Réflexion R.F .C. 406 Janvier 2008 20 LA NORMALISATION PAR LES RÈGLES ET LA NOR

Réflexion R.F .C. 406 Janvier 2008 20 LA NORMALISATION PAR LES RÈGLES ET LA NORMALISATION PAR LES PRINCIPES Que signifie une norme fondée sur des principes et une norme fondée sur des règles ? On définira les règles de façon large en incluant un ensemble de prescriptions contenues dans une norme ; elles sont principale- ment axées sur les modalités d’application, les exemples, les recommandations ou indications détaillées de mise en œuvre . Une norme fondée sur les règles ne signifie pas que les norma- lisateurs n’ont pas utilisé des principes pour les établir mais que les règles jouent un rôle majeur dans l’application de la norme. Dans une approche par les principes, les normes sont fondées sur des principes généraux et des conventions qui sont inclus dans des cadres conceptuels (Alexander, 1999). Les principes généraux correspondent aux hypothèses de base sur lesquelles reposent l’élaboration des états financiers, aux objectifs assignés à l’information financière au regard de son utilité pour les utili- sateurs, et aux définitions des éléments contenus dans les états financiers. Les conventions sont destinées à guider le prépara- teur des comptes dans l’évaluation et la présentation des élé- ments devant figurer dans les états financiers. Les principes et les conventions structurent la représentation comptable de l’entreprise. Pour les distinguer, on peut avancer que les principes correspondent à des postulats. Acceptés sans démonstration, ils ont un caractère de généralité plus grand que les conventions qui peuvent varier d’un pays à l’autre. Malgré cette différence, il est courant de regrouper ces deux notions sous le terme générique de principes comptables. Issus histori- quement de la pratique comptable, intégrés dans les cadres conceptuels et les normes comptables, ces principes n’ont pas de fondements scientifiques et tirent leur légitimité de leur reconnaissance par les acteurs du monde comptable. LES DEUX NORMALISATIONS ET LA GESTION DES RÉSULTATS Notre thèse est qu’aucune approche normative n’est satisfai- sante en soi. Dans chaque système normatif, les dirigeants ont des possibilités de gérer les résultats. Mais les modalités en sont différentes. Christian HOARAU Professeur au CNAM (1) LA GESTION DES RÉSULTATS COMPTABLES : IFRS vs US GAAP GESTION DES DONNÉES COMPTABLES ET INFLUENCE DE LA MÉTHODE DE NORMALISATION Depuis une trentaine d’années la gestion des résultats comp- tables par les dirigeants d’entreprise fait l’objet d’une abondan- te littérature (2). Mais l’influence de l’approche sous-jacente au mode d’élaboration de la norme comptable sur la plus ou moins grande facilité de manipulations des états financiers n’a pas encore fait l’objet de nombreux travaux. Il est courant de dis- tinguer l’approche par les principes versus l’approche par les règles. Les IFRS et les US Gaap ne sont que des cas particuliers mais significatifs de ces approches générales. Les normalisateurs, les régulateurs boursiers et les auditeurs ont souvent une perception de la gestion des résultats différente de celle des chercheurs. L’ampleur de ce phénomène et ses consé- quences négatives pour les investisseurs seraient plus impor- tantes pour les premiers que pour les seconds. Pour assurer une plus grande transparence de l’information financière, les nor- malisateurs et les régulateurs sont favorables à des actions limi- tant ce type de pratiques (Dechow et Skinner, 2000). Dans ce contexte, le choix de l’approche normative n’est pas neutre au regard de la discipline professionnelle et de la res- ponsabilité des préparateurs et des auditeurs. On peut se poser la question de savoir si l’approche par les prin- cipes est plus efficace que l’approche par les règles pour lutter contre la gestion des résultats. Résumé de l’article Il y a une différence fondamentale entre les deux référen- tiels comptables dominants dans le monde. Ils sont fondés sur des démarches normatives distinctes : une approche par les règles pour les US GAAP et une approche par les prin- cipes pour les IFRS. Une de ces approches est-elle plus per- tinente que l’autre pour réguler les comportements des diri- geants en matière de gestion des données comptables ? L’auteur montre qu’en matière de régulation des compor- tements de gestion des résultats comptables, aucune approche normative n’est satisfaisante en soi. 1. Professeur au Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la chaire de Comptabilité financière et audit, et responsable du Groupe de recherche en Economie et Gestion (GREG, EA n° 2430) du CNAM. E-mail : hoarau@cnam.fr 2. Parmi les revues de littératures cf. notamment Healy et Wahlen, 1999 ; Kothari 2001 ; Stolowy et Breton 2003.  R.F .C. 406 Janvier 2008 21 Dans un système fondé sur les règles comme les US Gaap, les dirigeants peuvent gérer les résultats par la structuration des opérations. Ce que ne favorisent pas les normes IFRS sous-ten- dues par l’approche par les principes. Mais la place majeure lais- sée à l’interprétation des normes dans cette approche offre la possibilité d’une gestion des résultats par les dirigeants croissant avec le degré de flexibilité et d’imprécision de la norme. 