 L’abus des pouvoirs et des biens sociaux Conformément à l’article 384 de la l

 L’abus des pouvoirs et des biens sociaux Conformément à l’article 384 de la loi 17-95, l’abus des biens sociaux (l’ABS) peut être identifié du point de vue de la victime du délit et du point de vue de l'auteur de l'infraction. En ce qui concerne la victime, plusieurs conditions doivent être réunies pour que l'on puisse parler de d'ABS : D'abord des conditions générales tenant aux caractéristiques juridiques de la victime : celle-ci doit être une entreprise à forme sociétaire jouissant de la personnalité morale et ne faisant pas l'objet d'une procédure collective. Cette première approche permet d'exclure du champ de l'ABS : - les entreprises individuelles « dirigées » par des personnes physiques exerçant une activité commerciale à titre individuel et pour lesquelles la confusion du patrimoine personnel et du patrimoine « entrepreneurial » ne permet pas de poursuite au titre de l'ABS ; - les personnes morales ne poursuivant pas un but lucratif telles que les associations ; cependant, dans certaines législations telles que la législation belge, l'ABS concerne également ces associations. - les personnes morales à forme sociétaire n'ayant pas encore acquis la personnalité morale telle que les sociétés en cours de formation. En principe la société en participation doit également être exclue du champ d'application de l'ABS puisque cette société n'est pas censée être connue des tiers et que les associés n'ont pas entendu doter de la personnalité morale ; on verra cependant que le législateur marocain a intégré cette société dans le champ d'application de l'ABS ; - la personne morale à forme sociétaire en difficulté, ce qui permet de distinguer l'ABS d'une infraction très voisine, la Banqueroute qui suppose l'ouverture d'une procédure collective et par conséquent la cessation de paiement. Ainsi, à l'exception de quelques cas où elle a admis que des détournements pouvant être directement à l'origine de la cessation de paiement, peuvent justifier la poursuite au titre de la banqueroute, la jurisprudence française considère toujours que les détournements commis avant la cessation de paiement tombent sous le coup de l'ABS.1 1 La responsabilité pénale des dirigeants des entreprises, Zerguine, Ramdane p : 390 Ensuite des conditions spécifiques tenant à la catégorie de personne morale à forme sociétaire considérée. Cet élément ne semble pas à priori poser de problème particulier puisque en application du principe général de droit consacré par les constitutions françaises et marocaines, l'ABS est défini et sanctionnée par les lois relatives aux sociétés commerciales.2 Cependant, il nous semble que, du point vu de la responsabilité des dirigeants de l'entreprise cet élément soulève la problématique du champ d'application de l'infraction dont l'étude permet de déceler le degré de cohérence de « la politique pénale » dans un système juridique et politique donné. A ce sujet, il convient de noter une différence importante entre le droit marocain et le droit français. Les dispositions pénales marocaines en matière d'Abus de Bien Sociaux concernent toutes les formes de sociétés commerciales sans exception. Ainsi, le délit d'ABS a été d'abord prévu par la loi 17-95 pour les sociétés anonymes dont l'article 384 dispose : « Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de DH ou de l'une de ces deux peines seulement, les membres des organes d'administration, de direction ou de gestion d'une société anonyme : 1°) qui........ 2°) qui..... 3°) qui, de mauvaise foi, auront fait, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts économiques de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement ; 4°) qui de mauvaise foi, auront fait des pouvoirs qu'ils possédaient et/ou des voix dont ils disposaient, en cette qualité, un usage qu'ils savaient contraire aux intérêts économiques de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser 2 Revue marocaine de Droit des Affaires et des Entreprises, p: 21;22 une autre société ou entreprise dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement ».3 Par la suite, la loi 05-96, dans son chapitre II intitulé « des infractions et sanctions communes », a prévu à l'article 107, dans des termes quasi-identiques, le délit d'ABS pour la SNC, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la SARL et la société en participation. L’analyse de ces articles (article 384(3°) et (4°) de la loi 17-95 et l’article 107 de la loi 05-96) nous pose devant deux délits : -L’abus des biens ou du crédit de la société : Les biens sociaux englobent tous les éléments mobiliers ou immobiliers du patrimoine social, corporels ou incorporels, constatés ou non par les documents