Stanislas Dehaene Unité INSERM-CEA de Neuro-imagerie cognitive Service Hospital
Stanislas Dehaene Unité INSERM-CEA de Neuro-imagerie cognitive Service Hospitalier Frédéric Joliot CEA/DRM/DSV 4, place du général Leclerc 91401 Orsay Cedex Tél 33 (0)1 69 86 78 48 dehaene@shfj.cea.fr Stanislas Dehaene, né le 12 mai 1965, normalien (1984), maîtrise de mathématiques appliquées (1985) et doctorat de psychologie cognitive (1989), chercheur à l’INSERM (1989-2005), professeur au Collège de France (Chaire de psychologie cognitive expérimentale, créée en 2005), dirige l'unité mixte INSERM-CEA de neuro-imagerie cognitive à Orsay. Ses travaux, qui exploitent conjointement les méthodes de la psychologie cognitive et de l’imagerie cérébrale, portent sur les architectures cérébrales de l’arithmétique, de la lecture, du langage parlé, et de l’accès conscient. Prix et distinctions Prix Fanny Emden de l'Académie des Sciences (1996) Prix Jean Rostand (1997) Subvention de recherches « Centennial Fellowship » de la Fondation McDonnell (1999) Prix Villemot de l'Académie des Sciences (2000) Prix Jean-Louis Signoret de la Fondation Ipsen (2001) Prix Boehringer-Ingelheim de la Fédération des sociétés des neurosciences (FENS) (2002) Médaille Pie XI de l'Académie pontificale des sciences (2002) Grand Prix de la Fondation Louis D. de l'Institut de France (2003) Publications représentatives DEHAENE, S., NACCACHE, L., LE CLEC’H, G., KOECHLIN, E., MUELLER, M., DEHAENE- LAMBERTZ, G., VAN DE MOORTELE, P.F., & LE BIHAN, D. Imaging unconscious semantic priming. Nature, 1998, 395, 597-600. DEHAENE, S., LE CLEC’H, G., COHEN, L., VAN DE MOORTELE, E., & LE BIHAN, D. Inferring behaviour from functional brain images. Nature Neuroscience, 1998, 1, 549-550. DEHAENE, S., SPELKE, L., PINEL, P., STANESCU, R., TSIVKIN, S. Sources of mathematical thinking : behavioral and brain-imaging evidence. Science, 1999, 284, 970-974. DEHAENE, S., NACCACHE, L., COHEN, L., LE BIHAN, D., MANGIN, J. F., POLINE, J. B., & RIVIERE, D. Cerebral mechanisms of word masking and unconscious repetition priming. Nature Neuroscience, 2001, 4, 752-758. DEHAENE-LAMBERTZ, G., DEHAENE, S., & HERTZ-PANNIER, L. Functional neuroimaging of speech perception in infants. Science, 2002, 298, 2013-2015. PICA, P., LEMER, C., IZARD, V., & DEHAENE, S. Exact and approximate arithmetic in an Amazonian indigene group. Science, 2004, 306,499-503. SERGENT, C., BAILLET, S., DEHAENE, S. (2005). Timing of the brain events underlying access to consciousness during the attentional blink. Nature Neuroscience, 8, 1391-1400. DEHAENE, S., IZARD, V., PICA, P., & SPELKE, E. (2006). Core knowledge of geometry in an Amazonian indigene group. Science, 311, 381-384 DEHAENE S. La bosse des maths. Editions Odile Jacob (1997) http://www.bienlire.education.fr Les bases cérébrales d’une acquisition culturelle : La lecture Stanislas Dehaene Unité INSERM-CEA de Neuroimagerie cognitive 4 place du Général Leclerc, 91401 Orsay cedex Texte paru dans Gènes et cultures, sous la direction de J.P. Changeux. Paris, Editions Odile Jacob (2003), pp 187- 199. Lorsque nous lisons un texte, nous n'avons pas conscience de la difficulté et de la complexité des opérations qui sont réalisées par notre système visuel. En une fraction de seconde notre cerveau reconnaît les mots et accède à leur sens. Cette opération est plus complexe qu'il n'y paraît. D’une part, notre système visuel s'adapte aux multiples variations de forme des mots. Ainsi, nous savons reconnaître le mot « quatre », que celui-ci soit présenté en majuscules ou en minuscules, dans une police inhabituelle, et quelle que soit sa taille. Nous sommes même capables de lire des mots dans lesquels une lettre sur deux apparaît en MiNuScUlEs. D’autre part, nous sommes étonnamment sensibles aux minuscules différences qui, parfois, distinguent deux mots très différents, tels que « deux » et « doux ». Il est clair, enfin, que cette capacité résulte d'un long apprentissage. Ce qui distingue deux mots dans une langue peut n'avoir aucune importance dans une autre. L'apprentissage de la lecture semble inculquer à notre cerveau un sens nouveau, celui de percevoir, en un clin d'œil, les traits visuels qui sont pertinents pour la lecture et ceux qui ne sont pas. Selon que nous apprenions à lire le chinois, l’hébreu ou les hiéroglyphes, notre cerveau saura reconnaître sans hésitation ces caractères, ou au contraire n'y verra que des formes abstraites et impossibles à décoder. La lecture pose au neurobiologiste un paradoxe. Cela ne fait que quelques milliers d'années que l'humanité a inventé l'écriture. L'architecture de notre cerveau n'a donc pas eu la possibilité de s'adapter aux difficultés particulières que pose la reconnaissance des mots. Et pourtant, notre système visuel réalise des prouesses telles qu'il semble remarquablement adapté à cette tâche nouvelle. Comment donc notre cerveau apprend-il à lire ? Comment nos aires cérébrales, issues de millions d'années d'évolution biologique dans un monde sans mots, parviennent-elles à s'adapter aux problèmes spécifiques que pose la lecture ? Plus généralement, comment se fait-il que des objets culturels récents et novateurs