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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RHU&ID_NUMPUBLIE=RHU_001&ID_ARTICLE=RHU_001_0145 Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement de loisir par Antoine LE BAS | Maison des Sciences de l'Homme | Histoire urbaine 2000/1 - n° 1 ISSN 0703-0428 | pages 145 à 162 Pour citer cet article : — Le bas A., Des piscines et des villes : genèse et développement d’un équipement de loisir, Histoire urbaine 2000/1, n° 1, p. 145-162. Distribution électronique Cairn pour Maison des Sciences de l'Homme. © Maison des Sciences de l'Homme. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Antoine Le Bas Des piscines et des villes : gene `se et de ´veloppement d’un e ´quipement de loisir E ´ voquant l’ave `nement de la ville industrielle au xixe sie `cle, Maurice Agulhon souligne le passage concomitant des jeux ruraux d’Ancien Re ´gime aux sports modernes par cette formule : « Le sport est ne ´ a ` la ville et de la ville 1. » Cette mutation s’amorce avec l’e ´mergence d’une concep- tion humaniste de l’e ´ducation : Rabelais fait pratiquer a ` Gargantua des exercices physiques 2. Mais, pour ce faire, son he ´ros doit se rendre aux portes de Paris (Gentilly, Montrouge, Vanves, Boulogne, Saint-Cloud...) car la ville moderne, trop dense pour des exercices physiques de plein air, cre ´e des besoins qu’elle ne peut satisfaire. S’il est possible d’y prati- quer chez soi des sports comme l’escrime, la lutte ou l’e ´quitation (dans des mane `ges prive ´s), courses et jeux de balle ne trouvent la place ne ´cessaire dans une ville ou ` les rares espaces vacants sont les cimetie `res et une voirie exigue ¨ 3 ; seul, le jeu de paume semble, d’ailleurs, avoir eu droit de cite ´ sous l’Ancien Re ´gime. L’essor de la ville industrielle, avec sa densite ´ de ´mogra- phique, son univers pollue ´, rythme ´ par le travail, suscite l’e ´mergence d’une forme e ´minemment urbaine de loisir, le sport moderne 4. Car, a ` la diffe ´- rence des exercices pratique ´s hors des murs, en terrain libre (le « champ de Mars »), par des soldats caserne ´s en ville, le sport, pour s’affirmer et se constituer en discipline autonome, doit s’e ´dicter des re `glements, se doter de statuts, mais d’abord, se cre ´er un cadre spe ´cifique, seul a ` me ˆme d’au- thentifier la performance. Le sport repose sur la foi dans le progre `s 1 . Maurice Agulhon, « La ville de l’a ˆge industriel », Histoire de la France urbaine, 2e e ´d., Paris, Le Seuil, 1998, vol. IV, p. 456. 2. Franc ¸ois Rabelais, La vie tre `s horrificque du grand Gargantua, pe `re de Pantagruel, Repr. de l’e ´d. de 1534, Paris, Le Livre de poche. 3. Que l’on songe, seulement, que la rue de la Ferronnerie, tenue pour la plus large de l’e ´poque, connaissait des embarras qui furent fatals a ` Henri IV ! 4. Julia Csergo, « Extension et mutation du loisir citadin, xixe-de ´but xxe sie `cle », Alain Corbin, L’Ave `nement des loisirs : 1850-1960, Paris, Aubier, 1995, p. 121-170. humain, ce dogme du xixe sie `cle qui a ses exigences. Ainsi, des activite ´s jusqu’alors pratique ´es dans la nature et sans cadre re ´glementaire requie `- rent, pour gagner en efficacite ´, e ´ducation et me ´thode ; surtout, ces exer- cices exigent un cadre spe ´cifique garant de la continuite ´ de l’effort, de l’e ´quite ´ des compe ´titions et de la mesure de la performance : les ba ˆtis- seurs de la ville moderne vont ainsi engendrer piscines, gymnases, hippo- dromes et stades qui s’ajouteront aux lieux, plus ou moins nouveaux, du loisir urbain (cabarets, guinguettes, cirques, the ´a ˆtres...). C’est, toutefois, aux seules piscines que nous nous inte ´resserons dans ces pages, pour observer combien cet e ´quipement sportif doit son invention et ses me ´ta- morphoses aux progre `s de la civilisation urbaine. Baignade, bains-douches et natation L’invention de la piscine comme espace sportif rele `ve moins d’une tardive rede ´couverte de la civilisation antique que d’une lente e ´volution de pratiques urbaines dont la conjonction