Trauma et mémoire J J Peter Levine Trauma et mémoire Un guide pratique pour com

Trauma et mémoire J J Peter Levine Trauma et mémoire Un guide pratique pour comprendre et travailler sur le souvenir traumatique Préface de Bessel A. Van der Kolk Traduction de Pascal Jouy Révision scientifique – Pr Michel Schittecatte © InterEditions, 2016 InterEditions est une marque de Dunod Éditeur, 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff ISBN : 978-2-7296-1646-5 L’édition originale a été publiée aux États-Unis par North Atlantic Books, Berkekey, California et Ergos Institute Press, Lyons, Colorado sous le titre Trauma and Memory – Brain and Body in a Search for the Living Past – A Practical Guide for Understanding and Working with Traumatic Memory © 2015 Peter A. Levine © Photos pages 85 à 100 : Laura Regalbuto Illustrations et photos : © Justin Snavely (sauf mention particulière). Illustration de couverture : teechingkian – fotolia.com Sommaire Préface IX Introduction. Le Contexte 1 1. La mémoire : une bénédiction et une malédiction 5 2. Le tissu du souvenir 19 3. La mémoire procédurale 31 4. Les émotions, les souvenirs procéduraux, et la structure du traumatisme 43 5. Le parcours d’un héros 59 6. Deux cas Cliniques : une rencontre intime 83 7. Le piège de la véracité et l’écueil des faux souvenirs 133 8. Les molécules de la mémoire 147 9. Les fantômes du traumatisme transgénérationnel : 171 Épilogue 179 Remerciements 181 Table des matières 183 Index 185 La mémoire est le scribe de l’âme. Aristote Préface L’étude des souvenirs traumatiques a une longue et vénérable his- toire en psychologie et en psychiatrie. Elle remonte au moins aux années 1870 quand, à Paris, Jean-­ Martin Charcot – le père de la neurologie – fut fasciné par la question de l’origine des paralysies, des mouvements saccadés, des évanouissements, des effondrements brutaux, des rires frénétiques et des pleurs spectaculaires observés chez les patientes hystériques admises dans les salles communes de l’hôpital de la Salpêtrière. Charcot et ses étudiants en vinrent peu à peu à comprendre que ces mouvements bizarres et ces postures corporelles étaient les manifestations physiques du traumatisme. En 1889, Pierre Janet – un étudiant de Charcot – écrivit le pre- mier livre sur ce que nous appellerions aujourd’hui le trouble de stress post traumatique : L’automatisme psychologique1. Dans ce livre il défendait l’idée selon laquelle le traumatisme est inscrit dans la mémoire procédurale – à savoir dans des actes et réactions, sensa- tions et attitudes automatiques – et que le traumatisme est rejoué et répété sous forme de sensations viscérales (anxiété et panique), de mouvements corporels ou d’images visuelles (cauchemars, flash-­ backs). Dans son approche du traumatisme, Janet mit la question de la mémoire au tout premier plan : un événement ne devient un traumatisme que lorsque des émotions submergeantes interfèrent avec le traitement approprié du souvenir. Par la suite, les patients 1. Pierre Janet, L’automatisme psychologique : Essai de psychologie expérimentale sur les formes inférieures de l’activité humaine (Paris : Société Pierre Janet/Payot, 1973). X Trauma et mémoire traumatisés réagissent dans l’urgence à ce qui leur rappelle le trau- matisme par des réponses appropriées à la menace originelle mais à présent totalement inappropriées – comme par exemple plonger sous la table quand un verre tombe par terre ou se mettre en rage quand un enfant commence à pleurer. Depuis plus d’un siècle nous savons que les traces du trauma- tisme sont emmagasinées non pas sous forme « d’histoires » difficiles survenues dans le passé mais sous forme de sensations physiques vécues comme des menaces vitales immédiates – dans l’instant pré- sent. Durant cette période, nous avons progressivement compris que la différence entre les souvenirs ordinaires (constitués de récits qui changent et s’effacent avec le temps) et les souvenirs trauma- tiques (constitués de sensations et mouvements corporels récur- rents accompagnés d’émotions intensément négatives telles que la peur, la honte, la rage et l’effondrement) est due à une défaillance des systèmes cérébraux responsables de la création des « souvenirs autobiographiques »1. Pierre Janet observa aussi que les personnes traumatisées demeurent enlisées dans le passé. Elles deviennent obsédées par l’horreur qu’elles veulent laisser derrière elles mais continuent à se comporter et à ressentir comme si celle-­ ci perdurait. Incapables de laisser le traumatisme derrière elles, leur énergie est absorbée par le contrôle de leurs émotions aux dépends de l’attention aux demandes du moment présent. Janet et ses collègues apprirent, à la suite d’expériences pénibles, que les femmes traumatisées confiées à leurs soins ne