Aegyptio-Graphica II. Le Scorpion, ses hiéroglyphes et ses mots. Alain Anselin
Aegyptio-Graphica II. Le Scorpion, ses hiéroglyphes et ses mots. Alain Anselin English Abstract. The study of the earliest Egyptian iconography of the scorpion shows it as a royal figure of the pharaonic “bestiaire”. According to its cultural status, historical data of kings names from royal lists, and rigorous etymological researches, the author investigates the three principal Egyptian words which name the royal arachnid, and proposes a new reading for the denomination of the first predynastic kings associated with the figure of scorpion as emblem. Un hapax rupestre du Messak Yves et Christine Gauthier ont publié en 2005 un curieux exemplaire, jusqu’ici unique, de rupestre saharien, relevé sur les parois des rochers de l’oued Imataweret, dans le Messak (Y.Gauthier & C.Gauthier,2004,83-84). Il s’agit du dessin, horizontal, d’un scorpion. Les deux auteurs commentent ainsi la gravure : ! "# $% &% " '# La taille relative de l’arachnide, précédant un oiseau et un quadrupède, peut-être un boviné, peut- être un fauve, l’ambiguïté du dessin de l’oiseau, une autruche, avec un bec d’ibis ou de flamant, oiseaux peu courants dans le Messak, tout est ici curieux. Le scorpion apparaît comme égaré, sa datation incertaine. Les auteurs ne donnent pas d’indication permettant de dire si l’oiseau, le quadrupède et le scorpion sont contemporains. Le scorpion est attesté sur des artefacts prédynastiques dès le milieu du IV° millénaire BC. Notamment le vase décoré de Gebelein (?) du Musée de Berlin (S.Hendrickx,2002,34) où le sémogramme du scorpion répété domine une file de quatre oiseaux à bec de flamant et une file de quatre girafes. Et Stan Hendrickx a relevé l’ambiguïté de l’oiseau des Vases Decorated du Nagada II C-D, combinant flamant et autruche (S.Hendrickx,2000,21-52). $ ( (")*+ , - . -.. /0% 1 0 2! 34 4//, 3 0 356-)7///0+ # Il apparaît aussi bien sur les décors de la White- lined pottery que sur des épaules de jarres Decorated plus tardives : «Scorpion occurs on white-lined pottery, xvi,6r of 34 or earlier, and on late Decorated D 78 c f of about 65. It is not found as an amulet before about 70, and occurs at the beginning of the First Dynasty, IX, 46 (Tarkhan II, 1438, S.D.79 and 80 in 1528). It was the name, or title, of a pre-Menite king, and commonly found at Hierakonpolis in this connection... » (W.M.F.Petrie,1900,14). Il commande les dispositifs iconographiques, végétaux des Domaines ( ?), montagnes des «Pays étrangers», c'est-à-dire savanes semi-désertiques riveraines et voisines de la Vallée – ou s’y tient au centre. Il apparaît sur des palettes, par exemple, la Palette d’El Umari, publiée par Francesco Rafaele sur son site Early Predynastic, met en scène un Faucon en face d’un Fauve tacheté. Il a pour attributs une accolade, plurielle, de trois scorpions. L’arachnide qualifie cette fois le sujet, à savoir le Faucon. + 8 9 ! :22 # Le rupestre du Djebel Tauti, en Haute Egypte, associe un scorpion et un faucon – dans une superposition inverse de celle des étiquettes des poteries de la tombe Uj d’Abydos au Nagada IIIA1 (R.Friedman & S.Hendrickx, 2003,95- 109). % 3;< = :! & > ?" 7# 8 @ A <9; <4 %34())6# Toutes les graphies du scorpion sont horizontales, chtoniennes, jamais verticales à la manière d’orants tournés vers les espaces célestes. La graphie à l’encre du scorpion à flanc de jarre est elle aussi horizontale. Le Scorpion est associé au Bassin, qu’il gouverne, ou au Faucon, superposé au Djebel Tauti, souscrit sur les étiquettes de la tombe Uj. La tentation de comparer l’hapax du Messak et l’iconographie prédynastique qui court de 3600 BC à 3100 BC est grande. Le libellé rupestre du Messak associe un sujet et ses attributs, un leader, surdimensionné, et des suivants – à la manière de Narmer associé à une accolade de trois registres qui le qualifient sur sa célèbre palette de schiste. Toutefois, sur la gravure de l’Oued Imataweret, les exemplaires des « suivants » sont uniques et ne constituent pas des files. Et le dessin également horizontal du scorpion lui-même ne l’oppose ni ne le superpose aux autres éléments du bestiaire de la culture qui inspira ou grava ces rupestres. Au plan du graphisme, une certitude, le scorpion du Messak et les scorpions prédynastiques égyptiens sont tous horizontaux, ce qui les distingue des exemplaires, verticaux, attestés en Asie à la même époque. Au plan chronologique, le thème du scorpion est très ancien en Asie, ca 3200 BC (impression