CONFERENCE ALEXANDER, THE GREEK COSMOS - SYSTEM AND CONTEMPORARY GLOBAL SOCIETY

CONFERENCE ALEXANDER, THE GREEK COSMOS - SYSTEM AND CONTEMPORARY GLOBAL SOCIETY www.academy.edu.gr 160 L’Art Gréco-Bouddhique du Gandâra - du sourire d’Apollon au visage de Bouddha PIERRE CAMBON, Critique et Historien de l’Art, Conservateur en Chef au Musée National des Arts Asiatiques - Guimet, Paris. France Email : pierre.cambon@guimet.fr ‘’L'artiste gandharien était grec par son père, et par là-même sculpteur, mais indien par sa mère, et par là-même bouddhiste’’ A. Foucher En France, tout le monde a entendu parler de l’art gréco-bouddhique, un art qui évoque la vie du Buddha, avec un vocabulaire emprunté à la Grèce. Gandhara, en revanche, est un terme exotique. Le mot pourtant est un terme de géographie antique utilisé par les auteurs classiques pour définir la région autour de Peshawar, à la frontière afghane, où se développe aux environs de l’ère une école de sculpture bouddhique qui voit la première représentation figurée du Buddha, sous une forme humaine. (Photos 1-2-3). C’est cette école de schiste, parfois mêlée de stuc, révélée par les fouilles de l’Archaeological Survey of In- dia qui fascina Kipling. Celui-ci l’évoque au tout début de Kim avec la fameuse stèle du Musée de Lahore - un art étrange en territoire indien où se mêlent des références classiques, tout droit venues de Méditerranée, un art où se retrouvent un gout pour le portrait, pour le réalisme, (photo 13) pour le mouvement, pour la pro- fondeur et pour la perspective. Les fouilles du tout début du 19ème s. avaient révélé en effet une production de schiste souvent très composite qui renvoie à une Histoire troublée, à épisodes multiples : englobé dans l’empire perse achéménide (6ème s. av. JC), point ultime des conquêtes d’Alexandre sur la route de l’Inde (4ème s. av. JC), le Gandhara est intégré dans le premier empire indien des Maurya (3ème s. av. JC), avant d’être le siège des royaumes indo-grecs, à la suite des conquêtes de la Bactriane grecque, au sud de l’Hindukush (2ème s. av. JC). Ceux-ci seront chassés au temps des invasions nomades, par les Scythes et les Parthes (1er s. av. JC), avant que ne se constitue un vrai empire des steppes, l’empire kouchan (1er – 3ème s.), couvrant également l’Inde du Nord ou bien l’Afghanistan. Puis, se succèdent les Sassanides, les invasions hunniques, l’empire centre-asiatique des Turcs Occidentaux (6ème s.). Le Gandhara par la suite s’effacera peu à peu de la carte, coincé entre l’Afghanistan ou encore le Kashmir. CONFERENCE ALEXANDER, THE GREEK COSMOS - SYSTEM AND CONTEMPORARY GLOBAL SOCIETY www.academy.edu.gr 161 Une histoire donc complexe, souvent un peu confuse, dont le fil s’est reconstitué avec l’aide des monnaies, des sources gréco-romaines et des textes chinois ; une histoire sujette à controverses, notamment autour de la figure de l’empereur Kaniska (2ème s. ap. JC), l’empereur kouchan qui porte la triple titulature, indienne, ira- nienne et chinoise. C’est sur son monnayage, en effet, qu’apparaît la première image du Buddha, dument authentifiée par l’inscription « Boddo », en caractères grecs - les quelques inscriptions reconnues dans l’art du Gandhara soulevant le problème de l’identification des ères auxquelles on se réfère - bref une histoire compliquée dont l’art du Gandhara est un parfait reflet, bien que son origine même fasse l’objet de débats et reste controversée. Pourtant, c’est à un français, Alfred Foucher (1865-1952), (photo 1) qu’est due la toute première synthèse sur cette école locale, aux marges du sous continent, qu’il voit comme la « fusion » entre hellénisme et boud- dhisme, une rencontre entre le monde indien et le monde hellénique, sur fonds d’apport des steppes. Pour lui, le concept est indien, la mise en forme « grecque ». Le vocabulaire est d’apparence classique, même mâtiné d’influences perses ou bien centre-asiatiques. C’est lui qui avance, autour de 1900, le concept d’art « gréco-bouddhique » du Gandhara dans la thèse qu’il soutient à la Sorbonne, l’année 1905. Comme il l’écrit drôlement dans un livre publié quelques années avant« (Alfred Foucher, « Sur la frontière indo- afghane», Paris, 1901, p.40-41), « Tout, dans ces prétendues œuvres indiennes, dénote ou du moins rappelle le goût occidental ; partout s’exerce sur leurs bleuâtres couleurs de schiste, l’intervention d’un ciseau rom- pu à la technique des ateliers de Grèce ou d’Italie. C’est à se demander si l’on ne dort pas éveillé ou si l’on n’a pas été mis traîtreusement en présence d’une collection de moulages empruntés, par exemple, au musée du Latran. » L’art du Gandhara en effet met en image, de façon littérale, et sous une forme humaine