JENNY DOWNHAM JE VEUX VIVRE Atteinte d'une leucémie, Tessa sait qu'il ne lui re

JENNY DOWNHAM JE VEUX VIVRE Atteinte d'une leucémie, Tessa sait qu'il ne lui reste que peu de temps. Mais, à 16 ans, elle a envie de vivre intensément jusqu'au bout. Aidée de sa meilleure amie Zoey, de ses parents et de son petit frère, elle va engager une formidable course contre la mort pour accomplir sa dernière liste de souhaits : sexe, drogue, célébrité... La vie va également lui réserver une belle surprise en mettant sur son chemin Adam, avec qui elle va avoir la chance de découvrir l'amour... Un J’aimerais avoir un petit ami. J’aimerais qu’il vive sur un cintre dans ma penderie. Je pourrais l’en sortir quand je voudrais et il me regarderait comme les garçons regardent les filles dans les films, comme si j’étais belle. Il parlerait peu mais respirerait très vite en ôtant sa veste de cuir et en déboutonnant son jean. Il porterait un caleçon blanc et serait si sublime que je m’en évanouirais presque. Alors il me retirerait mes vêtements. Et murmurerait : « Je t’aime, Tessa. Je suis fou de toi. Tu es belle. » V oilà exactement ce qu’il dirait en me déshabillant. Je m’assieds et allume la lampe de chevet. Je trouve un feutre, mais pas de papier, alors j’écris sur le mur derrière moi : « Je veux sentir le poids d’un garçon sur mon corps. » Puis je me rallonge, les yeux tournés vers la fenêtre. Le ciel est d’une étrange couleur, rougeoyant et charbonneux à la fois, comme si le jour perdait son sang. Ça sent la saucisse. Il y a toujours des saucisses, le samedi soir. Avec de la purée, du chou et de la sauce aux oignons. Papa a dû acheter son ticket de loterie, c’est Cal qui a dû choisir les numéros et ils vont dîner tous les deux en face de la télévision, leur plateau sur les genoux. En regardant « The X Factor », puis « Qui veut gagner des millions ? ». Ensuite, Cal ira prendre son bain et se coucher tandis que Papa restera à boire une bière et à fumer jusqu’à ce qu’il soit assez tard pour qu’il ait sommeil. Un peu plus tôt, il est monté me voir. Il a traversé ma chambre pour ouvrir les rideaux. « Regarde-moi ça ! » a-t-il dit tandis que la lumière inondait la pièce. Ça, l’après-midi, la cime des arbres, le ciel. Sa silhouette se dessinait à contre-jour devant la fenêtre. Debout, les mains sur les hanches, il avait l’air d’un Power Ranger. « Si tu ne m’en parles pas, comment puis-je t’aider ? » a-t-il dit en venant s’asseoir sur le bord de mon lit. J’ai retenu ma respiration. Quand on fait ça assez longtemps, on finit par avoir des petites lumières blanches qui dansent devant les yeux. Il s’est penché pour m’effleurer la tête, me masser doucement la peau du crâne du bout des doigts. « Respire, Tessa », a-t-il murmuré. Pour toute réponse, j’ai attrapé mon chapeau posé sur la table de nuit et me le suis enfoncé jusqu’aux oreilles. Alors il est parti. Maintenant, il est en bas, en train de faire frire les saucisses. J’entends la graisse postillonner, la sauce crépiter dans la poêle. Je n’aurais jamais cru pouvoir discerner tout cela du premier étage, mais désormais plus rien ne m’étonne. Cal, qui était parti acheter de la moutarde, enlève son blouson dans l’entrée : j’entends le bruit de la fermeture Éclair. En lui donnant de l’argent, il y a dix minutes, Papa lui a recommandé de ne parler à « personne de bizarre ». Et en son absence, il est resté sur le seuil de la porte du jardin à fumer une petite clope. J’entendais le chuchotement des feuilles tombant à ses pieds sur le gazon. L ’automne s’installe. « Range ton blouson et grimpe voir si Tess a besoin de quelque chose, dit Papa. Il y a plein de mûres : essaie de lui donner envie. » Cal porte ses baskets, l’air chuinte dans ses semelles tandis qu’il monte l’escalier et entre dans ma chambre. Je fais semblant de dormir mais il n’est pas dupe. Il se penche sur moi et murmure : « Même si tu ne m’adresses plus jamais la parole, je m’en fiche. » Je soulève une paupière et rencontre deux yeux bleus. « Je savais bien que tu faisais semblant, triomphe-t-il avec un large et adorable sourire. Papa demande si tu veux des