Université PARIS II PANTHEON ASSAS Master II DJCE Juriste d’Affaires 2008-2009
Université PARIS II PANTHEON ASSAS Master II DJCE Juriste d’Affaires 2008-2009 LA FINANCE COMPORTEMENTALE D’UNE MEILLEURE COMPREHENSION A UNE NOUVELLE REGULATION DES MARCHES FINANCIERS Clotilde Wetzer Sous la direction du Professeur Hubert de Vauplane L’université PANTHEON ASSAS (PARIS II) droit -économie - sciences sociales n’entend donner aucune approbation, ni improbation, aux opinions émises dans ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. 1 Sommaire Introduction ................................................................................................................................ 2 PREMIERE PARTIE LA THEORIE ECONOMIQUE BOULEVERSEE PAR LA FORCE EXPLICATIVE DE LA FINANCE COMPORTEMENTALE ................................................. 9 I. Une théorie de l’efficience insuffisante ............................................................................ 10 A. Une construction théorique puissante .......................................................................... 10 B. Une application empirique décevante .......................................................................... 17 II. Une approche comportementale séduisante..................................................................... 23 A. Les fondements de la finance comportementale ......................................................... 24 B. La présentation des principaux biais comportementaux .............................................. 31 SECONDE PARTIE L’ANALYSE JURIDIQUE RENOUVELEE PAR LA PORTEE NORMATIVE DE LA FINANCE COMPORTEMENTALE ................................................. 39 I. Une réglementation aux vertus correctives ....................................................................... 40 A. Une élaboration périlleuse ........................................................................................... 40 B. Les réglementations justifiables .................................................................................. 47 II. Un succès aux effets ambivalents .................................................................................... 54 A. Un cercle vicieux ......................................................................................................... 54 B. Le paternalisme libéral ................................................................................................ 61 Conclusion ................................................................................................................................ 66 Table des matières .................................................................................................................... 68 Bibliographie ............................................................................................................................ 70 2 INTRODUCTION Etudier le fonctionnement des marchés financiers est le rôle ambitieux que s’est donné la finance dite des marchés. Les marchés financiers évoluent quotidiennement et fournissent ainsi aux théoriciens une quantité considérable de données empiriques sur lesquelles développer leurs réflexions. Pourtant, théoriser l’évolution des cours boursiers s’est révélé être le plus grand challenge des dernières décennies pour les spécialistes de la finance. Le marché demeure incompréhensible pour les non-initiés et nargue les plus avertis. Il est réducteur de n’envisager le marché que comme un ensemble de variables. C’est avant tout un espace social dans lequel évoluent des Hommes avec leur force mais aussi leurs faiblesses. Les marchés financiers sont, à l’instar de la nature humaine, d’une complexité telle qu’il est impossible d’en établir une explication ultime. Avoir une perception du marché la plus proche possible de la réalité n’est cependant pas une tentative inutile. Les travaux de la finance des marchés ont des répercussions décisives dans de nombreux domaines. Par exemple, l’analyse des décisions financières des entreprises, qui est l’objet d’étude de la finance d’entreprise1, est largement influencée par les progrès de la finance des marchés. Finance d’entreprise et finance des marchés constituent d’ailleurs les deux principales problématiques envisagées par la discipline financière. Mais l’intérêt d’une meilleure compréhension des marchés va bien au-delà du seul domaine financier. Elle permet aussi d’élaborer un système juridique adapté aux spécificités des marchés financiers. Selon certains auteurs, la particularité du droit des marchés financiers « réside dans la finalité attachée à ce droit : ce droit doit permettre et doit garantir un bon fonctionnement des marchés. Le bon fonctionnement des marchés financiers est une fin qui justifie les techniques juridiques mises en œuvre pour y parvenir »2. Cette branche du droit serait donc gouvernée par un principe d’efficacité dont les lignes directrices seraient données par l’analyse économique. 1 Plus particulièrement, la finance d’entreprise s’intéresse aux décisions d’investissement, aux décisions de financement et aux politiques de dividendes. 2 N. Rontchevsky, J-P Storck et M. Storck, Le réalisme du droit des marchés financiers. 