DU MÊME AUTEUR VOYAGE EN TERRE DURABLE. UN TOUR DU MONDE DES ALTERNATIVES ÉQUIT

DU MÊME AUTEUR VOYAGE EN TERRE DURABLE. UN TOUR DU MONDE DES ALTERNATIVES ÉQUITABLES ET ÉCOLOGIQUES, Glénat, 2007. VOYAGES AUX SOURCES DE LA MODE ÉTHIQUE, Ulmer, 2009. AUX SOURCES DE L’ALIMENTATION DURABLE. NOURRIR LA PLANÈTE SANS LA DÉTRUIRE, Glénat, 2010. MANGER LOCAL. S’APPROVISIONNER ET PRODUIRE ENSEMBLE (avec Cécile Cros), Actes Sud, 2011. VANDANA SHIVA. VICTOIRES D’UNE INDIENNE CONTRE LE PILLAGE DE LA BIODIVERSITÉ, Terre vivante, 2011. (R)ÉVOLUTIONS. POUR UNE POLITIQUE EN ACTES, Actes Sud, 2012. VANDANA SHIVA. POUR UNE DÉSOBÉISSANCE CRÉATRICE, Actes Sud, 2014. LE POUVOIR D’AGIR ENSEMBLE, ICI ET MAINTENANT (avec Rob Hopkins), Actes Sud, 2015. TRAQUE VERTE. LES DERNIÈRES HEURES D’UN JOURNALISTE EN INDE, Actes Sud, 2017. LE CERCLE VERTUEUX, ENTRETIENS AVEC NICOLAS HULOT ET VANDANA SHIVA, Actes Sud, 2018. © ACTES SUD, 2019 ISBN 978-2-330-11878-5 LIONEL ASTRUC L’Art de la fausse générosité La Fondation Bill et Melinda Gates récit d’investigation postface de Vandana Shiva Remerciements Un cercle restreint de quelques milliardaires détient un pouvoir insoupçonné et une grande capacité de nuisance. À eux seuls, ils freinent la lutte contre le réchauffement climatique et les avancées de la justice sociale. Lorsque l’engagement citoyen se cantonne au changement de nos comportements individuels – certes essentiel –, ces patrons de multinationales sont rassurés : leur domination reste intacte. Dans ce contexte de mobilisation insuffisante, Vandana Shiva incarne, depuis trente ans, un rapport de force sans concession et fait souffler un vent de réalisme sur l’écologie. Elle m’a donné l’idée de cette enquête et je lui en suis très reconnaissant. Ce livre doit aussi beaucoup au rapport rédigé par Mark Curtis. Cet écrivain, historien et journaliste d’investigation britannique fut auparavant chercheur à l’Institut royal des affaires internationales. Comme l’écrit le Guardian : “Curtis est un journaliste courageux qui révèle des vérités dont les puissants préféreraient qu’elles demeurent tues.” Il est l’auteur du rapport intitulé Gated Development: Is the Gates Foundation always a force for good? publié par l’association Global Justice Now. Cette enquête a été réalisée en 2016 et certaines données ont évolué. Mais elle reste fidèle à la réalité. Je remercie sincèrement cette ONG et son représentant, Nick Dearden, pour leur aimable autorisation d’utiliser ce rapport parmi les sources de ce livre. De nombreux documents étayent ce récit d’investigation et il me serait impossible de remercier tous ceux qui se sont penchés sur cette affaire. Parmi eux, j’aimerais citer Grain, The Ecologist, The Lancet ou encore la sociologue Linsey McGoey qui a étudié en profondeur les mécanismes du “philanthrocapitalisme” et ses racines historiques. À la maison, Bill Gates s’est virtuellement invité à notre table à de nombreuses reprises. Je remercie mes enfants, Romy et Gaspard, et ma femme, Nina, d’avoir accueilli cet insolite Monsieur Parfait. L’écriture s’est aussi déroulée chez Marie et Alain, au milieu de l’effervescence mensoise : le bonheur ! Merci les amis ! Émeline Lacombe et Jean-Paul Capitani qui ont édité ce livre m’ont apporté un soutien indéfectible dès l’évocation du projet et jusqu’à sa publication. Je les embrasse aussi. Enfin, je ne sais pas si je dois remercier ce énième journaliste qui, une fois encore, a évoqué Bill Gates comme le plus grand bienfaiteur de tous les temps, ou si je dois l’envoyer au diable tant ce tic m’exaspère. La lecture de son article dans le supplément “Mécénat” d’un grand quotidien fut “la fois de trop” qui acheva de me décider à écrire. Puisse ce livre nous éviter ce réflexe. INTRODUCTION. PLUS DE MAL QUE DE BIEN Bill Gates jouit d’une réputation inébranlable auprès du grand public et d’une forme de vénération dans certains milieux. Sa vie a construit l’archétype de la success story entrepreneuriale et a déjà inspiré plusieurs générations de chefs d’entreprise. Racontée au début de ce livre, son histoire est d’abord celle d’un adolescent surdoué qui excelle en classe le jour et, la nuit, joue au poker et s’introduit au lycée pour avoir accès à un ordinateur (appareil encore rarissime à la fin des années 1960) et pirater les systèmes informatiques. Étudiant, il crée Microsoft au prix d’un travail acharné pour concrétiser ses intuitions visionnaires. Les débuts de l’entreprise sont émaillés de bluffs insensés, de nuits passées le nez dans une machine, de bugs informatiques de dernière minute : une véritable épopée qui a contribué à révolutionner nos vies, à placer dans chaque foyer, sur chaque bureau, un ordinateur personnel. Mais ce parcours qui semble sorti de l’imagination d’un scénariste dépasse la simple histoire d’une fortune. En 2000, cet emblème de la réussite, du génie informatique et de l’accumulation de richesses se transforme soudainement en l’homme le plus généreux aux