contradictoires, et c’est bien un des enjeux de la 30 dissertation que de les organiser, et éventuellement de comprendre les relations qu’elles entretiennent entre elles. Notons qu’il faudra en outre envisager un cas limite mais essentiel, le désintérêt, c’est-à-dire les cas où tout se passe comme si l’école ne « servait à rien ». Vous forgez une problématique, non pas en donnant votre avis, mais en formulant une nouvelle question qui, en reprenant bien le sujet proposé, intègre au mieux les précisions que vous avez pu faire lors de cette analyse, au brouillon. Pour le sujet pris comme exemple, la problématique générale suivante est une manière de prendre en compte plusieurs des pistes dégagées par l’analyse des termes du sujet : Dans quelle mesure l’intérêt de la scolarisation dépend-il des aspects de l’école valorisés par ses divers usagers? On aura noté, au-del{ de cet exemple, que l’analyse des termes du sujet passe notamment par l’introduction typiquement sociologique de la différenciation (« aspects de l’école ») et de la variation (« divers usagers »). Il n’y a pas une mais des écoles ; l’intérêt de l’école varie suivant les personnes, suivant les groupes sociaux. Cette logique sociologique s’applique { bien d’autres sujets. Si un sujet vous parle de culture, de travail, de violence, d’enfance, de science, envisagez toujours la différenciation de ces notions (y a-t-il une Culture ou des cultures ? Le travail n’est-il pas bien différent suivant qu’il est réalisé par un enseignant ou par un ouvrier ? etc.). Si un sujet pose une question générale du type « qu’est-ce que X ? », « Faut-il Y ? », « Doit-on Z ? », etc., introduisez systématiquement la possibilité d’une variation : pour qui, c’est-à-dire pour quels groupes sociaux, pour quels individus porteurs de quelles propriétés sociales ? (Qu’est-ce que X pour les classes supérieures par rapport au classes populaires ? Faut-il davantage Y suivant qu’on est une fille ou un garçon ? Doit-on Z de la même façon lorsqu’on n’a pas de diplômes ? etc.). Elaborer un plan Après l’analyse des termes du sujet, vous enchaînez, toujours au brouillon, sur l’élaboration du plan. La chose la plus importante concernant le plan est que les principales parties doivent répondre à la problématique posée de manière progressive – c’est-à-dire constituer une véritable argumentation. Ces parties principales sont en nombre limité : deux ou trois (il s’agit bien sûr d’une norme scolaire à laquelle vous devez vous plier pour réussir scolairement, non d’une organisation « naturelle » de la pensée…). Vous progressez d’une partie { l’autre, chaque partie étant une manière de répondre au sujet, tel qu’il a été reformulé dans la problématique. Vous allez généralement des réponses uploads/Finance/ methodologie-dissert-et-commentaire.pdf

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  • Publié le Mar 09, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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