Karstologia : revue de karstologie et de spéléologie physique Karstologie et sp

Karstologia : revue de karstologie et de spéléologie physique Karstologie et spéléologie Bernard Gèze Résumé Exposé sommaire de la naissance et de l'évolution des deux disciplines constituant les faces complémentaires d'une seule science consacrée à l'étude du milieu physique reconnu d'abord dans le karst dinarique. Abstract Karstology and speleology. Brief report of the birth and of the evolution of karstology and speleology which are the complementary sides of one single science dedicated to the study of the physical sphere known first in the dinaric karst. Citer ce document / Cite this document : Gèze Bernard. Karstologie et spéléologie. In: Karstologia : revue de karstologie et de spéléologie physique, n°1, 1er semestre 1983. pp. 2-4; doi : 10.3406/karst.1983.2032 http://www.persee.fr/doc/karst_0751-7688_1983_num_1_1_2032 Document généré le 13/02/2017 KARSTOLOGIA n° 1 1er semestre 1983 KARSTOLOGIE ET SPÉLÉOLOGIE Bernard GÈZE 1 1 , Rue Vauquelin - 75005 - PARIS Résumé: Exposé sommaire de la naissance et de l'évolution des deux disciplines constituant les faces complémentaires d'une seule science consacrée à l'étude du milieu physique reconnu d'abord dans le karst dinarique. Abstract : KARSTOLOGY AND SPELEOLOGY. Brief report of the birth and of the evolution of karstology and speleology which are the complementary sides of one single science dedicated to the study of the physical sphere known first in the dinaric karst. Mots-clés: karstologie, spéléologie, Cvijid, Martel. Key -words: karstology, speleology, Cvijit, Martel. Si l'opinion en forme de boutade d'après laquelle «l'homme est un singe descendu des arbres pour s'abriter dans les cavernes» paraît aujourd'hui soumise à caution, aussi bien en ce qui concerne la parenté simiesque directe que l'habitat cavernicole initial, il n'en demeure pas moins que depuis quelques centaines de millénaires, nos lointains ancêtres ont apprécié le biotope souterrain. On peut même penser avec quelque certitude qu'une bonne partie de notre civilisation est née dans les grottes où l'homme se réfugiait avec ses armes, son outillage et son feu pendant les pénibles périodes glaciaires qui l'obligeaient à réfléchir pour survivre, à devenir industrieux et occasionnellement artiste. Il est donc bien évident que la recherche des territoires à cavernes, c'est-à-dire des «paysages karstiques», puis l'explora¬ tion des cavités, c'est-à-dire la «spéléologie», ont débuté il y a déjà bien longtemps. Plus récemment, l'histoire nous fournit les dates de quelques prospections et les noms d'hommes qui se sont aventurés sous terre aussi bien dans notre vieille Europe que dans les États-Unis d'Amérique : depuis deux à trois siècles (sans parler des Latins et des Grecs), nous possédons ainsi des récits de ceux qui ont inauguré le sport et le tourisme en caverne, plus encore de ceux qui y ont recherché les restes d'animaux disparus et des premiers hommes en établissant les fondements de la paléontolo¬ gie et de la préhistoire, puis de ceux qui ont recherché des eaux souterraines en jetant les bases de ce qui allait devenir l' hydrogéologie karstique. Malgré l'intérêt de telles descriptions et de tels travaux, il convient de reconnaître que karst et grottes ne constituaient pas le véritable but de la recherche : les régions karstiques étaient jugées affreuses ou pittoresques par ceux qui les traversaient; les cavernes étaient d'intéressants réceptacles ayant fonctionné comme pièges et comme réservoirs dont le remplissage solide ou liquide méritait seul un examen sérieux. Aussi, malgré de nombreux précurseurs souvent remarquables, particulièrement dans l'ancien Empire autrichien et en France, doit-on avouer que la science du karst et la science des cavernes n'ont vraiment débuté à la fois qu'il y a moins d'un siècle, sous l'influence de deux auteurs seulement. Le premier est le Serbe Jovan Cviji£, dont l'ouvrage Das Karstphànomen, paru à Wien (Autriche) en 1893 fut rapidement connu dans le monde entier. Avant lui, la région dite proprement Karst, comprise entre Trieste et Laibach (aujourd'hui Ljubljana) avait été déjà très correctement décrite, mais nul auparavant n'avait pensé à y prendre un type de valeur mondiale. C'est donc bien à lui que l'on est redevable de cette habitude, ainsi qu'il l'a précisé d'une façon discrète dans son ouvrage posthume La Géographie des terrains calcaires (Beograd, 1960) : «Toutes les formes et tous les caractères hydrographiques propres au calcaire trouvent (dans le karst dinarique) l'expression la plus complète ... Aussi a-t-on été amené à faire du mot «karst» une dénomination générique et à désigner sous le nom de «phénomènes karstiques» les formes du relief et les processus hydrographiques particuliers aux terrains calcaires sur toute la surface de la terre». La valeur des travaux de CvijiS est incontestable, mais il est certain que leur diffusion a été facilitée par leur publication dans les deux langues