Travaux de la Maison de l'Orient méditerranéen Une carte du monde à l'époque d'

Travaux de la Maison de l'Orient méditerranéen Une carte du monde à l'époque d'Auguste : Manilius, Astronomiques IV, 585-817 Madame Josèphe-Henriette (Joette) Abry Résumé La géographie astrologique sur laquelle s'achève le chant IV des Astronomiques est un sujet souvent traité par les astrologues : les différentes parties de la terre habitée sont placées sous la tutelle des signes du zodiaque. Toutefois l'originalité et l'importance du texte de Manilius tiennent à ce qu'il livre une description complète, la première que nous possédons en latin, de l'orbis terrarum et, en modifiant subtilement le système, il justifie l'histoire de Rome et sa mission politique par l'influence des astres. Citer ce document / Cite this document : Abry Josèphe-Henriette (Joette). Une carte du monde à l'époque d'Auguste : Manilius, Astronomiques IV, 585-817. In: L’Espace et ses représentations. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 2000. pp. 83-106. (Travaux de la Maison de l'Orient méditerranéen, 32); https://www.persee.fr/doc/mom_1274-6525_2000_sem_32_1_1908 Fichier pdf généré le 03/05/2018 L'espace et ses représentations TMO 32, Maison de l'Orient, Lyon, 2000 UNE CARTE DU MONDE A L'EPOQUE D'AUGUSTE MANILIUS, ASTRONOMIQUES, IV, 585-817 * Josèphe-Henriette ABRY RESUME La géographie astrologique sur laquelle s'achève le chant IV des Astronomiques est un sujet souvent traité par les astrologues : les différentes parties de la terre habitée sont placées sous la tutelle des signes du zodiaque. Toutefois l'originalité et l'importance du texte de Manilius tiennent à ce qu 'il livre une description complète, la première que nous possédons en latin, de /'orbis terrarum et, en modifiant subtilement le système, il justifie l'histoire de Rome et sa mission politique par l'influence des astres. À la fin du chant IV des Astronomiques, Manilius traite une question courante dans les traités d'astrologie : la chorographie zodiacale, c'est-à-dire le système qui place les différentes parties de la terre sous la protection des astres, sous leur tutelle : diuersis dominantia sidéra terris I percipe, IV, 585 l. Ce chapitre appartient à la partie de l'astrologie dite apotélesmatique universelle 2, celle qui s'occupe du destin non pas des individus, mais des peuples, des nations prises dans leur ensemble : les événements futurs sont annoncés par des phénomènes célestes, comètes ou éclipses et, selon le secteur du ciel où se produit une éclipse, selon l'endroit où apparaît une comète, telle ou telle partie de la terre sera affectée par un événement, le plus souvent funeste (épidémie, peste, inondation ou sécheresse, guerre ou mort d'un roi). * Remerciements : Élaboré au cours de l'hiver 1994-1995 lors d'un séjour d'études à l'université de Heidelberg à l'initiative du Professeur H. -A. Gärtner, puis dans le cadre du séminaire L'espace et ses représentations sous la responsabilité d' A. Bonnafé, de J.-C. Decourt et B. Helly, ce travail a ensuite fait l'objet d'une communication à l'université de Florence lors de la journée Terra e cielo nell'Antichità organisée en mars 1997 par les Professeurs R. Caldini Montanari et Bianchetti (publié dans Sileno 23, 1997, p. 31-47). Grâce à A. Buisson (pour les cartes) et au service des publications de la Maison de l'Orient Méditerranéen il trouve enfin sa forme définitive. Que tous en soient remerciés et qu'il soit permis de le dédier à la mémoire du Professeur V. Pöschl qui avait bien voulu s'intéresser à cette recherche. 1. Manilius, Astronomica, édition avec traduction anglaise par G. P. Goold, 1977, Lœb (Goold1) ; le texte adopté dans l'édition Teubner (1985, Goold 2) est identique. Poème didactique en cinq chants, les Astronomiques traitent de la connaissance du ciel et des astres, le chant I formant une introduction astronomique et philosophique au manuel d'astrologie versifiée que sont les chants II à V. Il a paru bon d'éditer en appendice une traduction française qui repose sur le texte de Goold 2, en attendant l'édition en préparation pour la CUF. 2. Dite aussi astrologie mondaine ou encore catholique ; sur cette question, v. A. Bouché-Leclercq, 1899, 19632, L'Astrologie grecque, Paris, réimpr. Bruxelles, chap. XI, p. 326-371 ; H. -G. Gundel, 1972, RE X A, s. v. « Zodiakos », col. 573-576. 84 J.