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Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée A. Huetz de Lemp

Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée A. Huetz de Lemps - Boissons et civilisations en Afrique, 2001 Yves Monnier Citer ce document / Cite this document : Monnier Yves. A. Huetz de Lemps - Boissons et civilisations en Afrique, 2001. In: Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 41ᵉ année, bulletin n°2,1999. pp. 291-292; https://www.persee.fr/doc/jatba_0183-5173_1999_num_41_2_3722_t1_0291_0000_1 Fichier pdf généré le 02/05/2018 JATBA, Revue d'ethnobiologie, 1999, vol. 41 (2) : 291-292 COMPTE-RENDU DE LECTURE A. HUETZ DE LEMPS - Boissons et civilisations en Afrique, 2001, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux. 658 p., [16] p. de pi. : ill., cartes. Alain Huetz de Lemps vient de signer aux Presses Universitaires de Bordeaux dans la collection Grappes et Millésimes une brillante synthèse sur la géographie des boissons, thème trop souvent considéré comme un simple rameau de la géographie alimentaire. « Cet ouvrage, nous dit l'auteur, est un essai de géographie culturelle : géographie parce que nous nous sommes particulièrement attaché à mettre en lumière les problèmes liés à l'extension spatiale des différentes boissons ; culturelle parce que la boisson représente un élément essentiel des civilisations africaines ». Boissons et Civilisations en Afrique, bel ouvrage de 658 pages enrichi d'une iconographie particulièrement soignée - 61 illustrations (photos, dessins, cartes) en noir et blanc et 31 illustrations en couleur dont une carte synthétique sur la distribution des principales boissons sur le continent africain - vient enrichir les grands travaux de synthèse sur l'Afrique et paraît à un moment particulièrement opportun. C'est à la fois un inventaire des boissons traditionnelles et une excellente approche des nouvelles boissons. Si celles-ci, aujourd'hui, s'ajoutent aux premières, elles risquent avec le temps de les détrôner. Il était donc urgent de faire le point sur cette question. Le plan de l'ouvrage est simple. Dans l'introduction l'auteur expose son projet, fixe les limites de son enquête et donne quelques clés de lecture; il précise également que l'eau est exclue de cette étude. Le développement s'articule en huit parties traitant chacune d'un grand type de boisson : 51 pages sont réservées pour les boissons tirées du monde animal, boissons élaborées à partir du miel, le lait et le sang, 89 pages sont consacrées aux bières de céréales traditionnelles, 66 pages aux vins de palme, 46 pages font le point sur des boissons artisanales variées, l'article indéfini confirmant les réserves émises dans l'introduction, avec un chapitre essentiel sur les bières de bananes, 118 pages sont consacrées au vin de la vigne, 106 pages aux eaux de vie, 56 pages portent sur le café et le thé et enfin les 37 dernières pages traitent de l'invasion des boissons industrielles, bières et sodas. La conclusion ouvre le débat sur la bataille des boissons dont l'issue est incertaine. « II faut espérer, nous dit l'auteur, que le triomphe de la bière industrielle et du Coca Cola n'aboutira pas à la disparition complète de boissons qui font partie du patrimoine culturel des populations africaines ». On est loin de cet inventaire abrupt qu'une géographie des boissons aurait pu être. C'est au contraire une grande randonnée à travers l'Afrique d'hier et d'aujourd'hui, un formidable ouvrage de référence «bourré» d'informations, de notations, de commentaires rapportés par près de mille auteurs ou voyageurs anciens et contemporains. C'est précisément la densité et la richesse de ces témoignages qui Y. MONNIER donnent à ce livre tout son relief et toute sa valeur. Le soin avec lequel les citations ont été choisies, la qualité de l'écriture, le style enlevé de certains passages, tout cela contribue a rendre la lecture vivante et agréable. Il est vrai qu'un tel thème ne conduit pas à la morosité. Piliers de bars, filles de petite vertu, alcooliques parce qu'on a les moyens de l'être ou alcooliques parce que c'est le seul luxe que l'on peut s'offrir, fêtards réguliers ou anecdotiques, promènent leur soif et leur silhouette vacillante à côté des fantômes des trafiquants d'esclaves noirs ou blancs ivres d'alcool et de honte, des marins buvant plus que de raison pour échapper à la maladie ou à l'ennui et des princes noirs mithridatisés par l'alcool de la traite comme ce vieux roi Forday rencontré par les frères Lander en 1830 dans la basse vallée du Niger « qui but en notre présence une immense quantité de rhum, sans que ses manières ou sa conversation sans ressentissent le moins du monde ». Véritable anthologie, ce livre dont une des vertus est de nous réapprendre l'histoire et la géographie de l'Afrique, installe la boisson dans le quotidien des populations au lieu de la confiner dans le rôle muet d'un objet observé même scientifiquement. L'ouvrage met en relation les types de boissons et les paysages géographiques (bananeraies, vignobles, plantations de café et de thé) et sociologiques (gens des villes et gens des campagnes, riches et pauvres, animistes, chrétiens juifs et musulmans...) correspondants. Les modes de production de la matière première d'où sera tirée la boisson renvoient à des techniques et à des outils et participent au façonnement des paysages. Alain Huetz de Lemps a réussi cette gageure de nous donner un précieux condensé de quelques grandes civilisations d'Afrique en précisant toutes les fois que cela est possible les contraintes du milieu et les limites de l'économie. C'est ainsi qu'il accorde une place importante au problème du combustible dans la fabrication de la bière de céréales (page 197 et 135), et à la dévastation des palmeraies à propos des vins de palme (page 176 et 211). Alain Huetz de Lemps riche de son expérience et de sa grande érudition nous accompagne et nous guide avec intelligence dans ce grand voyage à travers une Afrique riche de sa diversité ethnique et religieuse. Après avoir décrit la multiplicité des paysages comme des comportements humains, l'auteur met en relation types de boissons et religions. Il dessine à grands traits les contours de la nouvelle carte de distribution des boissons en Afrique en intégrant dans son discours l'expansion de l'Islam entraînant systématiquement le recul des boissons fermentées et alcoolisées. Il entrevoit enfin les conséquences de la pénétration de plus en plus forte des boissons industrielles d'origine étrangère sur la terre d'Afrique. Mine de documents et source de réflexion, Boissons et Civilisations en Afrique avec son index des boissons et des matières et son index des auteurs et des personnes est un incontournable outil de travail pour le chercheur et l'universitaire et un classique de l'Afrique pour l'homme cultivé. Yves MONNIER. 292 uploads/Geographie/ a-huetz-de-lemps-boissons-et-civilisations-en-afrique-2001.pdf