1. L’APPROCHE PAR LES RÈGLES : UNE OPPORTUNITÉ OFFERTE AUX DIRIGEANTS DE GÉRER LES DONNÉES COMPTABLES AU MOYEN DE LA STRUCTURATION DES OPÉRATIONS La littérature fournit des résultats qui montrent que les mana- gers, avec ou sans la connaissance et le consentement de leurs auditeurs, tout à la fois interprètent les règles et structurent les opérations afin d’obtenir les traitements comptables souhaités. Une étude approfondie a traité de façon spécifique les effets des règles comparés aux effets des principes en utilisant les données recueillies auprès de 253 associés de cabinets d’audit sur leur expérience de 515 tentatives de gestion des résultats par leurs clients (Nelson et al, 2002). Cette étude indique que les managers sont probablement plus tentés de gérer les résultats comptables par la structuration des opérations quand des normes précises gouvernent la comptabi- lité que lorsque les normes sont beaucoup plus flexibles. De façon corollaire, les auditeurs admettent probablement plus faci- lement les tentatives de gestion des résultats par la structura- tion des opérations quand les règles à appliquer sont précises. Les résultats montrent que les auditeurs ont des difficultés à obtenir des ajustements de leurs clients quand les transactions ont été structurées pour satisfaire des seuils contenus dans des normes précises avec des règles détaillées. L’application du principe de “substance over form” est le moyen choisi dans le référentiel comptable américain ou celui de l’IASB pour lutter contre ces pratiques de comptabilité créatrice. Mais les règles détaillées contenues dans les normes, exprimées par des seuils quantitatifs et traduisant la ligne jaune à ne pas dépas- ser, créent des cibles que les dirigeants utilisent pour atteindre leurs objectifs en matière d’états financiers. A titre d’illustration, on ne citera que les cas de la comptabilité des locations-financements, de la consolidation de filiale et de l’application de la méthode de mise en équivalence. L’approche par les règles favorise une conformité apparente des normes (la lettre et non l’esprit) qui est une invitation ouverte à structurer les opérations dans le but de modeler l’image comp- table. A l’opposé, l’approche par les principes est fondée sur le respect de l’esprit de la norme. C’est la voie choisie par l’IASB. Elle paraît la plus souhaitable mais elle comporte également des limites en matière de régulation des comportements des managers vis-à- vis de l’information comptable. 2. L’APPROCHE PAR LES PRINCIPES : UNE OPPORTUNITÉ DE GESTION DES DONNÉES COMPTABLES AU MOYEN D’UNE INTERPRÉTATION CROISSANT AVEC LA FLEXIBILITÉ ET L’IMPRÉCISION DE LA NORME La latitude inhérente à une normalisation fondée sur les prin- cipes est une arme à double tranchant. Cette latitude permet aux managers de choisir les traitements comptables qui reflè- tent leur connaissance documentée de l’opération économique sous-jacente. Cependant, elle peut être utilisée pour gérer les données comptables. Selon les résultats de l’étude de Nelson et al. (2002), quand les normes ne fournissent pas de règles exprimées sous forme de seuil limite, les managers sont probablement moins enclins à engager une structuration des opérations qui peut se révéler un moyen coûteux. Les auditeurs qui ont répondu à leur enquête ont identifié relativement peu de cas de reporting agressif au moyen d’opérations structurées dans le cas de normes impré- cises. Le rapport bénéfice/coût de telles opérations devient plus incertain que dans le cadre de normes précises. En revanche, ils ont identifié de nombreux exemples de repor- ting agressif réalisé par d’autres moyens que la structuration des opérations dans le cadre de normes imprécises. L’étude montre que les auditeurs ont renoncé à ajuster les états financiers dans 61 % des cas décrits (Nelson, 2002). Les auditeurs ont justifié l’abandon des ajustements par au moins deux raisons : les opé- rations étaient subjectives et ils ne pouvaient pas prouver que les positions de leurs clients étaient incorrectes et/ou elles dimi- nuaient les résultats de l’exercice sous revue et dans ce cas les auditeurs les percevaient comme prudentes. Avec les normes fondées sur les principes, les managers sont probablement plus incités à justifier les tentatives de gestion des résultats en convaincant leurs auditeurs de leur interprétation de règles imprécises. Les auditeurs tolèrent probablement plus de telles tentatives de gestion des résultats quand la comptabilité est gouvernée par des normes plus flexibles uploads/Finance/la-gestion-des-resultats-comptables-ifrs-vs-us-gaap.pdf

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  • Publié le Aoû 25, 2021
  • Catégorie Business / Finance
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