-H. ABRY La nature de l'événement dépend de la nature du phénomène, le secteur du ciel indique le peuple, la région de la terre qui sera concernée mais aussi le groupe (humains ou animaux) qui sera affecté. On peut aussi déterminer la date et la durée de l'événement 3. La géographie astrologique des vers IV, 585-817 précède le développement sur les signes où se produisent les éclipses (818-865, ecliptica signa) : il y a donc un lien logique très manifeste entre les deux derniers chapitres « techniques » que Manilius a réservés pour la fin du chant IV. Toute géographie est une représentation du monde, à la fois héritage des conceptions ou des représentations antérieures et reflet, plus ou moins conforme, des connaissances contemporaines. Les astrologues, eux aussi, héritent d'une tradition, ils adaptent les idées qui circulent autour d'eux. Mais leur représentation a ceci de particulier qu'elle ne vise pas à décrire le monde, c'est-à-dire la réalité terrestre : elle donne une image de la terre qui est, elle-même, l'image du ciel. Ils dressent en fait deux cartes symétriques et complémentaires, celle de la terre et celle du ciel : il s'agit de rendre compte de la réalité en faisant apparaître les traits qui unissent les deux planches du diptyque, la réalité céleste latente sur terre. Ils superposent plusieurs dessins, plusieurs schémas qu'il faut déchiffrer pour expliquer les liens, les correspondances qui existent entre terre et ciel. Toutefois, la chorographie zodiacale des Astronomiques se distingue des autres textes en ceci que, avant de dresser la carte astrologique - terre et ciel symétriques -, Manilius décrit d'abord l'ensemble du monde connu, la configuration générale de Yoikoumène dans un long excursus de cent dix vers, suivi d'une ethnographie en trente-deux vers. Dans l'économie générale du poème, cela peut sembler être une digression destinée à préparer la chorographie et il faut bien dire que c'est la carte « géographique » qui accompagne la carte proprement « astrologique » et non l'inverse. Mais l'intérêt de cet ensemble tient d'abord à la continuité qui le lie aux autres développements scientifiques du poème : cette représentation du monde s'inscrit dans une trame générale, par rapport à laquelle elle doit être appréciée. De plus, nous avons là la première description complète qui nous soit parvenue en langue latine de Yorbis terrarum 4 antérieure à Pline et à Pomponius Mêla ; son importance tient aussi à la date à laquelle a été composé le chant IV des Astronomiques : très vraisemblablement l'année ou les derniers mois avant la mort d'Auguste, soit 13/14 ap. J.-C. Le texte est donc exactement contemporain de l'œuvre de Strabon (64/63 av. J.-C. - 23 ap. J.-C.) qui rédige les dix-sept livres de sa Géographie dans la deuxième moitié de sa vie ; il suit d'une bonne vingtaine d'années la carte du monde dont Agrippa avait réuni les éléments avant sa mort (12 av. J.-C.) et qu'Auguste acheva ensuite. Enfin ce texte précède de quelques mois la publication du testament d'Auguste lui-même, les Res Gestae, qui sont un bilan politique, un inventaire de l'état du monde tel qu'Auguste le laisse à la fin de son Principat. Ainsi la carte du monde du poète Manilius s'inscrit-elle dans un ensemble, qui comprend le travail scientifique de Strabon, le document cartographique et administratif d'Agrippa et le testament politique d'Auguste. Son importance tient enfin à ce que les deux, carte géographique et carte astrologique, inséparables l'une de l'autre, offrent au poète l'occasion de définir, au tout début de l'Empire, la mission que la géographie, l'histoire et le destin ont assignée à Rome. 3 . Tout cela est expliqué en détail par Ptolémée dans la Tétrabible, F. Boll et JE. Boer éds, 1954, Leipzig / Claudio Tolomeo, Le previsioni astrologiche (Tetrabiblos), S. Feraboli éd., 1985, Valla : le livre II, consacré à l'apotélesmatique universelle, commence par un exposé ethnographique (II, 2) suivi de la carte astrologique (II, 3 et 4) ; Ptolémée détaille ensuite le lieu (II, 6), le temps (χρονικόν II, 7), les êtres concernés (γενικόν II, 8), la qualité de l'événement (ποιότης II, 9). Les chapitres II, 1 à 4, ont été étudiés tout dernièrement par G. Aujac, 1993, Claude Ptolémée, astronome, astrologue, géographe. Connaissance et représentation du monde habité, éditions du CTHS, Paris, p. 69-105, et traduction p. 283-304. 4. Sur les débuts de la géographie à Rome et les textes disparus, ν. Κ. G. Sallmann, 1971, Die Geographie des Älteren Plinius in ihrem Verhältnis zu Warm, Versuch einer Quellenanalyse, Berlin-New York, W. de Gruyter, en particulier sur les œuvres perdues d'Hygin, de Vairon d'Atax (dont la Chorographie, poème didactique en hexamètres, a pu influencer notre texte), p. 35-39, et sur les œuvres de Vairon de Réate, p. 9-20. « C'est un fait que pour nous, la géographie latine - conservée - commence avec Pline et Mêla », C. Nicolet, 1988, L'inventaire, Paris, p. 250, n. 32. MANILIUS, ASTRONOMIQUES, IV 85 Le texte, structure et composition Deux remarques préalables : les astrologues anciens donnent, le uploads/Geographie/ carte-du-monde-a-l-x27-epoque-d-x27-auguste-manilius-astronomiques-iv-585-817.pdf

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