Version classique Version mobile ● 5078 livres ● 76 éditeurs ● auteurs Résultat
Version classique Version mobile ● 5078 livres ● 76 éditeurs ● auteurs Résultats par livre Résultats par chapitre Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman IREMAM - UMR 7310 - CNRS/Aix Marseille Université Le grand capital privé marocain 12 L’Islam entre le contrôle de l’état et les débordements de la socié... Le Maroc actuel | Jean-Claude Santucci IV - État et changement social : tensions et nouveaux enjeux Rechercher dans le livre Table des matières Citer Partager Cité par ORCID Info Ajouter à ORCID Les révoltes urbaines Jean-François Clément p. 393-406 Texte Notes Notes de fin Auteur Texte intégral ● * Professeur agrégé. Ecole d’Architecture. Nancy. 1Note portant sur l’auteur* ● 1 Troin (Jean-François), "Essai de bilan des recherches urbaines au Maghreb" in Maison de l’Orient, (...) ● 2 Hourcade (Bernard), "Géographie de la révolution iranienne", Paris, Hérodote, n° 18, 1980, p. 16-4 (...) ● 3 Escallier (Robert), Citadins et espace urbain au Maroc, Tours, Centre d’études et de recherches UR (...) ● 4 Naciri (Mohamed), "L’aménagement des villes peut-il prévenir leurs soubresauts" ? in Kenneth Brown (...) 2Des recherches très intéressantes, notamment dans la longue durée, ont été consacrées à diverses villes marocaines. Mais on remarque tout de suite qu’elles ne mentionnent pas les crises plus ou moins violentes qu’elles ont connues. C’est que l’histoire des tensions ou des affrontements sociaux que l’histoire a enregistrés dans le milieu urbain marocain est à peine esquissée. Et cette remarque préalable peut s’appliquer aussi bien aux travaux des géographes qu’à ceux des historiens. Deux faits à signaler : le premier fait, c’est que la rubrique révolte urbaine n’apparaît pas dans le bilan des recherches urbaines au Maghreb qui a été publié par Jean-François Troin1. Et effectivement la situation de la recherche est très différente de ce qu’on observe pour le Proche-Orient. Les géographes d’Urbama qui, à Tours, se sont spécialisés dans l’étude du monde arabe, ont peut-être produit quelques travaux sur la crise urbaine au Maroc mais on chercherait en vain une étude analogue à celle publiée par Bernard Hourcade sur la géographie des émeutes urbaines en Iran2. On dispose actuellement d’une très bonne thèse sur l’espace des villes marocaines écrite par Robert Escallier3. Mais il n’y a pas de travail d’importance comparable qui analyserait spatialement les tensions urbaines. C’est à peine si on dispose d’articles récents comme ceux du géographe de Rabat, Mohamed Naciri4. ● 5 Morsy (Magali), "Comment décrire l’histoire du Maroc ? ", Rabat, Bulletin économique et social du (...) ● 6 Cahen (Claude), "Mouvements populaires et autonomisme urbain dans l’Asie musulmane au Moyen-Age", (...) ● 7 Berque (Jacques), Ulémas, fondateurs, insurgés du Maghreb, xviie siècle, Paris, Sindbad, 1982, 297 (...) 3Deuxième fait, souligné il y a quelques années par Magali Morsy : aucun historien n’a jamais écrit une histoire des révoltes urbaines au Maroc5. Certes il y a un grand nombre de monographies qui décrivent l’histoire urbaine mais il n’y a pas l’équivalent des travaux de Claude Cahen ou d’Ira Marvin Lapidus6. On en est donc réduit à ne pouvoir provisoirement formuler que des hypothèses de travail. Car il n’est pas simple, si on ne veut pas projeter des schémas anachroniques, de comprendre des révoltes anciennes qui se développaient dans les villes sans classes sociales, où même la stratification sociale était très faible et où l’identification de l’individu se faisait par une appartenance à un groupe agnatique et par sa place dans une division trifonctionnelle des tâches groupées autour des trois pôles de la prière, de la fabrication et des échanges7. ● 8 Dufourcq (Charles-Emmanuel), L’Espagne catalane et le Maghreb aux xiiie et xive siècles, Paris, P. (...) ● 9 Lacoste (Yves), Ibn Khaldûn ou la naissance de l’Histoire, Paris, Maspero, 1966, p. 159-176. 4L’étude des révoltes médiévales et des causes de leurs échecs poserait pourtant un problème fondamental. Celui-ci a été énoncé autrefois par Ch.-E. Dufourq8. Comment expliquer clairement le fait suivant : alors qu’en Europe un système d’autonomie municipale s’est développé dès le Moyen-Age, les villes achetant leurs franchises pour sortir de l’espace contrôlé par le système féodal, cette autonomisation n’a jamais existé au Maroc sinon comme un fait exceptionnel qui était plutôt le signe de la faiblesse du pouvoir étatique ? Poser une telle question, c’est s’interroger à la fois sur les dynamiques étatique et sociale, sur des causes de blocage qu’Ibn Khaldûn aurait peut-être soupçonnées, si du moins on en croit la lecture qu’en fait Yves Lacoste9. Les enjeux d’une telle question sont énormes. On comprend donc la prudence des historiens. ● 10 Coindreau (Roger), Les Corsaires de Salé, Paris, Société d’éditions géographiques, maritimes et co (...) 