Contribution de Daniel Dufourt à l’ouvrage L’économie française, éditions SEFI
Contribution de Daniel Dufourt à l’ouvrage L’économie française, éditions SEFI 2008 Prises de vue sur l’économie et la société françaises Avec 1% de la population mondiale (63,195 millions d’habitants en 2006), 3% du PIB mondial (1710 milliards d’euros en 2005) , 3,5% des réserves mondiales de change, 4,4% des exportations mondiales et 5% des quota au FMI la France est une puissance moyenne au niveau de vie élevé, avec un PIB par tête exprimé en parité de pouvoir d’achat de 25520 euros en 2005, supérieur au PIB par tête de l’UE à 25 (23460 euros) mais largement inférieur à celui des Etats-Unis (34750 euros). Son indice de développement humain calculé par le PNUD la situe au 16ème rang mondial. Cette carte de visite qui privilégie une mesure par les flux ne peut rendre compte des changements profonds intervenus depuis trente ans et qui permettent à la France dans un monde marqué par une nouvelle étape du processus de mondialisation de conserver son rang1. Quel regard porter sur l’évolution de l’économie et de la société française au cours des trente dernières années ? Scandées par les septennats des présidents François Mitterrand et Jacques Chirac, les trois dernières décennies ont été le théâtre de transformations structurelles, profondes et rapides qui ont demandé aux françaises et aux français de renoncer à des idées, des comportements et des pratiques auxquels ils avaient adhéré jusque là. Ainsi aux trente glorieuses ont succédé les trente ombrageuses. Comme, dans le même temps, les changements affectant la scène mondiale allaient s’accélérant, il n’est pas surprenant que l’examen du point d’arrivée de cette évolution fasse apparaître des réalités très paradoxales. Il conviendra donc de prendre la mesure de l’évolution de la société française qui a rendu possible l’avènement des ces réalités paradoxales. Cette analyse permettra alors d’évaluer les atouts et les handicaps de la France face aux changements qui marqueront les cinquante prochaines années. 1 – QUELS CHANGEMENTS SUR LA SCENE MONDIALE ? Comment expliquer que la France soit devenue en 2006 le premier pays au monde exportateur net de capitaux alors qu’elle avait enregistré parallèlement l’année 1 On compte près de 2 millions de Français vivant à l’étranger. Ils se repartissent géographiquement ainsi: 52,9 % en Europe, 19,1 % en Amérique 12,5 % en Afrique du Nord, Proche et Moyen Orient, 10,3% en Afrique sub-saharienne, 5,3 % en Asie et Océanie. La moitié d’entre eux sont des résidents temporaires (durée moyenne du séjour : 4 ans). Il s’agit principalement de cadres et techniciens d’entreprises françaises, d’agents de l’Etat ou de membres d’organisations humanitaires. L’autre moitié est constituée de résidents permanents parmi lesquels on compte les Français à double nationalité dont la population s’est accrue de 87 % entre 1984 et 2004. Source : serveur Ambassade de France à La Haye. 1 précédente la plus forte dégradation de son commerce extérieur depuis plusieurs années ? En 2005, en effet, le solde des échanges français de biens (FAB-FAB) a quadruplé par rapport à 20041. Ce premier paradoxe et ceux que nous examinerons ensuite exige pour son élucidation que l’on caractérise brièvement l’environnement international. S’il est aisé d’évoquer la crise de la dette latino-américaine du début des années 80, le krach boursier de 1987, l’effondrement du régime soviétique, la tragédie des Balkans, les crises financières asiatique, russe et argentine, les deux guerres du Golfe et l’attentat du 11 septembre 2001, il est beaucoup plus aventureux de tenter de discerner les principaux faits stylisés qui ont caractérisé l’évolution de l’économie mondiale durant cette période. Pourtant quatre faits stylisés incontestables s’imposent : l’entrée dans une nouvelle phase de mondialisation à un moment où l’économie mondiale se trouve dans un régime de croissance ralentie ; l’effondrement de la nouvelle économie, l’émergence de nouveaux pôles commerciaux, la fin du modèle européen d’intégration. §1 – Caractères originaux de la nouvelle phase de mondialisation. De manière significative les taux de croissance des investissements directs à l’étranger et du commerce mondial se détachent du taux de croissance du PIB mondial à partir des années 85-86 : à partir de la base 100 en 1970 le PIB et les IDE sont ensemble au voisinage de l’indice 400 en 1985, tandis que le commerce mondial se rapproche de l’indice 500. En 1996 les IDE sont au voisinage de l’indice 2250, le commerce mondial de l’indice 1500 et le PIB de l’indice 900. S’agissant de la comparaison entre les taux de croissance du commerce mondial en volume et celui du PIB mondial en volume, la différence observée se poursuit au cours de la décennie 1994-2004, stabilisant l’écart à des niveaux élevés : 1 Le solde FAB-FAB passe en effet de -5,1 en 2004 à -21,2 en 2005 et – 28,4 milliards d’euros en 2006. 2 Source : OMC Rapport sur le commerce mondial 2005, p.1 En revanche, la croissance des investissements directs à l’étranger s’interrompt brutalement sous l’effet, d’abord de l’éclatement de la bulle internet et ensuite des attentats du 11 septembre : Entrées d’investissements directs à l’étranger, au niveau mondial et par types d’économies, 1980-2004 (en milliards de dollars US). Source: UNCTAD World Investment Report 2005, p.3 Avant même que les effets espérés de la mise en œuvre d’une nouvelle dynamique économique, impulsée par les investissements dans les TIC, ne soient complètement effacés par l’éclatement de la bulle internet, l’économie mondiale s’était installée depuis plusieurs années dans un régime de croissance ralentie, comme le montre l’évolution du PIB par habitant, en moyenne arithmétique par décennie. 3 Source : Organisation Internationale du Travail Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation « Une mondialisation juste: créer des opportunités pour tous » 2004, p.40. Cette succession de périodes de décroissance au niveau mondial ne s’interrompt qu’en 2006, la croissance des pays émergents (notamment du Brésil, de l’Inde, de la Russie et de la Chine) compensant désormais la stagnation des pays industrialisés. §2 – La faible profitabilité de la nouvelle économie et l’éclatement de la bulle internet La « nouvelle économie » à l’origine d’une accélération des gains de productivité, en raison de son association, aux Etats-Unis notamment, à un investissement massif dans les activités reposant sur la production et l’exploitation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC), n’a pas tenu ses promesses. Alors que les acteurs économiques en espéraient une croissance substantielle de la valorisation des actifs des entreprises, c’est exactement l’inverse qui s’est produit en raison de la baisse de la profitabilité des entreprises liée à la hausse de l’intensité capitalistique requise pour obtenir les gains de productivité constatés. Source : P. Artus Que reste-t-il de la nouvelle économie ? CDC-IXIS Flash 20 février 2003, n°52 4 Le ralentissement violent de la production et de l’investissement dans les secteurs d’activités centralement concernés par les TIC aux Etats-Unis, du fait de la chute du bénéfice par action, se propage via l’effondrement boursier au reste du monde. Source : P. Artus Que reste-t-il de la nouvelle économie ? CDC-IXIS Flash 20 février 2003, n°52 Le ralentissement de la production industrielle des industries fabriquant les biens de haute technologie relevant des TIC retentit sur le commerce mondial de ces biens: ainsi tant les importations que les exportations en provenance des USA, de l’Union Européenne et du Japon diminuent significativement alors que dans le même temps les échanges de la Chine augmentent au point que celle-ci devient en 2004 le premier exportateur mondial de biens de cette catégorie. Le tableau ci-dessous atteste de l’énorme croissance de l’excédent commercial chinois en milliards de dollars pour toutes les catégories hormis les composants électroniques. -64 -44 -24 -4 16 36 56 Telecommunication equipment Computer&related equipment Electronic components Audio&video equipment Other ICT goods 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 Source: OECD Key ICT indicators. China’s trade balance by ICT goods categories, 1996-2004 Current USD billions . §3 - L’émergence de nouveaux pôles commerciaux et le retour de la « vieille » économie. Les pays de la triade (ici : Amérique du Nord, Europe, Japon) représentaient 58,9% du commerce mondial en 1948. En 2005, leur part s’élève à 63,4% avec un changement 5 significatif de l’importance relative de chaque zone [l’Amérique du Nord perdant 12,6 points au bénéfice de l’Europe occidentale (+11,6%) et du Japon (+5,5%)]. Les six dragons asiatiques triplent leur part par rapport au niveau atteint en 1950. La part de la Chine, et l’on relève l’anomalie au regard du degré d’ouverture de l’Europe et de l’Amérique du Nord, ne passant que de 0,9% en 1948 à 7,5% en 2005. Ceci explique sans doute le fait, une fois la décision prise par le pouvoir politique d’ouvrir la Chine à l’échange international, que les exportations chinoises en volume progressent de 12% en moyenne en rythme annuel de 1996-2000 et de 24% en moyenne en rythme annuel de 2001 à 2004. Au cours de la période 1999-2002, les pays émergents ont contribué à hauteur de 53% à la croissance des exportations mondiales (en volume) et à hauteur de 43% à celle des importations mondiales, contre 31 p. 100 et 13 p. 100 respectivement uploads/Finance/ prises-de-vue-sur-l-x27-economie-et-la-societe-francaises-in-l-x27-econonmie-francaise-sefi-2008.pdf
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- Publié le Oct 03, 2022
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