la geste du Buddha, de manière très classique, et ce d’après les textes du Bouddhisme - des textes qui jusque là n’avaient donné dans l’art de l’Inde ancienne que des représentations conceptuelles et non figuratives pour ce qui est du Bud- dha, évoqué dans ses vies antérieures ou bien par son absence. Or, c’est cette nouvelle iconographie, comme le souligne Foucher, qui va servir de base à la vulgate bouddhique et se diffuse en Chine, ou encore en Co- rée. CONFERENCE ALEXANDER, THE GREEK COSMOS - SYSTEM AND CONTEMPORARY GLOBAL SOCIETY www.academy.edu.gr 162 Il va même plus loin. Le prototype de l’image du Buddha en Asie du nord-est est le buddha gandharien, une image où se mêlent l’esthétique hellénique, le réalisme grec et la philosophie de l’Inde. Et de résumer sa pensée de façon lapidaire, l'artiste gandharien était grec par son père, et par là-même sculpteur, mais indien par sa mère, et par là-même bouddhiste. Thèse qu’il énonce dans un article au titre provocateur : « L’origine grecque de l’image du Buddha » (conférence donnée au musée Guimet, Paris, 1912). Pour lui, l’image du Buddha gandharien, première représentation figurée sous une forme humaine, s’inspire directement de celle d’Apollon, l’idéal masculin de beauté pour les Grecs (photo 1-2-3-4) : profil très régulier, visage ovale, nez doit, yeux légèrement en amande, cheveux ondés naturellement sur le sommet du crâne, relevés en chignon de façon réaliste, se transformant pour les bodhisattva (5) en véritable krôbylos, comme le souligne Mario Bussagli (Mario Bussagli, « L’art du Gadhara », Paris, 1996, p. 358). Le sourire du dieu grec toutefois s’est transformé ici en expression rêveuse, très légèrement lointaine, un sourire intérieur à peine suggéré. "Sauf preuve du contraire », écrit plus tard Foucher (Alfred Foucher, « L’art Gréco-Bouddhique du Gan- dhara », Paris, 1922, Vol. III, p. 677—678), « le prototype de tous les Buddha de l'Asie est le buddha indo- grec. Que cette conclusion soit assez inattendue et contraire à l'ordre naturel des choses, qu'elle n'ait surtout rien d'agréable à enregistrer pour un indianiste, nous n'en disconvenons pas. « Mais, comme le note, plus tard, Mario Bussagli, « l’utilisation de formes issues du classicisme hellénistico-romain et mises au service de la spéculation religieuse bouddhique ne peut plus être considérée comme un simple emprunt de formes classiques à une religion étrangère ; elle apparaît comme un choix conscient entre différentes possibilités, dans des buts précis et singuliers. » (Mario Bussagli, « L’art du Gadhara », Paris, 1996, p. 62). En fait, si le beau style gandharien tel que le définit Foucher est bel et bien unique dans le sous-continent et fait figure à part dans les arts de l’Asie, témoignant d’influences helléniques ou bien occidentales, reste que la contro- verse porte, toujours à l’heure actuelle, sur les débuts même de cette convention qui fait du Buddha, selon la jolie formule de Foucher « un roi sans parure ou un moine sans tonsure », une image dont la silhouette frappe par son élégance, par son humanité et par son réalisme. A la suite d’une première mission en 1896 sur la frontière afghane, en Inde britannique, où il étudie les col- lections du musée de Lahore et celles de Peshawar dans l’optique de sa thèse soutenue dix ans plus tard, Foucher rapporte les quelques pièces qui vont constituer le premier fonds du Gandhara, aujourd’hui au mu- sée Guimet. Plus tard, en 1922, alors qu’il est une nouvelle fois en Inde, il est envoyé à Kabul pour mettre en place la DAFA (Délégation Archéologique Française en Afghanistan) dans le cadre d’un accord de coopéra- tion exclusif avec l’Afghanistan sur le plan de l’archéologie. Ces liens privilégiés expliquent ainsi la poli- tique d’exposition, depuis la réouverture du musée, en 2001, après rénovation : 2002, « Afghanistan, une his- toire millénaire », le patrimoine afghan à l’étranger ; 2006, « Afghanistan, les trésors retrouvés », le trésor CONFERENCE ALEXANDER, THE GREEK COSMOS - SYSTEM AND CONTEMPORARY GLOBAL SOCIETY www.academy.edu.gr 163 de Tillia tepe et celui de Begram ; 2010, « Gandhara, terre de rencontre », antiquités du Pakistan. Grâce à Foucher, en effet, le musée Guimet à Paris est le seul à pouvoir présenter l’ancien Gandhara, au sens de Pes- hawar (actuel Pakistan), à côté des pièces provenant de l’autre côté de la frontière, en territoire afghan, fai- sant le lien avec les collectons exhumées en Chine par la .mission Pelliot Elles montrent la diffusion sur la « route de la soie » d’un art bouddhique mêlé d’influences helléniques, du moins à ses débuts, uploads/Geographie/ 01-11-pr-al.pdf

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