pouvaient être guéries par la raison ou l’intuition, par des modifications comportementales ou des punitions, mais qu’elles répondaient positivement à la suggestion hypnotique : le trauma- tisme pouvait être résolu en revivant les événements passés dans un état de transe hypnotique. En revivant mentalement et de façon sécurisante les événements passés, puis en élaborant une conclu- sion satisfaisante imaginaire – ce dont elles avaient été incapables lors de l’événement originel car trop submergées par l’impuissance 1. Bessel van der Kolk, The body Keeps the Score: Brain, Mind, and Body in the Healing of Trauma (New Y ork : Viking, 2014). Préface XI © InterEditions – T oute reproduction non autorisée est un délit. et l’horreur – il leur était alors possible de réaliser pleinement qu’elles avaient en réalité survécu au traumatisme et elles pouvaient reprendre le cours de leur vie. Quand j’ai rencontré pour la première fois Peter Levine, il y a environ vingt-­ cinq ans, j’ai pensé qu’il était la réincarnation de l’un de ces magiciens d’autrefois dont je connaissais bien le travail grâce aux manuscrits moisis trouvés dans les bibliothèques de vieux hôpi- taux. À ceci près que Peter, sur la pelouse de l’Institut Esalen à Big Sur en Californie, ne portait pas de nœud papillon ou de redingote comme sur les vieilles photographies, mais un tee-­ shirt Bob Marley et un short. Peter montrait qu’il avait parfaitement compris que le traumatisme est imprimé dans le corps et que pour guérir il est nécessaire de créer un état de transe protégé à partir duquel on peut observer l’atroce passé en toute sécurité. À cela, il a ajouté l’élément essentiel qui consiste à explorer les empreintes physiques subtiles laissées par le traumatisme et à se concentrer sur la reconnexion entre le corps et l’esprit. J’ai immédiatement été intrigué. Des plus anciens chercheurs ayant étudié le stress traumatique à la plus récente recherche en neurosciences, les scientifiques ont constaté un lien fondamental entre action corporelle et mémoire. Une expérience devient trau- matique quand l’organisme humain est submergé et réagit par l’impuissance et la paralysie. Quand il n’y a absolument rien à faire pour changer le cours des événements, tout le système s’effondre. Sigmund Freud lui-­ même était fasciné par le lien entre trauma- tisme et action physique. Il suggéra que la raison pour laquelle les gens répètent leurs traumatismes tenait à leur incapacité à se rappeler exactement ce qui leur était arrivé. Comme le souvenir est réprimé, le patient est « obligé de répéter le contenu réprimé en tant qu’expérience présente, au lieu de … s’en souvenir comme quelque chose appartenant au passé »1. Si quelqu’un ne se souvient pas d’un événement, il est probable qu’il va l’agir à nouveau : « Il le reproduit non pas en tant que souvenir mais en tant qu’action ; 1. Sigmund Freud, Au-delà du principe de plaisir (1920) in Essais de psychanalyse, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2004. XII Trauma et mémoire il le répète, sans savoir bien sûr qu’il s’agit d’une répétition… Nous finissons par comprendre que c’est là sa façon de se souvenir »1. Mais Freud n’a pas réalisé qu’une personne ne peut regagner le contrôle d’elle-­ même que si on l’aide à se sentir en sécurité et en paix intérieure. Peter a compris que pour résoudre le traumatisme d’un patient, il faut prendre en compte la paralysie physique, l’agitation et le sen- timent d’impuissance et l’amener à agir de manière corporelle afin qu’il reprenne le contrôle de sa vie. Ne serait-­ ce que raconter ce qui s’est passé est une forme d’action efficace en déployant une his- toire qui permet à soi-­ même et aux autres de connaître ce qui est arrivé. Malheureusement, un grand nombre de personnes trauma- tisées demeurent bloquées dans leur traumatisme et ne parviennent jamais à déployer ce récit indispensable. En connaissant mieux Peter, j’ai progressivement réalisé à quel point il comprenait bien le rôle essentiel joué par les sensations physiques et l’action corporelle. Il a montré que les actes post-­ traumatiques ne consistent pas uniquement en des comportements grossiers comme d’exploser dès que quelqu’un vous offense ou de se paralyser quand on est effrayé, mais aussi en d’imperceptibles façons de retenir son souffle, de tendre ses muscles ou de contracter ses sphincters. Peter m’a démontré que l’organisme tout entier – corps et esprit – se bloque et continue de se comporter comme s’il y avait un danger clair et actuel. Peter est au départ un neurophysio- logiste et il a par la suite étudié le travail corporel avec Ida Rolf à Esalen. En le voyant exercer son art, j’ai pensé à Moshe Feldenkrais uploads/Geographie/ feuilletage-pdf 1 .pdf

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