Le processus de Kimberley de certification des diamants bruts : un modèle pour
Le processus de Kimberley de certification des diamants bruts : un modèle pour le commerce des ressources naturelles ? Claire Debucquois CRIDHO Working Paper 2011/3 Université catholique de Louvain Faculté de droit Centre de philosophie du droit Cellule de recherche interdisciplinaire en droits de l’homme http://cridho.uclouvain.be/ 2 La Cellule de recherche interdisciplinaire en droits de l'homme (CRIDHO) a été constituée au sein du Centre de philosophie du droit, Institut extra- facultaire de l'Université catholique de Louvain, par des chercheurs soucieux de réfléchir le développement contemporain des droits fondamentaux à l'aide d'outils d'autres disciplines, notamment l'économie et la philosophie politique. La CRIDHO travaille sur les rapports entre les mécanismes de marché et les droits fondamentaux, aussi bien au niveau des rapports interindividuels qu'au niveau des rapports noués entre Etats dans le cadre européen ou international. CRIDHO Working Papers Tous droits réservés. Aucune partie de ce document ne peut être publiée, sous quelque forme que ce soit, sans le consentement de l’auteur. The Interdisciplinary Research Cell in Human Rights (CRIDHO) has been created within the Centre for Legal Philosophy (CPDR), an extra-department Institute of the University of Louvain, by scholars seeking to understand the development of fundamental rights by relying on other disciplines, especially economics and political philosophy. The CRIDHO works on the relationship between market mechanisms and fundamental rights, both at the level of interindividual relationships as at the level of the relationships between States in the European or international context. CRIDHO Working Papers All rights reserved No part of this paper may be reproduced in any form without consent of the author 3 Le processus de Kimberley de certification des diamants bruts : un modèle pour le commerce des ressources naturelles ? Claire Debucquois INTRODUCTION « 70 % de tous les diamants du monde proviennent d’Anvers. Ici vous croiserez des couples originaires de tous les pays du monde qui sont à la recherche de leur ultime bague de fiançailles. Ils viennent tous à Anvers, le Centre Mondial du Diamant, afin d’y célébrer un des plus beaux moments de leur vie »1. En Sierra Leone, en Angola et ailleurs en Afrique, la guerre fait rage, les villages sont à feu et à sang. Des rebelles armés de machettes posent la question cruelle : Long sleeve or short sleeve ?, avant d’amputer mains et morceaux de bras en ricanant : We take your hands. No hands, no voting2. Cet espace qui sépare le doigt bagué de l’heureuse fiancée et la main perdue du garçon de douze ans, dans lequel se déploie une horreur sans nom, se voit dénoncé en 1998 par deux organisations non gouvernementales, dans leur rapport intitulé A rough trade3. Ce document met en lumière les liens nouant le trafic de diamants bruts au financement des conflits armés, et plus particulièrement aux activités des mouvements rebelles en Afrique de l’Ouest lors de la décennie antérieure4. 1 Voy. les nombreuses descriptions publicitaires sur le site http://www.diamondland.be/fr 2 Cf. http://www.dreamsofafrica.org/Victims.htm 3 Rapport déposé le 1er décembre 1998, réalisé par les ONG Partenariat Afrique Canada et Global Witness. Voy. http://www.globalwitness.org/media_library_detail.php/90/en/a_rough_trade 4 En effet, le trafic de ces pierres précieuses alimentait les activités des rebelles, leur permettant de soutenir le feu face aux gouvernements en place (cf. infra). Voy. not. à ce sujet D. DESCHENES, Y. MONDY, « Le conflit en Sierra Leone : les diamants du sang », Le maintien de la paix, Bulletin n°52, Institut québécois des hautes études internationales et Université Laval, avril 2001 ; E. DUPIN, « Guerre du diamant en Sierra Leone », Libération, 17 mai 2000 ; A. PEREZ, « Guerre et diamants en Sierra Leone », Le Monde Diplomatique, juin 2000 ; N. SHAXSON, « Noces de diamant entre De Beers et la rébellion angolaise », Courrier International, n°427, janvier 1999 ; C. WAUTHIER, « L’ONU, l’Afrique et ses diamants », Libération, 11 juillet 2000. 4 Dès l’année suivante, des pourparlers sont entamés aux fins de mettre sur pied un système de régulation destiné à briser cette relation meurtrière en empêchant le trafic des diamants de la guerre. Des négociations tripartites sont menées entre les principaux Etats engagés dans le commerce et la production diamantaires, l’industrie du diamant et la société civile, par le biais des deux ONG auteures du rapport précité. Sur base d’un premier accord obtenu en mai 2000, le Processus de certification de Kimberley5 (Kimberley Process Certification Scheme, ou KPCS) est élaboré lors de diverses réunions internationales6 et entre en vigueur le 1er janvier 20037. Ce système de régulation unique en son genre a évolué en tentant de s’adapter aux défis posés par les réalités du