PRODUITS DE LA MER N°202 AOÛT-SEPTEMBRE 2020 ❘ 64 ❘ Dossier ❘ CRUSTACÉS Un marc

PRODUITS DE LA MER N°202 AOÛT-SEPTEMBRE 2020 ❘ 64 ❘ Dossier ❘ CRUSTACÉS Un marché bien vivant Aux mains d’entreprises spécialisées, mareyeurs et grossistes, le marché en frais des crustacés d’eau froide en France s’avère être une machine bien rodée. Elle est servie par un vrai savoir-faire et une consommation nationale somme toute au rendez-vous. CRUSTACÉS recherche de l’origine française peut même s’avérer parfois un peu sportive. « Pour avoir du homard en France, il faut prendre du tourteau avec », raconte Ronan Sergent, directeur des Viviers d’Audierne. Bien que le homard européen (Homarus vulgarus ou gammarus) soit « un petit peu plus présent sur les côtes bretonnes », note-il, les cap- tures françaises ne lui suffisent pas pour fournir sa clientèle. « Avant le homard euro- péen n’était pas aussi consommé. Metro a beaucoup fait pour le mettre en valeur. Cela l’a fait connaître et a créé une demande supplémentaire. » Les Viviers d’Audierne font aujourd’hui 150 tonnes de homard européen par an et pourraient en faire plus. « On est monté jusqu’à 220 tonnes mais la pêche n’est pas une science exacte », rappelle Ronan Sergent. Pour sécuriser ses approvisionne- ments, l’entreprise de mareyage qui pro- pose une large gamme de crustacés d’eau froide, a ses habitudes en Irlande et au Royaume-Uni. Les deux pays sont derrière le duo Canada-États-Unis pour le homard américain (Homarus americanus). Nos voi- sins outre-Manche sont les plus importants fournisseurs du marché du homard vivant dans l’Hexagone avec 1 100 tonnes impor- tées en 2018 dont 80 % du Royaume- Uni. Le rôle des deux pays est encore plus important dans les échanges de tourteaux. L a crise sanitaire n’a pas été sans conséquence sur le marché des crus- tacés en frais. « On a tourné à 30 % de notre chiffre d’affaires en avril », indique Erwan Dussaud, directeur com- mercial de Béganton. L’entreprise est spé- cialisée dans les crustacés vivants avec des sites dédiés à Roscoff, Loctudy et Lorient. Elle se révèle être un poids lourd du tour- teau (Cancer pagurus) en France avec 2 000 tonnes par an. Elle a dû composer durant le confinement avec un fort ralentissement de la consommation. Le conseil spécialisé pêche et aquaculture de FranceAgriMer a évalué la baisse pour les crustacés en frais à 25 % en volume et 26 % en valeur sur mars et avril alors que le début d’année avait connu une belle embellie avec 28 % d’aug- mentation en volume et 3 % en valeur. Armateur de six caseyeurs ciblés sur le tourteau, Béganton dans le giron du groupe Mericq a pris la décision de laisser ses bateaux à quai pour faire face à cette situation. « Je ne pouvais pas leur garan- tir un prix », résume Erwan Dussaud. Si la pleine saison pour les caseyeurs français commence d’ordinaire en avril, le retour en mer pour Béganton a eu lieu à la mi-mai avec le déconfinement et il a été progres- sif. Alors que le marché du crabe recom- mençait à voir ses ventes augmenter sen- siblement en France et à l’exportation, « j’ai fait sortir les bateaux un par un », explique le directeur commercial. Des sorties qui sur les mortes-eaux de fin mai étaient plutôt encourageantes avec dix à onze tonnes de captures par bateau. Trop tôt néanmoins pour se prononcer sur la suite de la saison. « La pêche au tourteau répond à des phé- nomènes de cycle, explique Erwan Dussaud. 2017 et 2018 ont été des années compli- quées. Il y a eu du mieux en 2019. » Dans le bilan des halles à marée de FranceAgriMer, les apports de crustacés à un peu plus de 5 600 tonnes affichent, elles, un recul de 6 % entre 2018 et 2019. Les ventes de gré-à-gré sont, cela dit, une pratique répandue pour ces espèces. La 13 000 t de crustacés vivants ou frais importés par la France en 2019, dont 4 600 t de crabe, 3 300 t de langoustine, 2 800 t de homard, 1 800 t de crevettes et 300 t de langouste. Dossier : Loïc FABRÈGUES La consommation des ménages a ralenti Bond en qualité pour la langoustine Demande accrue sur le homard européen Une modernisation du site des Viviers de Roscoff est en projet. ••• L.F. Langouste de Saint-Paul Origine Franceccc Depuis 1947, SAPMER pêche de façon artisanale cette langouste d’exception dans les eaux froides des Terres Australes et Antarctiques Françaises Darse de pêche | Le Port | 97420 Ile de la Réunion | France +262 262 42 02 73 | sales@sapmer.com www.sapmer.fr PRODUITS DE LA MER N°202 AOÛT-SEPTEMBRE 2020 ❘ 67 ❘ Dossier ❘ CRUSTACÉS 3 900 t de crustacés vivants ou frais exportées par la France en 2019, dont 2 400 t de crabe, 900 t de crevettes, 500 t de homard, 41 t de langouste et 44t de langoustine. (Source : Eumofa) En 2018, ils dépassaient à eux deux les 4 000 tonnes exportées vers la France selon FranceAgriMer. Deux tiers provenaient du Royaume-Uni. De quoi se poser des ques- tions sur les conséquences du Brexit. « On continue de s’interroger, avoue Ronan Sergent. Mais je ne vois pas où serait leur intérêt de garder la marchandise. » Les importations de la France en crus- tacés frais ou vivants s’élevaient à près de 13 000 tonnes en 2019 : l’un des débou- chés les plus importants en Europe. La consommation des ménages a baissé en 2018, après des années de stabilité autour de 14 à 15 000 tonnes par an. Cette baisse s’explique par un manque de ressources sur les deux premières espèces consommées par les Français, à savoir le tourteau et la langoustine. Corollaire à cette rareté, les prix de vente ont augmenté. Or, « on voit que ce sont les prix qui jouent sur l’acte d’achat des crustacés », souligne Erwan Dussaud. Les Français ont, cela dit, un large choix d’es- pèces à disposition. L’araignée de mer (Maia squinado) est notamment très prisée dans le grand Ouest. L’amélioration des captures en France de langouste rouge ou royale (Palinurus elephas) profite à son retour sur les étals où elle peut côtoyer la langouste rose (Palinurus mauritanicus) importée prin- cipalement de Mauritanie. Si la vente de produits cuits se développe, notamment sur le tourteau, les Français pri- vilégient les achats de crustacés vivants. La filière de l’amont à l’aval a investi pour cela. Pour la langoustine, « il y a eu un gros tra- vail pour une montée en qualité des pro- duits débarqués », note Ivy Guillou, patron de Top Atlantique qui en commercialise 180 à 200 tonnes vivantes par an issues de la pêche française. Outre l’amélioration des engins de pêche, de plus en plus de bateaux sont équipés de viviers. Top Atlantique a investi de son côté dans la logistique et la commercialisation. « La langoustine vivante est un produit que l’on travaille en flux tendu. On l’achète le soir au Guilvinec, dans les criées de Concarneau et de Lorient le matin. Ensuite, il faut faire vite pour la vente et la livraison. Il faut se dédier à 100 % au produit », explique Ivy Guillou. Dans son établissement à Lorient, l’entre- prise de mareyage dispose par ailleurs de viviers en circuit fermé avec eau réfrigérée et filtration biologique. Des équipements qui tendent à se déve- lopper pour assurer la meilleure conserva- tion possible des crustacés vivants de la mer à l’assiette. Sur son site de Lorient, les viviers de Loctudy, groupe Béganton, ont depuis 2019 un vivier en circuit fermé composé de deux bassins de 100 m2 où l’eau est recyclée en permanence et refroidie. Jean-François Jacob, le patron des Viviers de Roscoff, a pour sa part des projets d’investissements pour monter en puissance, en gamme et en qualité. Une modernisation du site qui com- prendrait « des nurseries pour le règne ani- mal et végétal », indique-t-il. Sur les réseaux de distribution, « les GMS portent le marché des crustacés avec les grossistes », indique Erwan Dussaud. Cette clientèle n’est pas la seule servie par Béganton. Les restaurants et surtout l’export font aussi partie de ses débouchés. « On réalise 40 % de notre chiffre d’affaires en crustacés dans les pays étrangers, sur- tout ceux de l’Europe du Sud. » La France a exporté près de 3 900 tonnes de crusta- cés en frais ou vivants en 2019. Un débou- ché que travaillent aussi les Viviers d’Au- dierne. « On a développé l’export sur l’Italie et l’Asie, où l’on perce un peu en Thaïlande avec la clientèle des restaurants étoilés », indique Ronan Sergent. L’entreprise vise, par ailleurs, à maintenir l’équilibre entre ses circuits de distribution GMS, restaurants et poissonneries. « On l’a vu avec le confine- ment, toute la clientèle est importante », poursuit son directeur. Ivy Guillou aimerait que la crise serve à l’avenir. « On s’est beau- coup parlé au niveau de la filière pour faire un effort sur tous les maillons de la chaîne pour trouver un marché à toute uploads/Geographie/ crustaces-un-marche-bien-vivant 1 .pdf

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