3 Cette instrumentalisation du droit au service de la vie économique fait écho au courant de pensée d’origine américaine Law and Economics3. Mais l’analyse économique du droit des marchés financiers présente une particularité par rapport à celle du droit pénal ou du droit constitutionnel : l’objet même du droit financier étant économique, l’interaction entre droit et économie est ici naturelle. Le droit des marchés financiers est donc un domaine privilégié pour mesurer l’impact juridique des théories économiques. La plupart des recherches sur l’analyse économique du droit utilisent la boîte à outils néo- classique. C’est ainsi que la théorie financière « classique » ou « quantitative » qui a dominé pendant les cinquante dernières années est directement issue du courant néo-classique de l’économie. Cette finance est basée sur trois éléments fondamentaux : la maximisation de l’espérance d’utilité, l’hypothèse d’absence d’opportunité d’arbitrage et surtout l’hypothèse d’efficience des marchés qui est considérée comme la proposition centrale dans la théorie financière. Si l’on trouve les origines du concept d’efficience dans la thèse du mathématicien français Louis Bachelier publiée en 1900, l’« hypothèse d’efficience » a véritablement été formulée aux Etats-Unis au début des années soixante au sein de la célèbre « Ecole de Chicago ». A partir d’un nombre réduit d’hypothèses, la finance néoclassique a permis une compréhension plus profonde des marchés, de l’évolution des prix et de l’évaluation des actifs financiers. Les modèles élaborés se sont alors imposés à tout le domaine. Il s’agit notamment du Modèle d’Equilibre des Actifs Financiers (MEDAF) de Sharpe, Lintner et Mossin4, de la formule de Black-Scholes5 ou encore du théorème de Modigliani-Miller6. A la base du modèle économique néo-classique et de l’hypothèse d’efficience des marchés repose l’hypothèse de rationalité des agents. La science économique appréhende le comportement humain par cette notion abstraite d’Homo Oeconomicus. Celle-ci représente l’homme comme un être "rationnel", c’est-à-dire participant à la vie économique en vue de maximiser son bien-être et gérant les ressources dont il dispose dans le seul but de maximiser 3 Analyse économique du droit. 4 Le MEDAF ou CAPM (Capital Asset Pricing Model) est un modèle opérationnel de gestion de portefeuille. Sharpe était membre de l’« Ecole de Chicago » et fut lauréat du prix Nobel d’économie en 1990. 5 La formule de Black-Scholes permet de calculer la valeur théorique d’une option européenne à partir de cinq données. Black et Scholes étaient membres de l’« Ecole de Chicago » et Scholes reçu le prix Nobel d’économie en 1997. 6 Le théorème de Modigliani-Miller affirme que dans un monde sans taxes, exonéré de coûts de transaction et sous l’hypothèse de l’efficience des marchés, la valeur de l’actif économique n’est pas affectée par le choix d’une structure de financement. Modigliani et Miller faisaient parti de l’« Ecole de Chicago » et ils remportèrent le prix Nobel d’économie respectivement en 1985 et 1990. 4 son utilité globale. L’idée de John-Stuart Mill, le « père » de l’Homo Oeconomicus, est que l’analyse économique doit procéder comme les sciences de la nature, à savoir par abstraction. Il s’agit d’isoler le comportement de l’homme dans la vie économique et d’exclure ainsi toute dimension morale, telle que le comportement social collectif, le don ou encore le sens de la justice. C’est grâce à cette abstraction que le concept d’Homo Oeconomicus a permis d’élaborer des modèles mathématiques tel que le MEDAF. La finance néoclassique avait pour ambition d’atteindre un haut niveau de scientificité, si bien qu’elle est devenue selon certains « la plus scientifique de toutes les sciences sociales »7. Dans un premier temps, les travaux empiriques ont conforté la pertinence de l’hypothèse d’efficience dans les marchés financiers réels. Les premières études économétriques réalisées au sein de l’« Ecole de Chicago » et plus particulièrement au Center for Research in Security Prices (CRSP) se sont révélées concluantes, et s’est alors développé un important courant de recherche tant théorique qu’empirique sur le processus de formation des cours boursiers. Michael Jensen, membre de l’Université de Chicago, affirmait en 1978 sans crainte d’être démenti qu’« aucune autre proposition en Economie n’a de plus solides fondements empiriques que l’hypothèse d’efficience des marchés ». « Tout allait donc pour le mieux dans le plus « efficient des mondes» »8 jusqu’à ce que les tests empiriques invalidant les prédictions du modèle théorique s’accumulent. La finance quantitative se voit alors forcée de reconnaitre son incapacité réelle à expliquer certains phénomènes boursiers qualifiés d’« anomalies » par les auteurs. Aujourd’hui, partisans et adversaires de l’hypothèse d’efficience s’affrontent dans des débats intenses dont les enjeux réactualisent l’opposition entre les philosophes grecs Platon et Aristote. La conception néoclassique selon laquelle les marchés sont efficients et les individus rationnels est en effet comparable au « monde des Idées » platonicien dans lequel les réalités sont stables, immuables et par là même objectivables dans le discours et dans la science. Ce monde idéal serait décrit par les mathématiques, science des sciences, d’où la tendance scientiste des économistes. Platon méprise le réel qui n’est qu’image pâlie des formes intelligibles et immuables. Le monde sensible est alors perçu comme un domaine de réalités mouvantes, « indéterminées », qui, réfractaires à leur fixation dans le langage rigoureux et cohérent de la science, ne sont accessibles qu'à l’opinion. Par les mathématiques, il est possible de découvrir 7 Ross, 2004, 10 8 M-H. Broihanne, M. Merli et P. Roger, Finance comportementale, Economica, 2004 5 les Formes Intelligibles pour maîtriser le monde réel sensible et contingent. Aristote reproche à son maître de définir toute connaissance comme un simple reflet idéal du monde réel. Pour lui il n’existe qu’un seul monde, le monde réel, séparé en deux régions, la Terre et le Ciel. Aristote prône l’observation qui doit s’effectuer avec un certain détachement. Or la finance néoclassique décrit imparfaitement le réel au profit d’un monde idéal intangible. L’observation et l’analyse uploads/Finance/ wetzer 1 .pdf
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- Publié le Fev 24, 2021
- Catégorie Business / Finance
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