yeux du monde lorsqu’il crée sa fondation. Un premier article du New York Times annonce alors qu’“aucun des grands philanthropes du passé n’avait jamais autant donné durant toute sa vie que Bill Gates à quarante-quatre ans1”. Puis cette mue prend forme, dans le discours des médias et l’imagerie populaire, en décembre 2005, lorsque la couverture du magazine Time choisit le couple Bill et Melinda Gates (et le chanteur Bono) comme personnalités de l’année du fait de leur action “en faveur de la justice dans le monde2”. Leurs portraits en couverture agissent alors mieux qu’aucune campagne de communication. Depuis lors, les grands médias font régulièrement appel à cette référence : le géant de l’informatique est vu comme une icône de la générosité. Faites l’expérience autour de vous : remettre en question l’altruisme de Bill Gates semble impensable tant son image de bienfaiteur a été patiemment bâtie et efficacement relayée. Mais quelle que soit l’ampleur d’une réputation, les faits sont têtus. Ils finissent un jour par s’imposer et faire surgir un visage plus complexe, un autre pan de la réalité. En l’occurrence, les opérations philanthropiques de la Fondation Bill et Melinda Gates s’apparentent à un outil au service des multinationales les plus nocives pour l’environnement, la santé et la justice sociale, et parfois également au service des intérêts économiques de Bill Gates lui-même. Ce livre en apporte la démonstration en suivant, depuis leur source, les flux financiers qui alimentent les actions dites “caritatives” de la Fondation. En descendant ce fleuve obscur, au gré des courants, vous découvrirez finalement la simplicité du tour de passe-passe de Bill Gates. Chacun des affluents qui se jettent dans ces eaux apporte son lot d’évitements fiscaux, de conflits d’intérêts, de pratiques illicites, d’arrangements illégaux et finalement d’emprise sur des enjeux vitaux. La source principale de cette fortune, Microsoft, a appuyé son modèle économique sur le brevetage et l’utilisation abusive du monopole. Plus en aval, le contournement du fisc et le recours aux paradis fiscaux rapportent des revenus très substantiels et privent au passage les gouvernements de leur propre capacité d’action3. Un peu plus bas le long de ce parcours interviennent les “dons” faits par Bill et Melinda à leur propre organisation : la Fondation Gates. Là encore, déception : cet argent n’est pas distribué à des œuvres caritatives. Il est confié à un fonds d’investissement qui le place dans des centaines de sociétés. Seuls les dividendes sont utilisés afin que le capital soit protégé. Parmi les secteurs qui profitent de cette manne, la Fondation Gates a choisi entre autres l’armement, les énergies fossiles, la grande distribution, les OGM ou encore les sodas : BAE Systems4, Total, BP, Walmart, McDonald’s, Monsanto, Coca-Cola, etc. Des entreprises aux antipodes des missions affichées par la Fondation : la lutte contre la pauvreté et la protection de la santé. Une fois les dividendes de ces investissements récoltés, comment sont-ils employés ? Bill Gates a la conviction que la technologie et les grandes entreprises sont la solution pour sauver le monde. Il choisit de soutenir en particulier le développement des OGM, notamment en Afrique, au détriment des semences libres, de l’agriculture vivrière et des petits paysans. Sa fondation est, sur le continent africain, un véritable cheval de Troie pour Monsanto/Bayer et pour l’ensemble de l’industrie agrochimique. Dans le domaine de la santé, la Fondation mène des actions de grande ampleur contre le sida, la tuberculose et le paludisme, traduisant son obsession pour la technologie par un intérêt tout particulier pour les vaccins, au mépris de solutions moins industrielles et potentiellement tout aussi efficaces. La mainmise financière de Bill Gates sur les organisations internationales dans le domaine du développement, de la santé ou encore de l’agriculture biaise et détourne, à l’échelle planétaire, les orientations choisies par les gouvernements et les citoyens. La Fondation contourne les autorités de santé et favorise certains programmes (plus juteux à terme), certaines zones (plus riches), certaines maladies plutôt que d’autres, suscitant l’inquiétude d’ONG et de scientifiques réduits au silence par leur dépendance étroite aux fonds distribués par Bill et Melinda Gates. Malgré ce réquisitoire, la démarche de ce livre n’est en rien de diaboliser Bill Gates. Il s’agit plutôt de nous appuyer sur cette personnalité connue de tous pour illustrer une forme particulière de philanthropie qui – sous couvert de générosité – permet à quelques “super-riches” d’avoir la mainmise sur des domaines tels que la santé ou l’environnement, de renforcer le système néolibéral qui les porte, au mépris de l’intérêt général, voire uploads/Geographie/ l-x27-art-de-la-fausse-generosite-la-fondation-bill-et-melinda-gates-2019-pdf.pdf

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