5Pour le début des temps modernes, on pressent qu’il faut bien distinguer les villes de l’intérieur dépendantes de leur hinterland rural et les villes côtières. Celles-ci purent parfois s’émanciper en raison des revenus tirés du commerce maritime ou de la piraterie dans les périodes de faiblesse des pouvoirs étatiques. Ce fut aussi le cas, et très tôt dans l’histoire, des ports sahariens. Au nord du pays, Tétouan put acquérir une autonomie au xviie siècle sous le règne des al-Naksîs. La ville se révolta une nouvelle fois en 1727 sous la conduite de Lûqâch. Ce fut aussi le cas des deux "républiques" de Rabat-Salé qui connurent après 1627 un système municipal analogue à celui de la ville andalouse de Hornachos, avec un conseil municipal de douze membres dirigé par un grand amiral qui joua le rôle de maire de cette commune. Il y eut une double élection annuelle dans la première république. La deuxième république s’est construite autour de l’institution d’un conseil municipal de seize membres. Elle fonctionna jusqu’en 1636. Après la conquête de la ville par les ‘ulamâ’ de Dila, cette institution municipale fut formellement laissée en place mais elle fut vidée de toute signification institutionnelle puisqu’un caïd coiffa l’ensemble10. ● 11 Potocki (Jean), Voyages en Turquie et en Egypte, en Hollande et au Maroc, Paris, Fayard, 1980, p. (...) ● 12 Morsy (Magali), op. cit., p. 128. 6L’histoire de ces périodes d’autonomie locale est aujourd’hui occultée. Mais à la fin du xviie siècle, elle était encore très présente dans la mémoire collective. C’est ainsi que Jean Potocki nota à l’occasion d’un voyage le"fait suivant : "les habitants de Fez, qui ont conservé la politesse et les arts des anciennes dynasties dont elle était la résidence, et les habitants des villes maritimes, qui la plupart sont issus des maures civilisés de l’Espagne, haïssent les sauvages de la Cour. Ils tendent vers un gouvernement municipal et se rappellent d’avoir vu Salé prospérer sous un gouvernement républicain. Téouan a joui du même avantage sous les règnes orageux de Mohamed Deby et Abdallah et ces temps n’y sont point sortis de la mémoire"11. On comprend pourquoi les canons des fortins, autour de Fès, sont dirigés vers la ville et non vers la campagne. Aussi Magali Morsy eut-elle raison d’affirmer : "le problème historique est donc non l’évolution de la ville mais la mise en échec de sa réalisation à la fois par le pouvoir royal et par les tribus, le souverain invoquant la menace de celles-ci pour contenir les villes et au besoin pour les réduire"12. ● 13 Ceci explique des tensions très vives entre les commerçants des villes et les fermiers, entre l’Et (...) ● 14 Berque (J.), op. cit., p. 263. 7Selon un relevé fait par cette même historienne, il y eut au xviie siècle trois fois plus de révoltes urbaines que de soulèvements ruraux. Et les deux tiers de ces révoltes eurent pour cadre la ville de Fès. On ne connaît pas toujours très bien les causes de ces révoltes anciennes. On peut les penser liées aux aléas de la production agraire eux-mêmes dépendants du climat. On sait, d’après les recherches de Roland Mousnier, que le climat fut en général clément au sud de la méditerranée au xviie siècle alors que ce fut l’inverse au xixe siècle. Cela peut expliquer un enrichissement des villes et donc leurs vélléités d’émancipation comme cela peut expliquer la prédominance des révoltes rurales au xixe siècle. Mais les chroniques de l’époque donnent de tout autres causes. Elles insistent sur des facteurs économiques liés aux politiques étatiques. C’est ainsi que des soulèvements ont lieu après la monopolisation des esclaves privés au profit de l’Etat, ce qui augmenta brutalement le prix de la main-d’œuvre. Mais l’autre facteur-clé est la mainmise de l’Etat sur le commerce international par un système de fermes de la laine, du tabac et de la cire, avec la mise en place d’un réseau de commerçants patentés, souvent juifs, dépendants directement du souverain et donc l’essentiel des bénéfices est détourné de la ville vers l’Etat13. Lorsqu’on aura entrepris sérieusement l’étude des acteurs de ces anciennes révoltes, de leurs motivations et de leurs actes, on risque fort d’avoir des surprises. Comme le disait J. Berque à propos d’un des leaders d’une des révoltes du xviiie siècle, ‘Abd al Khâlîq ‘Adiyyîl, "lui et ses émules appellent de nouvelles recherches"14. ● 15 Laroui (A.), "Les révoltes urbaines" in Les origines uploads/Geographie/ le-maroc-actuel-les-revoltes-urbaines-institut-de-recherches-et-d-x27-etudes-sur-le-monde-arabe-et-musulman.pdf
Documents similaires
-
16
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 24, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
- Taille du fichier 0.1879MB