mûres. — Non. — Qu’est-ce que je lui dis ? — Dis-lui que je veux un bébé éléphant. » Il rit. « Tu vas me manquer », dit-il, et il m’abandonne en laissant la porte grande ouverte sur les premières marches de l'escalier. Deux Zoey fait irruption sans même frapper à la porte et s’effondre bruyamment au bout de mon lit. Elle me regarde bizarrement, comme si elle ne s’attendait pas à me trouver là. « Qu’est-ce que tu fabriques ? dit-elle. — Comment ça ? — Tu ne descends plus jamais, maintenant ? — C’est Papa qui t’a téléphoné ? — Tu as mal ? — Non. » Elle me jette un regard suspicieux et se lève pour enlever son manteau. Elle porte une robe rouge archi- courte. Assortie au sac qu’elle a laissé tomber par terre. « Tu sors ? Tu as rendez-vous avec un garçon ? » Elle hausse les épaules, se dirige vers la fenêtre et contemple le jardin. En dessinant du bout du doigt un cercle sur la vitre, elle suggère : « Peut-être que tu devrais essayer de croire en Dieu. — Moi ? — Ben oui. Nous tous, d’ailleurs. Tout le genre humain. — Non, je ne crois pas. A mon avis, il doit être mort. » Elle se retourne vers moi. Son visage est pâle, couleur hiver. Derrière son épaule, un avion trace sa voie sur l’horizon en clignotant. « Qu’est-ce que tu as écrit sur le mur ? » demande- t-elle. Je ne sais pas pourquoi, mais je la laisse lire. Parce que j’ai envie qu’il se passe quelque chose, sans doute. C’est à l’encre noire. Sous le regard de Zoey, les mots se tortillent comme des araignées. Elle lit et relit. Je hais la pitié qu’elle doit ressentir pour moi. « Ce n’est pas vraiment Disneyland, ton plan, commente-t-elle d’une voix toute douce. — Je n’ai jamais dit ça, non plus. — J’avais cru comprendre que c’était l’idée générale. — Eh bien, ça ne l’est pas. — A mon avis, ton père s’attend plus à ce que tu réclames un poney qu’un jules. » C’est surprenant, le bruit de notre fou rire. Ça fait mal, et pourtant j’adore. Rire avec Zoey est décidément un de mes passe-temps favoris, parce que je sais que les mêmes images dingues nous traversent l’esprit au même moment. « En fait, ce serait un haras qu’il te faudrait », dit- elle, et ça suffit pour nous rendre toutes les deux hystériques. « Tu pleures ? » demande Zoey. Je ne suis pas sûre. Je crois, oui. Je gémis comme ces femmes qu’on voit à la télé, dont toute la famille a été anéantie. Je gémis comme un animal qui ronge son propre pied. Je suis soudain submergée par tout ce qui m’arrive. Mes doigts qui ne sont plus que des os, ma peau pratiquement transparente. Les cellules que je sens se multiplier dans mon poumon gauche, où elles s’empilent, telles des cendres remplissant lentement un vase. Je ne pourrai bientôt plus respirer. « Ce n’est pas grave que tu aies peur, dit Zoey. — Si, c’est grave. — Je t’assure que non. Éprouver quelque chose est toujours bien. Quoi que ce soit. — Imagine deux minutes ce que c’est, Zoey, d’être perpétuellement terrifiée. — J’imagine, oui. » Non, elle ne peut pas. Comment pourrait-elle, alors qu’elle a toute la vie devant elle ? Je me camoufle de nouveau sous mon chapeau, juste quelques secondes, parce que ça va me manquer de ne plus pouvoir respirer. Et parler. Et regarder par la fenêtre. Les gâteaux vont me manquer. Et les poissons, j’aime les poissons. J’aime la façon dont leur petite bouche s’ouvre et se referme indéfiniment. Et où je vais, on ne peut rien emporter. Je m’essuie les yeux avec le coin de la couette. « Fais-le avec moi, dis-je à Zoey. — Faire quoi ? demande-t-elle, interloquée. — Ce que j’ai gribouillé sur des bouts de papier, un peu partout. Je vais te mettre la liste au propre pour que tu m’aides à le faire. — Mais t’aider à faire quoi ? Ce que tu as écrit sur le mur ? — Oui, et d’autres trucs aussi. Mais cette histoire de garçon est ma priorité. Tu as fait l’amour des quantités de fois, Zoey. Moi, on ne m’a même jamais embrassée. » Je vois mes mots descendre en elle. Jusqu’au plus profond. « Pas des quantités de fois, répond-elle finalement. — S’il te plaît, Zoey. Même si je te supplie de me laisser uploads/Geographie/ je-veux-vivre.pdf

  • 32
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager