1. Membre du Comité technique permanent des barrages. Courriel : antoine.pi@fre

1. Membre du Comité technique permanent des barrages. Courriel : antoine.pi@free.fr 39 Géologues n°145 De tous les ouvrages de génie civil, les barrages sont ceux qui sollicitent de la façon la plus complexe et la plus complète le milieu naturel (sols, roches, eau) sur lequel ils sont établis. La géologie est donc un facteur capital dans l’appréciation des conditions de réalisation de ces ouvrages et le géologue doit être un partenaire à part entière des études. Pour mieux apprécier l’ampleur de la tâche il convient de rappeler les nombreux rapports entre l’ouvrage et le contexte géologique de son site. Sollicitations exercées par un barrage sur son environnement naturel Le barrage est généralement la pièce essentielle d’un ensemble d’ouvrages qui concourent non seulement à la création d’une retenue, mais aussi au fonctionne- ment de l’aménagement et à sa sécurité. Outre le barra- ge il s’agit, selon les cas, de la dérivation provisoire de la rivière lors de la construction, de la vidange de fond destinée à vider la retenue, de l’évacuateur de crues, de la prise d’eau destinée à prélever les débits selon les objec- tifs de l’aménagement, de l’usine hydroélectrique pour les barrages destinés à la production d’électricité. Ils peuvent être regroupés en une seule structure ou bien exister en ouvrages distincts. Dans ce dernier cas, ces ouvrages peuvent nécessiter la réalisation de tunnels ou d’excavations souterraines. Pour ce qui est de la sollicitation du milieu naturel on distingue généralement : les appuis du barrage ou zone de fondation : le massif rocheux qui reçoit l’ouvrage est sollicité par le poids de ce dernier et par les efforts qu’il va exercer sous l’effet de la poussée de l’eau qu’il retient, particulièrement dans le cas des voûtes ; la modification des conditions aux limites hydrauliques du site : la présence de la retenue va modifier considé- rablement les gradients hydrauliques des écoulements préexistants. Ils s’expriment classiquement par le rapport de la hauteur d’eau retenue à la longueur du par- cours des lignes de courant. Ils seront donc maximum au niveau du barrage, pouvant atteindre des valeurs considérables,de l’ordre de 10 (voire supérieures),dans le cas des barrages voûtes dont la largeur à la base est minimale par rapport aux autres types de barrages ! Il en résultera des problèmes hydrogéologiques (possi- bilités de fuites) ou hydrogéomécaniques concernant directement la stabilité de l’ouvrage (Malpasset par exemple) ; la fourniture des matériaux de construction : pour cer- tains types d’ouvrages (digues en remblais) le volume de matériaux nécessaires peut être tout à fait considé- rable et se chiffrer en centaines de milliers ou en millions de mètres cubes ; les problèmes de « risques naturels » : la cote de la retenue variera en cours d’exploitation (marnage) avec des amplitudes et des fréquences variables selon les conditions climatiques et la finalité de l’aménagement. Ces fluctuations peuvent influencer négativement la stabilité des versants de la retenue.Une rupture de ver- sant peut engendrer une véritable catastrophe comme à Longarone en Italie en 1961 (2000 morts).La création d’une retenue peut également avoir un impact sur le plan de la sismologie de zones sensibles. On connaît maints exemples d’essaim de séismes suivant la mise en eau de barrages. Un cas très bien documenté est celui du Hoover Dam aux USA (hauteur : 220 m) où, dans les quinze années précédant la construction,aucun séisme n’avait été enregistré. Un premier séisme se manifesta quatre ans après la construction, suivi de 6000 autres dans les dix années suivantes. Il ne faut enfin pas perdre de vue que la ruine d’un barrage (pour une raison quelconque) engendre une onde de sub- mersion qui balaye la vallée en aval.C’est ce qui s’est pro- duit à Malpasset en 1959 entraînant la mort de 421 per- sonnes dans la région de Fréjus ; la sédimentation dans la retenue : le barrage, en inter- rompant l’écoulement de la rivière, provoque le dépôt de sa charge solide. Dans certains contextes, cela peut limiter la durée de vie économique de l’aménagement ou bien gêner, voire empêcher à terme le fonctionne- ment de certains ouvrages comme la vidange de fond ou la prise d’eau ; les problèmes environnementaux : la création d’une retenue entraîne de nombreuses perturbations tant en ce qui concerne l’impact visuel des travaux, l’impact sur les eaux superficielles,notamment leur qualité,que les impacts micro-climatiques,les effets sur la nature et le mode de dépôt des transports solides… l’énergie hydraulique Le rôle du géologue dans l’étude des projets de barrages Pierre Antoine1. 40 Géologues n°145 Rôle du géologue Si le rôle du géologue est essentiel au début des études de tout projet de barrage, il n’en n’intervient pas moins à toutes les phases de l’avancement du projet et aussi en cours de réalisation. Les études préliminaires visent à rechercher les sites convenables pour un aménagement donné. De leur qualité dépend souvent celle des phases suivantes. Le géologue doit déceler les avantages et les défauts « géologiques » de chacun des sites examinés. Ceci se traduira soit par une élimination pure et simple, soit par l’orientation des études ultérieures vers le choix d’un type d’ouvrage ou de variantes adaptées aux conditions géologiques. L’avant-projet sommaire (APS) a pour objet le choix du meilleur parti et une première estimation des coûts.Des variantes peuvent être étudiées, l’implantation des ouvrages est définie et les dessins de ceux-ci sont réalisés. Les levés géologiques concernent le site et, si possible (ou nécessaire), la cuvette de retenue. Ils doivent mettre en évidence les points délicats (inconnues géologiques) et s’appuyer sur des reconnaissances variées destinées à les éclaircir pour donner au projeteur un modèle géologique et géotechnique du site aussi proche du réel que possible. Les échelles vont donc de celles de la géologie générale à celle des dessins d’ouvrage, disons, en gros, du 1 /10 000 au 1/1000. L’avant-projet détaillé(APD) finalise toute la concep- tion des ouvrages et débouche sur le dossier d’appel l’énergie hydraulique d’offres (DAO) remis aux entreprises soumissionnaires.Le géologue intervient alors sur des points de détail néces- saires à une finalisation correcte du projet. Le suivi des travaux par le géologue est indispen- sable. C’est à ce stade seulement que l’on a une vision complète du terrain grâce aux excavations, aux galeries d’injection et de drainage, ainsi qu’aux très nombreux sondages nécessités par la réalisation du voile d’étan- chéité et du réseau de drainage. Des difficultés impré- vues se révèlent souvent à ce stade,auxquelles il convient de parer rapidement pour respecter le programme des travaux. Le tableau 1 récapitule les points principaux de l’étude géologique d’un site de barrage. Réflexions générales Ainsi exposé,le rôle du géologue apparaît tout à fait déterminant pour la réussite du projet d’ouvrage auquel il collabore.Il convient de noter que sa participation s’éche- lonne le plus souvent sur une assez longue période de temps, ce qui a parfois pour conséquence de rompre l’unité de la progression de la connaissance géologique : changement de partenaires, absence de synthèse et de bilan général dégageant nettement les acquis et les incertitudes qui restent à préciser. Seul un géologue suffisamment expérimenté peut jouer efficacement ce rôle de coordinateur afin de produire une synthèse géologique et géotechnique efficace, à l’intention du projeteur. Qu’il agisse pour le maître d’œuvre ou pour le Thématique Objectifs Morphologie - Élément majeur du choix du type d’ouvrage et du plan-masse de distribution des ouvrages annexes. - Moyen indirect de connaissance du sous-sol. Lithologie - Préalable à la compréhension des caractéristiques géotechniques des terrains. - Comportement relève de la mécanique des sols pour les terrains de couverture (altérites, etc.), de la mécanique des roches pour le substrat. Structure - Établissement du modèle géologique de la zone de fondation : architecture des terrains présents sur le site. Hydraulique souterraine - Détermination des aquifères et des circulations. - Estimation de l’étanchéité du site pour déterminer le traitement de la fondation pour y remédier et le dimensionnement des ouvrages correspondants, dont le système de drainage. - Évaluation de l’étanchéité de la cuvette et remèdes éventuels. Matériaux de construction - Sources de matériaux sur le site et au voisinage, en quantité et en qualité. Stabilité des versants - Identification des zones instables et des risques de partition de la retenue ou de submersion de l’ouvrage. Étude sismique - Estimation de l’accélération maximale à prendre en compte dans les calculs de stabilité du barrage, éventuellement pour la stabilité de certaines parties des versants de la retenue. Estimation des transports - Évaluation des volumes transportés : condition de la durée de vie économique de la retenue, et solides paramètre pour déterminer la position d’organes de sécurité comme la vidange de fond. Tableau 1. Objectifs poursuivis par domaine d’étude géologique. 41 Géologues n°145 maître d’ouvrage, le géologue ne doit pas se défausser sur l’entreprise du soin de tirer les conclusions nécessaires pour les travaux. La nécessité d’un levé de détail précis, à une échel- le et sur un fond topographique appropriés, est la condi- tion première de l’établissement d’un modèle géologique réaliste de la fondation. Pour accéder à la vision dans l’espace il est nécessaire de tirer du uploads/Geographie/ geologues-145-etude-projets-barrages.pdf

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