comptables. Il importe que ces biens appartiennent à la société, faute de quoi, le délit d'abus de biens sociaux n'est pas constitué La loi protège ainsi expressément les biens sociaux entendus de manière large comme tous ses actifs (fonds, créances, meubles et immeubles) mais également son crédit entendu comme sa capacité d’emprunter. Le crédit social est celui qui s'attache à l'établissement, eu égard à son capital, à la nature et à la bonne marche de ses affaires. Au sens large et économique, le crédit de la société est sa renommée et donc sa capacité à emprunter.4 En faire l'usage revient à engager la signature sociale, à exposer la personne morale à des paiements ou à des décaissements éventuels, à lui faire courir des risques qui en principe ne lui incombent pas Une signature donnée au nom de la société par le dirigeant peut constituer l’infraction lorsqu’elle est apposée sur un effet de commerce étranger à l’activité sociale, un cautionnement injustifié ou, de manière générale, sur tout acte de nature à faire peser sur la société le risque d’une perte ou d’un appauvrissement sans contrepartie. - L’abus des pouvoirs ou des voix : 3 Bulletin officiel n° 4422 du 4 joumada II 1417 (17 octobre 1996) Dahir n° 1-96-124 du 14 rabii II 1417 (30 août 1996) portant promulgation de la loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes 4 Bulletin officiel n° 4422 du 4 joumada II 1417 (17 octobre 1996) Dahir n° 1-96-124 du 14 rabii II 1417 (30 août 1996) portant promulgation de la loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes Par « pouvoirs » on doit entendre tous les droits accordés par la loi ou les statuts aux dirigeants sociaux. Cet abus est rarement sanctionné de manière autonome et est le plus souvent absorbé par l’abus de biens sociaux car il s’accompagne presque toujours d’un détournement des fonctions de dirigeant social pour l’obtention d’un avantage matériel. L’abus de voix puni par la loi permet de réprimer une autre forme d’abus, tout en protégeant directement les intérêts des actionnaires : Il s’agit en effet d’empêcher que, par la méthode des procurations remises en blanc par des actionnaires aux mandataires sociaux, ceux-ci ne transforment les assemblées en chambre d’enregistrement. La complicité dans l’abus de bien sociaux, n’a été traité dans aucun des textes ce qui nous pousse à nous référer aux règles de droit commun, et par conséquent on suppose que le juge optera pour l’emprunt de criminalité et par conséquent de pénalité et ce en l’application des articles 129 et 130 du code de procédure pénale.5 Quelques exemples pourront nous éclairer sur l’acte de complicité possible, il en est ainsi de l’administrateur qui a participé à la délibération du Conseil d’administration ou qui a organisé et fait fonctionner une caisse noire, ou bien du tiers qui atteste faussement dans un acte notarié avoir fait un versement dans la caisse sociale. Au Maroc la plupart des poursuites pour abus de biens et de pouvoir sont engagées sur dénonciation de l’un des associés suite à l’encaissement d’un chèque de produit de vente dans le compte personnel du dirigeant. Mais malheureusement, la dénonciation ne permet pas à l’associé de contribuer personnellement partie civile pour obtenir réparation du préjudice. Il a par contre la possibilité d’agir pour le compte de la société victime dans le cadre de l’action sociale. L’affaire la plus célèbre dans ces dernières années celle de Carlos Ghosn soupçonné d'abus de biens sociaux : l'enquête confiée à un juge d'instruction. 5 Bulletin Officiel n° : 2418-bis du 05/03/1959 Dahir n° 1-58-261 du 1er chaabane 1378 (10 février 1959) formant Code de procédure pénale ; L'ancien patron de l'alliance Renault-Nissan est notamment soupçonné d'avoir organisé deux soirées d'ordre privé au château de Versailles, en échange d'une convention de mécénat signée entre la marque au losange et l'établissement qui gère le château. Cette ouverture d'information judiciaire intervient deux mois et demi après sa fuite rocambolesque du Japon où il est accusé de malversations financières révélées par le constructeur japonais Nissan. Le patron déchu franco-libano-brésilien avait été libéré sous caution et assigné à résidence au Japon avec interdiction de quitter le territoire. Mais il avait réussi à en partir en fin d'année pour se réfugier au Liban, estimant qu'il n'aurait pas bénéficié d'un procès équitable alors qu'il nie toutes les accusations. Tandis que Nissan réclame 83 millions d'euros à Carlos uploads/Finance/l-x27-abus-des-pouvoirs-et-des-biens-sociaux.pdf

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  • Publié le Nov 13, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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