tels que les mots écrits soient susceptibles d'être représentés par le système nerveux humain, alors que rien ne semble l’y prédisposer ? En sciences sociales, la question de l'acquisition des objets culturels est rarement posée en ces termes. La plupart des chercheurs adhèrent implicitement à un modèle que j'intitulerai celui de la plasticité généralisée et du relativisme culturel. Le cerveau y est considéré comme un organe tellement plastique qu’il ne contraint en rien aux acquisitions culturelles, qui sont d'ailleurs d'une très grande diversité. Dans cette hypothèse, la question des bases cérébrales des objets culturels tels que la lecture n’est pas pertinente : libéré des contraintes biologiques, le cerveau humain, à la différence de celui des autres espèces animales, serait capable d'absorber toute forme de culture, aussi variée soit-elle. L'objet du présent chapitre est de résumer quelques données récentes de neuroimagerie et de neuropsychologie qui réfutent ce modèle simpliste des relations entre cerveau et culture, et jettent une lumière nouvelle sur l'organisation cérébrale des circuits de la lecture. Nous verrons que ces données ne sont pas compatibles avec l'image d'un cerveau isotrope qui se contenterait d'absorber sans filtrage toutes les données de son environnement culturel. Bien au contraire, nous serons amenés à proposer un autre modèle, radicalement opposées au précédent. Selon cette hypothèse, l'architecture de notre cerveau est étroitement limitée. Elle se met en place avec de fortes contraintes génétiques, mais toutefois en laissant une frange de variabilité. Les acquisitions culturelles ne sont alors possibles que dans la mesure où elles s'insèrent dans cette frange, en reconvertissant à un autre usage des prédispositions cérébrales déjà présentes. La variabilité interculturelle est donc réduite, son étendue apparente n'est qu'une illusion liée à notre incapacité d'imaginer des formes culturelles autres que celles que notre cerveau est capable de concevoir. 1 http://www.bienlire.education.fr L'imagerie cérébrale de la lecture L'imagerie fonctionnelle par résonance magnétique (IRMf) permet aujourd'hui de visualiser l'activité du cerveau au cours de nombreuses activités cognitives. Pour visualiser le circuit cérébral de la lecture, il suffit de placer un adulte volontaire dans le champ de l'aimant et de mesurer son débit sanguin cérébral alors qu'on lui présente des mots sur un écran d'ordinateur. La présentation de chaque mot s'accompagne d'une augmentation rapide du débit sanguin dans un vaste réseau d’aires cérébrales qui soustendent les différentes étapes de la lecture. Il serait erroné de penser qu'une seule aire cérébrale se charge d’une opération aussi complexe que la lecture. La reconnaissance visuelle, l'accès au lexique mental, la récupération du sens de chaque mot, leur intégration dans le contexte de la phrase, et enfin leur prononciation mobilisent plus d'une dizaine d'aires cérébrales réparties dans les régions occipitales, temporales, pariétales et frontales. Dans ce chapitre, nous nous concentrerons exclusivement sur une petite région qui intervient aux étapes les plus précoces de la lecture. Cette région, que l'on appelle l'aire de la forme visuelle des mots, fait partie de la voie visuelle ventrale gauche, une bande de cortex qui s'étend à la base du cerveau depuis le pôle occipital, impliqué dans l'analyse des traits visuels, jusqu'à la région fusiforme antérieure où l'identité des objets est extraite. Une première surprise est l’étonnante reproductibilité de cette région d’un individu à l’autre. Il est aisé de la repérer : quelques minutes de lecture suffisent à l'activer de façon reproductible chez n'importe quel bon lecteur. On la retrouve systématiquement à la même position chez tous les individus, dans une région du cerveau appelé le sillon occipito-temporal, qui borde le gyrus fusiforme. Dans le système de coordonnées de Talairach, qui permet de repérer toute région du cerveau par ses coordonnées tridimensionnelles, la variabilité de cette région d'un individu à l'autre n'est que de l'ordre de 5 millimètres. De nombreuses caractéristiques démontrent que cette région joue un rôle particulier dans l'identification visuelle des mots. Tout d'abord, elle ne s'active que pour des mots écrits, pas lorsque les mots sont présentés à l'oral. De plus, elle ne semble pas s'intéresser au sens des mots, mais uniquement à leur forme visuelle. Ainsi, l'on observe exactement la même quantité d'activation lorsque l'on présente des mots qui existent en français ou ce que l'on appelle des pseudo-mots, c'est-à-dire des suites de lettres telles que « plougiston » qui sont prononçables et qui obéissent aux règles du français, mais qui n'appartiennent pas au dictionnaire. On estime donc que cette région effectue l’analyse des lettres qui composent les mots, et fournit aux autres régions cérébrales une représentation de leur identité et de uploads/Geographie/ dehaene-apprendre-a-lire 1 .pdf
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- Publié le Mar 02, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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