De quoi l’amour est-il le nom dans Andromaque ? Acte I, sc. 1 ORESTE Hélas ! qu
De quoi l’amour est-il le nom dans Andromaque ? Acte I, sc. 1 ORESTE Hélas ! qui peut savoir le destin qui m’amène ? L’amour me fait ici chercher une inhumaine. Mais qui sait ce qu’il doit ordonner de mon sort, Et si je viens chercher ou la vie ou la mort ? PYLADE Quoi ? votre âme à l’amour en esclave asservie Se repose sur lui du soin de votre vie ? Par quel charme, oubliant tant de tourments soufferts, Pouvez-vous consentir à rentrer dans ses fers ? Pensez-vous qu’Hermione, à Sparte inexorable, Vous prépare en Épire un sort plus favorable ? Honteux d’avoir poussé tant de vœux superflus, Vous l’abhorriez ; enfin vous ne m’en parliez plus. Vous me trompiez, Seigneur. ORESTE Je me trompais moi-même ! Ami, n’accable point un malheureux qui t’aime. T’ai-je jamais caché mon cœur et mes désirs ? Tu vis naître ma flamme et mes premiers soupirs. Enfin, quand Ménélas disposa de sa fille En faveur de Pyrrhus, vengeur de sa famille, Tu vis mon désespoir ; et tu m’as vu depuis Traîner de mers en mers ma chaîne et mes ennuis. Je te vis à regret, en cet état funeste, Prêt à suivre partout le déplorable Oreste, Toujours de ma fureur interrompre le cours, Et de moi-même enfin me sauver tous les jours. Mais quand je me souvins que parmi tant d’alarmes Hermione à Pyrrhus prodiguait tous ses charmes, Tu sais de quel courroux mon cœur alors épris Voulut en l’oubliant punir tous ses mépris. Je fis croire et je crus ma victoire certaine ; Je pris tous mes transports pour des transports de haine. Détestant ses rigueurs, rabaissant ses attraits, Je défiais ses yeux de me troubler jamais. Voilà comme je crus étouffer ma tendresse. En ce calme trompeur j’arrivai dans la Grèce, Et je trouvai d’abord ses princes rassemblés, Qu’un péril assez grand semblait avoir troublés. J’y courus. Je pensai que la guerre et la gloire De soins plus importants rempliraient ma mémoire ; Que mes sens reprenant leur première vigueur, L’amour achèverait de sortir de mon cœur. Mais admire avec moi le sort dont la poursuite Me fit courir alors au piège que j’évite. J’entends de tous côtés qu’on menace Pyrrhus ; Toute la Grèce éclate en murmures confus ; On se plaint qu’oubliant son sang et sa promesse Il élève en sa cour l’ennemi de la Grèce, Astyanax, d’Hector jeune et malheureux fils, Reste de tant de rois sous Troie ensevelis. J’apprends que pour ravir son enfance au supplice Andromaque trompa l’ingénieux Ulysse, Tandis qu’un autre enfant, arraché de ses bras, Sous le nom de son fils fut conduit au trépas. On dit que peu sensible aux charmes d’Hermione Mon rival porte ailleurs son cœur et sa couronne. Ménélas, sans le croire, en paraît affligé, Et se plaint d’un hymen si longtemps négligé. Parmi les déplaisirs où son âme se noie, Il s’élève en la mienne une secrète joie : Je triomphe ; et pourtant je me flatte d’abord Que la seule vengeance excite ce transport. Mais l’ingrate en mon cœur reprit bientôt sa place : De mes feux mal éteints je reconnus la trace ; Je sentis que ma haine allait finir son cours, Ou plutôt je sentis que je l’aimais toujours. Ainsi de tous les Grecs je brigue le suffrage. On m’envoie à Pyrrhus ; j’entreprends ce voyage, Je viens voir si l’on peut arracher de ses bras Cet enfant dont la vie alarme tant d’États. Heureux si je pouvais, dans l’ardeur qui me presse, Au lieu d’Astyanax, lui ravir ma princesse ! Car enfin n’attends pas que mes feux redoublés Des périls les plus grands puissent être troublés. Puisque après tant d’efforts ma résistance est vaine, Je me livre en aveugle au destin qui m’entraîne. J’aime : je viens chercher Hermione en ces lieux, La fléchir, l’enlever, ou mourir à ses yeux. […] Acte II, sc. 5 PHOENIX Vous aimez : c’est assez. PYRRHUS Moi, l’aimer ? une ingrate Qui me hait d’autant plus que mon amour la flatte ? Sans parents, sans amis, sans espoir que sur moi ; Je puis perdre son fils, peut-être je le doi ; Étrangère… que dis-je ? esclave dans l’Épire, Je lui donne son fils, mon âme, mon empire, Et je ne puis gagner dans son perfide cœur D’autre rang que celui de son persécuteur ! Non, non, je l’ai juré, ma vengeance est certaine : Il faut bien une fois justifier sa haine, J’abandonne son fils. Que de pleurs vont couler ! De quel nom sa douleur me va-t-elle appeler ! Quel spectacle pour elle aujourd’hui se dispose ! Elle en mourra, Phoenix, et j’en serai la cause. C’est lui mettre moi-même un poignard dans le sein. PHOENIX Et pourquoi donc en faire éclater le dessein ? Que ne consultiez-vous tantôt votre faiblesse ? PYRRHUS Je t’entends. Mais excuse un reste de tendresse. Crains-tu pour ma colère un si faible combat ? D’un amour qui s’éteint c’est le dernier éclat. Acte IV, scène 1 (Andromaque à Céphise) […] Je vais donc, puisqu’il faut que je me sacrifie, Assurer à Pyrrhus le reste de ma vie ; Je vais, en recevant sa foi sur les autels, L’engager à mon fils par des nœuds immortels. Mais aussitôt ma main, à moi seule funeste, D’une infidèle vie abrégera le reste, Et sauvant ma vertu, rendra ce que je doi À Pyrrhus, à mon fils, à mon époux, à moi. Voilà de mon amour l’innocent stratagème, Voilà ce qu’un époux m’a commandé lui-même ; J’irai seule rejoindre Hector et mes aïeux. Céphise, c’est à toi de me fermer les yeux. CÉPHISE Ah ! ne prétendez pas que je puisse survivre… ANDROMAQUE Non, non, je te défends, Céphise de me suivre. Je confie à tes soins mon unique trésor. Si tu vivais pour moi, vis pour le fils d’Hector. De l’espoir des Troyens seule dépositaire, Songe à combien de rois tu deviens nécessaire. Veille auprès de Pyrrhus ; fais-lui garder sa foi : S’il le faut, je consens qu’on lui parle de moi ; Fais-lui valoir l’hymen où je me suis rangée, Dis-lui qu’avant ma mort je lui fus engagée, Que ses ressentiments doivent être effacés, Qu’en lui laissant mon fils, c’est l’estimer assez. Fais connaître à mon fils les héros de sa race, Autant que tu pourras, conduis-le sur leur trace : Dis-lui par quels exploits leurs noms ont éclaté, Plutôt ce qu’ils ont fait que ce qu’ils ont été ; Parle-lui tous les jours des vertus de son père ; Et quelquefois aussi parle-lui de sa mère. Mais qu’il ne songe plus, Céphise, à nous venger : Nous lui laissons un maître, il le doit ménager. Qu’il ait de ses aïeux un souvenir modeste : Il est du sang d’Hector, mais il en est le reste ; Et pour ce reste enfin j’ai moi-même, en un jour, Sacrifié mon sang, ma haine, et mon amour. Acte IV, scène 5 (Pyrrhus à Hermione) […] J’épouse une Troyenne. Oui, Madame, et j’avoue Que je vous ai promis la foi que je lui voue. Un autre vous dirait que dans les champs troyens Nos deux pères sans nous formèrent ces liens, Et que sans consulter ni mon choix ni le vôtre, Nous fûmes sans amour engagés l’un à l’autre ; Mais c’est assez pour moi que je me sois soumis. Par mes ambassadeurs mon cœur vous fut promis ; Loin de les révoquer, je voulus y souscrire : Je vous vis avec eux arriver en Épire, Et quoique d’un autre œil l’éclat victorieux Eût déjà prévenu le pouvoir de vos yeux, Je ne m’arrêtai point à cette ardeur nouvelle ; Je voulus m’obstiner à vous être fidèle : Je vous reçus en reine, et jusques à ce jour J’ai cru que mes serments me tiendraient lieu d’amour. Mais cet amour l’emporte, et par un coup funeste, Andromaque m’arrache un cœur qu’elle déteste. L’un par l’autre entraînés, nous courons à l’autel Nous jurer malgré nous un amour immortel. Après cela, Madame, éclatez contre un traître, Qui l’est avec douleur, et qui pourtant veut l’être. Pour moi, loin de contraindre un si juste courroux, Il me soulagera peut-être autant que vous. Donnez-moi tous les noms destinés aux parjures : Je crains votre silence, et non pas vos injures ; Et mon cœur, soulevant mille secrets témoins, M’en dira d’autant plus que vous m’en direz moins. Acte V, scène 1 (monologue d’Hermione) Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ? Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ? Errante et sans dessein je cours dans ce palais. Ah ! ne puis-je savoir si j’aime ou si je hais ? Le cruel ! de quel œil il m’a congédiée ! Sans pitié, sans douleur au moins étudiée ! L’ai-je vu se troubler et me plaindre un moment ? En ai-je pu tirer un seul gémissement ? Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes, Semblait-il seulement qu’il eût part à mes larmes uploads/Geographie/ corpus-andromaque-amour.pdf
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- Publié le Apv 17, 2021
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