scientifiques les plus importantes de l'époque : l'Allemand et le Français. En outre, Emmanuel de Martonne, qui était alors le maître de la Géographie française, a largement contribué à les faire connaître par de longues citations dans son classique Traité de Géographie physique et par l'achèvement de la rédaction de l'ouvrage posthume mentionné ci-dessus. Retenons, en tout cas, que l'essentiel de la terminologie des formes de surface, emprunté à la langue serbo-croate (doline, ouvala, poljé, ponor, etc.) nous est surtout arrivé par les ouvrages de CvijiÉ, ainsi d'ailleurs que les notions du fonctionnement hydraulique des diverses «zones» du karst et de la variation des types morphologiques suivant la lithologie et le climat. Remarquons enfin que si on lui doit les termes de karst, phénomènes karstiques et karstification, on ne peut lui reprocher le barbarisme karstologie qu'il n'a jamais employé ! Le second auteur ayant eu un «impact» international est le Français Édouard-Alfred Martel qui prospecta le sous-sol des régions calcaires de toute l'Europe, depuis le Caucase et la Grèce jusqu'à l'Irlande et l'Espagne, puis d'une partie des États-Unis où l'avaient invité ses confrères américains. Son volume Les Abîmes — 2 — KARSTOLOGIA n° 1 1er semestre 1983 (les eaux souterraines, les cavernes, les sources, la Spelaeologie), édité à Paris en 1894, fut ainsi pendant longtemps la «bible» de tous ceux qui s'intéressaient aux cavités souterraines. Bien que Martel ait précisé lui-même que le néologisme spelaeologie (bientôt simplifié en spéléologie) était dû au préhistorien Émile Rivière, il est certain que ce sont le livre sur les abîmes et les innombrables publications ultérieures de Martel qui l'ont fait adopter mondialement. On doit d'ailleurs noter que le sens du mot s'est élargi au point d'englober tous les aspects de l'exploration et de l'étude des cavernes depuis leur creusement, leur évolution, leur remplissage, leur fonctionnement hydrologique, etc., jusqu'à la vie animale et végétale et les habitats humains que l'on y rencontre. En conséquence, on a été conduit à faire des subdivisions, notamment en distinguant la biospéléologie (terme créé par Armand Viré en 1904) et l' anthropospéléologie (beaucoup plus récemment proposé par nos confrères autrichiens). Il est en outre permis de se demander s'il n'y aurait pas lieu de séparer le spéléisme exclusivement sportif (suggestion de René Jeannel vers 1950) et de conserver le terme de spéléologie seulement pour l'étude scientifique des phénomènes d'ordre physique observables dans le milieu souterrain. C'est en tout cas sous cet aspect essentiel qu'il convient d'associer la spéléologie à la karstologie. Dans une certaine mesure, il est regrettable que l'on dispose de ces deux termes car ils mettent en évidence l'existence de deux états d'esprit, manifestes déjà chez les auteurs qui viennent d'être cités : Cvijië avait beau avoir visité de nombreuses cavernes et avoir compris leur fonctionnement hydrologique souterrain, il fut surtout un géographe de la surface, expliquant avec minutie sa morphologie particulière en région karstique. Inversement, Martel avait beau avoir découvert et décrit les champs de lapiaz des Alpes et des Pyrénées, les rues de rochers et les dolines des Causses ou les canyons du Tarn ou du Verdon, il fut d'abord l'homme des profondeurs, s'attachant à leur évolution souterraine (titre de l'un de ses volumes). Malgré de nombreuses et excellentes synthèses L'exokarst. domaine d'étude privilégié du karstologue géographe. Immenses lapiés de diaclases sur le haut karst d'Anialarra, revers espagnol du massif de la Pierre Saint-Martin. Photo J.-P. Bonnebouche. récentes, il reste quelque chose de cette dualité qui doit être condamnée sans réserves : trop de géomorphologues ignorent le sous-sol et trop de spéléologues décrivent les cavités sans aucune référence à ce qui est au-dessus d'elles. Or l'exokarst et l'endokarst sont intimement liés : il est parfaitement vain d'étudier l'un sans l'autre puisqu'ils conditionnent mutuellement leur existence. Quoi qu'il en soit de ses deux faces (l'une visible, l'autre invisible pour les non initiés !) cette discipline karsto-spéléologi- que unique a fini par prendre place officiellement parmi les «Sciences de la Terre». Comme pour les autres recherches conduites par des «naturalistes», elle est passée par une succession de phases qui peuvent d'ailleurs se poursuivre de façon concomitante : En premier lieu, vient la découverte des phénomènes, leur observation et leur description ; ensuite leur inventaire, sous forme de catalogues ou de fiches ; puis les tentatives d'explications, qui se traduisent par la rédaction de synthèses provisoires; enfin la recherche méthodique accompagnée par de l'expérimentation à la fois sur le terrain et en laboratoire, ainsi que par de l'enseignement que couronne la publication de véritables traités. uploads/Geographie/ karstologie-et-speleologie-pdf.pdf

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