commerce international et de la géopolitique8. A l’heure actuelle, il n’apparaît plus sous le feu des projecteurs médiatiques9 et pourtant, il reste singulièrement intéressant à étudier, tant quant aux innovations qu’il propose qu’eu égard aux faiblesses et manquements dont il peine à se délester10. Ses implications demeurent, de surcroît, d’une importance cardinale11. Après avoir brièvement décrit ce mécanisme, nous le situerons sur la scène mondiale et soulignerons la place particulière qu’il occupe au sein du droit international, avant d’en proposer une évaluation. Tout au long de ce travail, nous tenterons d’adopter une perspective 5 Le KPCS reçoit son nom de la ville diamantifère d’Afrique du Sud dans laquelle il a été officiellement entamé. Kimberley, actuellement chef-lieu de la province sud-africaine de Cap-du-Nord, dans le désert du Grand Karoo, fut créée en 1871 d’après le nom du secrétaire britannique aux colonies, suite à la ruée vers le diamant dont la région fut le théâtre dès 1867. Kimberley fut d’ailleurs, grâce à la richesse engendrée par cette découverte de l’eldorado diamantaire, la première ville électrifiée d’Afrique. 6 Voy. les différentes réunions d’élaboration du KPCS, à savoir, la réunion ministérielle de Pretoria le 21 septembre 2000, la réunion intergouvernementale de Londres les 25 et 26 octobre 2000, les réunions de Windhoek du 13 au 16 février 2001, de Bruxelles du 25 au 27 avril 2001, de Moscou du 3 au 5 juillet 2001 et de Twickenham du 11 au 13 septembre 2001, la réunion plénière de Luanda du 30 octobre au 1er novembre 2000, la réunion ministérielle de Gaborone du 26 au 28 novembre 2001, la réunion plénière d’Ottawa des 19 et 20 mars 2002 et enfin, la réunion d’Interlaken, en Suisse, des 4 et 5 novembre 2002. 7 Cf. la reproduction en annexe du Système de certification du processus de Kimberley. 8 Le processus de Kimberley compte aujourd’hui 49 participants représentant 75 pays (l'Union européenne et ses États membres étant considérés comme un seul participant), responsables de 99,8% du commerce mondial de diamants. Voy. la carte et la liste des pays signataires en annexe II, ainsi que le site officiel du KPCS : http://www.kimberleyprocess.com/ 9 Malgré un regain d’intérêt lors de la récente ‘affaire Marange’ au Zimbabwe. Cf. infra. et Partnership Africa- Canada, Zimbabwe, Diamonds and the wrong side of history, mars 2009 ; B. D’ARMAGNAC, « Extraction forcée des diamants : le Zimbabwe échappe à des sanctions », Le Monde, 08.11.2009 ; V. HIRSCH, « Au Zimbabwe, les ‘diamants de guerre’ sont éternels », Libération, 10.02.2010. 10 Cf. C. EVEN-ZOHAR, Partnership Africa Canada's Smillie casts final ‘no confidence’ vote in Kimberley Process and goes home. Ian Smillie quits Kimberley Process, 28 mai 2009; P. KELBIE, « Rough trade: Diamond industry still funding bloody conflicts in Africa », The Independent, 10 février 2006, http://www.independent.co.uk/news/world/africa/rough-trade-diamond-industry-still-funding-bloody-conflicts- in-africa-466129.html 11 Voy. Global Witness, Loopholes in the Kimberley Process: Illegal Trade Undermines Efforts to Combat Conflict Diamonds, 10.2007; M. ALLEN, « In Angola, the ‘blood diamond’ resurfaces », The Wall Street Journal, 19.10.2010. 5 d’ouverture, en envisageant la reproductibilité éventuelle de ce type de régulation à d’autres domaines souffrant aujourd’hui d’un manque patent d’encadrement. Chapitre I. Le système de certification de Kimberley : description et toile de fond Section 1. Description et application du KPCS Le processus de Kimberley voit le jour suite au constat des « effets dévastateurs des conflits alimentés par le trafic des diamants », hissant ce trafic au rang de « grave question internationale »12. La finalité essentielle dont est investi le KPCS s’inscrit d’emblée dans le préambule : il s’agit de « réduire de façon considérable le rôle des diamants de la guerre dans le financement des conflits armés en adoptant un système de certification des diamants bruts visant à exclure les diamants de la guerre du commerce légitime »13. Cherchant à bannir les gemmes de la guerre, le système mis en place à Kimberley fonde l’engagement des participants de certifier que leurs exportations de diamants bruts sont vierges de diamants de conflit14 15. En outre, les Etats s’obligent à vérifier les chargements en provenance de tous leurs partenaires commerciaux et à « s'assurer qu'aucun chargement de diamants bruts n'est exporté vers un pays non participant ni importé d'un pays non participant »16. A cette fin doivent être établis des mécanismes de contrôle interne pour l’importation et l’exportation de diamants bruts17. Les membres du KPCS endossent encore l’engagement de faire rapport de manière régulière et transparente et de participer aux uploads/Geographie/ cridho-wp-2011-3-c-debucquoisdef.pdf
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- Publié le Oct 24, 2021
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