aboutira a ` notre conception moderne du sport. La baignade en rivie `re est, certes, vieille comme le monde, mais ne ressemble ni a ` un sport ni a ` un loisir spe ´cifiquement urbain ; c’est une activite ´ aquatique dont la motivation peut e ˆtre hygie ´- nique ou ludique, voire les deux. Sous l’effet d’une se ´gre ´gation sociale croissante, et avec le progre `s de sentiments tels que la pudeur 5, on dis- tingue a ` Paris sur la Seine, a ` la fin de l’Ancien Re ´gime, des bains popu- laires et collectifs, ainsi que des bains individuels re ´serve ´s a ` une socie ´te ´ aise ´e. Apre `s l’interdiction de la baignade libre en Seine intra-muros (ordonnance de police du 3 juin 1783), la premie `re moitie ´ du xixe sie `cle voit se multiplier des bains collectifs et des e ´coles de natation constitue ´es de plusieurs nefs. L’assemblage de quelques embarcations de ´termine un bassin rectangulaire prote ´ge ´ des regards exte ´rieurs par une palissade, et ceint d’une galerie inte ´rieure porte ´e par de fines colonnes de bois. Tous ces e ´tablissements proposent cabines de de ´shabillage, rotonde a ` usage de salon, et des services divers (restaurant, salon de massage, coiffeur...). Paris n’a pas l’apanage de ce genre d’e ´tablissement, et d’autres villes traverse ´es par un fleuve en posse `dent, comme cette e ´cole de natation re ´alise ´e a ` Bordeaux et publie ´e dans la presse architecturale 6. Ces installa- tions perdurent jusqu’a ` la fin du xixe sie `cle – les dernie `res ne disparaı ˆtront 146 / Histoire urbaine - 1 / juin 2000 5. Alain Corbin, « Le Secret de l’individu », Histoire de la vie prive ´e, 2e e ´d., Paris, Le Seuil, 1999 vol. IV, p. 389-418. 6. « E ´cole flottante de natation re ´alise ´e a ` Bordeaux : projet de l’architecte J. Lafargue, 1844 », Revue ge ´ne ´rale de l’architecture et des travaux publics, vol. 5, pl. 25-26. qu’a ` la fin du xxe sie `cle avec le naufrage de la piscine Deligny – mais se trouvent concurrence ´es de `s les anne ´es 1860 par des installations tirant parti de la distinction, qui s’impose alors, entre pratique hygie ´nique et exercice physique. La multiplication des bains hors rivie `re doit alors beaucoup a ` l’extension du re ´seau d’alimentation en eau dont les progre `s de ´cisifs sont re ´alise ´s vers 1860 par l’inge ´nieur Belgrand 7. Selon la clarifi- cation qui s’ope `re alors, bains chauds couverts, e ´tuves et autres saunas se de ´veloppent en ville pour le confort et l’hygie `ne des citadins, comme en atteste Labe ´dollie `re 8 dont Le Nouveau Paris recense en 1860 bains hydro- the ´rapeutiques, bains Tivoli, bains alge ´riens, bains russes, bains turco- romains 9. Ailleurs, des bains publics se trouvent associe ´s a ` des logements, comme ceux pre ´vus a ` Mulhouse par E ´mile Muller pour ses cite ´s ouvrie `res 1 0 ; il s’agit la ` d’installations hygie ´niques consistant en bains-douches, le plus souvent lie ´es a ` des blanchisseries, qui se rapportent donc plus a ` des e ´quipements d’hygie `ne et de salubrite ´ 11 qu’a ` quelque construction sportive. D’autre part, l’affirmation progressive de la natation comme pratique sportive engendrant les premiers vrais bassins de natation, se re ´ve `le tributaire de l’e ´volution d’une socie ´te ´ industrielle et urbaine dont rendement et progre `s semblent les maı ˆtres mots. Des piscines novatrices pour le secteur e ´ducatif Car la reconnaissance de la natation au rang des sports doit beaucoup aux re ´flexions et aux de ´marches de promoteurs (colonel Amoros, par exemple) qui ne me ´nagent pas leurs efforts pour la doter de me ´thodes et de normes susceptibles de l’imposer aux pouvoirs publics. Sous la Restau- ration et la monarchie de Juillet, hie ´rarchie militaire et responsables de l’instruction publique s’inte ´ressent, a ` plusieurs reprises, a ` l’enseignement de la natation 12 ; mais, malgre ´ des instructions multiples, l’enseignement de la natation a ` l’arme ´e doit se faire en rivie `re, faute d’e ´quipement. 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