de sceau de Suse II (E. De Gregorio Torrado,2003,37 ; E.J. Baumgartel,1955,84), décor d’une pièce de Jemdet Nasr (H.Field & R.A.Martin,1935,316,pl. XXXI). La figure mésopotamienne du Scorpion connaît des antécédents dans la culture pré-sumérienne d’Aratta -le site est actuellement fouillé par une équipe irano- allemande en Iran en face du Cap d’Oman- et où transite un trafic de minéraux, dont le lapis afghan. Au plan de l’anthropologie culturelle, la caractérisation de l’arachnide dans la glyptique mésopotamienne développe en figure achevée de l’homme-scorpion celle du scorpion-atlante «porteur de corps célestes». «Rôle difficilement conciliable avec son caractère chtonien et le symbolisme de fécondité qui lui est traditionnellement attribué « … » («le scorpion, associé à la déesse Isara, figure dans des scènes érotiques «d’agaceries nuptiales» sur des cylindres plus tardifs, d’époque néo-sumérienne (P.Amiet, 1980,133-134). Incontestablement le scorpion est aussi chez lui dans l’univers susien. Au delà des ressemblances imputables à l’identité du référent tant en Asie qu’en Egypte, le sémogramme du scorpion reçoit une place différente dans l’agencement écologique de chacune des deux cultures. Atlante de la voûte céleste ici, divinité chtonienne et/ou figure royale là, d’une part. Place dans le bestiaire, d’autre part. En effet, un trait remarquable de la figure du scorpion dans la culture égyptienne est que cet arachnide entre dans la même catégorie que les siluridae dans le bestiaire du pouvoir. Silures et scorpions portent les mêmes noms : w , synodonte et w .t, scorpion (Wb I 351,1- 8), sr .t est le scorpion (Wb IV 204,1-3), et les clarias anguillaris, «les poissons sr (y)w sont les suivants et les protecteurs du soleil défunt, c’est à dire du roi» (J-C. Goyon,1985,I,272). Bref, le scorpion est un silure de terre, le silure un scorpion d’eau que rapprochent leur agressivité et les décharges brûlantes, perçantes qu’ils administrent. L’hétérobranchus longifilis, le silure n r, entre dans le basilonyme de Narmer (I.Gamer- Wallert,1970,24,111;A. Anselin,1998,5-58) - une proximité analogique qui éclaire en retour celle de Scorpion II et de Narmer, selon une manière ancienne et active de penser et de catégoriser le monde. Dans tous les cas de figure, les deux basilonymes du Scorpion et du Silure émargent au bestiaire solaire de la culture égyptienne – on observera que le scorpion est aussi associé à une autre figure du bestiaire solaire, la girafe sur les Vases Decorated du Nagada II D. De ce point de vue, Scorpion II et Narmer sont caractérisés soit par une identité, soit par une continuité étroite de leur emploi métaphorique. Soit ils se confondent dans une figure unique sous des dénominations équivalentes, soit le second continue le premier au plus près de ses attributs. Les noms du scorpion et leurs graphies prédynastiques Notons d’abord avec Alain Delattre que «le nom sémitique de l’arachnide», ‘aqraba, «n’apparaît pas en égyptien» (A.Delattre,2003,171-173). Il a cependant des cognats identifiés par Alexander Militarev au-delà du domaine sémitique : * a rab, scorpion, ougaritique : rab, et est attesté en burji (couchitique) : orbur-o (A. Militarev & L.Kogan, 2000, SED n°31). L’égyptien recourt à trois mots. Deux des zoonymes qualifient l’arachnide, dont le nom dérive de sa qualité au regard de ceux qui le nomment. Le premier mot égyptien qualifie l’arachnide et un poisson, sr .t scorpion (Wb IV 204,1-3) < *respiration (coupée, brûlée), sr petrocephalus bane, nom d’un génie (Wb IV 201-204). C’est aussi, on l’a vu, le nom que l’égyptien donne à des silures comme le clarias anguillaris, sr y, en copte : , le “poisson-scorpion”, une des “incarnations d’Atoum-Rê” des textes de Basse Epoque. La variante : s , met en évidence la valeur de / / = /r/(Wb IV 204,20). , sr .t, c’est enfin le nom de la déesse «Selkis», cette fois dotée du déterminatif vertical du scorpion. Werner Vycichl rapproche tour à tour le mot du sémitique srq, respirer (W.Vycichl,1959,39), et de l’arabe salaq, transpercer (W.Vycichl, 1990, 59), mais le mot pourrait être tout aussi bien simplement un causatif : sr , (faire) respirer (Wb IV 201-203,10) construit sur une racine *r- . Dans le même ordre d’idées, écrit avec le uploads/Geographie/ aegyptio-graphica-ii-le-scorpion-ses-hieroglyphes.pdf
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- Publié le Apv 09, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
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