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HAL Id: hal-00375859 https://hal-univ-artois.archives-ouvertes.fr/hal-00375859 Submitted on 16 Apr 2009 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Le village planétaire. Maxime Szczepanski To cite this version: Maxime Szczepanski. Le village planétaire. : Variations sur l’échelle d’un lieu commun.. Mots: les langages du politique, ENS Éditions (Lyon), 2003, pp.149-156. ￿hal-00375859￿ 1 M. Szczepanski / Le village global – Variations sur l’échelle d’un lieu commun / Mots / 2003 Maxime Szczepanski Conservateur des bibliothèques SCD de l’université d’Artois CURAPP – UMR 6054 Université de Picardie Article paru dans la revue Mots – Les langages du politique, n°71, mars 2003, p. 149-156. Le village planétaire. Variations sur l’échelle d’un lieu commun Carlos Argentino [...] entreprit, au bout de quelques petits verres, une défense de l’homme moderne. - Je l’évoque, dit-il avec une animation un peu inexplicable, dans son cabinet d’étude, comme qui dirait dans la tour de guet d’une ville, muni de téléphones, de télégraphes, de phonographes, d’appareils de radio, de cinémas, de lanternes magiques, de glossaires, d’horaires, de promptuaires, de bulletins… Il fit observer que pour un homme ainsi pourvu l’acte de voyager devenait inutile : notre XXè siècle a transformé la fable de Mahomet et la montagne ; les montagnes, à présent, convergent sur le moderne Mahomet. J.L. Borges, L’Aleph, 1949 Depuis Marshall McLuhan et Quentin Fiore (1), la formule « village planétaire » a connu un réel succès. Utilisée dans des textes à caractère savant ou journalistique, cette métaphore commode mais saisissante résume notamment, sous la plume de ses nombreux utilisateurs, les progrès réalisés depuis plus de trente ans dans les sciences de l’information et de la communication. Associées à l’essor croissant des échanges économiques et culturels, ces dernières offriraient désormais à chaque individu la possibilité d’être directement « connecté » avec le reste de la planète, renouant ainsi avec les idées de proximité et de communauté propres aux sociétés villageoises. 2 M. Szczepanski / Le village global – Variations sur l’échelle d’un lieu commun / Mots / 2003 Cet article ne portera pas sur la généalogie de cette expression mais tentera de s’interroger, à grands traits, sur quelques-unes des implications spatiales et sociales qu’elle sous-tend. A la banalité de ce qui constitue l’un des principaux lieux communs du discours sur la mondialisation, topique repris régulièrement afin de désigner une Terre enfin mondialisée/occidentalisée, répond en creux l’idée d’un profond bouleversement des échelles spatiales traditionnelles. Si la surface du globe, jusqu’alors – mais depuis peu – perçue comme un assemblage fini et hétéroclite de territoires de toutes tailles, acquiert les caractéristiques du village – expression paradigmatique du lieu – alors c’est l’ensemble de notre rapport à l’espace, et donc à la distance, qui est remis en cause : que deviennent des catégories de l’expérience aussi élémentaires que l’ « ici », le « là-bas » ou l’ « ailleurs » dans un monde où le sens et la réalité de ces mots deviennent de plus en plus flou ; où la mobilité, selon Jean Viard (2), « [...] télescop[e] le proche et le lointain, le passé et le futur, plong[e] le présent dans l’abîme » ? Au-delà du cliché, l’expression « village planétaire » signifierait que du plus petit point de l’espace (le lieu) au plus grand (la Terre) il y aurait absence de niveaux intermédiaires ; plus encore, que la notion même d’échelle perdrait sa pertinence, transcendée par un espace local mondialisé où la contiguïté deviendrait la norme. Si cette deuxième interprétation relève encore de l’utopie, force est de constater les incertitudes et remises en cause qui pèsent sur des niveaux maintenant jugés intermédiaires. Pris dans ce que certains (3) appellent un processus de « glocalisation », l’échelon national verrait ainsi sa légitimité contestée à la fois par le « local » et le « global ». Et ce sont bien ces deux termes qu’il convient d’analyser quand on parle de « village planétaire », autant pour ce que chacun représente que pour la signification nouvelle qu’ils prennent, accolés l’un à l’autre. Les recompositions du local Nombreux sont les ouvrages traitant de la nature de l’espace local, et presque aussi nombreuses les significations qu’on lui accorde. Une première ambiguïté est liée à la présence de deux noms dont le sens se recoupe partiellement : le lieu, « portion déterminée d’espace » (4), et le local, adjectif substantivé du précédent. Avant de qualifier (vers 1789) un « bâtiment, [un] lieu servant à un usage déterminé » (5), le local avait le sens (hors d’usage, selon le Robert), de « lieu considéré dans ses caractéristiques » (vers 1731). Avec l’introduction, depuis le début 3 M. Szczepanski / Le village global – Variations sur l’échelle d’un lieu commun / Mots / 2003 des années quatre-vingt, du terme « local » comme dimension spécifique de la société (on dit « le » local comme on dit « le » politique (6)), la distinction avec le lieu a, nous y reviendrons, perdu de sa netteté. Ces prémices étymologiques laissent à peine entrevoir, cependant, toute la richesse sémantique et symbolique qui entourent ces deux mots et leurs dérivés. Selon une première approche, que l’on qualifiera de substantialiste, le lieu correspond à une fraction unique, nommée, localisable, de l’espace terrestre. Séparé des autres lieux par des limites physiques (cours d’eau, montagnes, vallées…) ou administratives (frontières communales ou cantonales…), il recèle une certaine homogénéité (architecturale ou paysagère, économique ou politique…) favorisant le lien entre espace de proximité – celui des relations sociales quotidiennes des habitants – et distance géographique. L’élément essentiel de la mobilité, ici, reste la marche ou même l’automobile. On peut ainsi postuler la corrélation quasi parfaite entre l’espace du lieu (qui répond à la question « où ? » (7) et figure sur les cartes) et l’espace du local (qui correspond aux usages du lieu par ceux qui y vivent) : tous deux font sens, pour les habitants, comme un seul et même espace auquel ils attachent un sentiment mutuel d’appartenance. A cette conception, ciment de ce qu’Alain Bourdin (8) appelle la « vulgate localiste », pourrait s’ajouter une interprétation relationnelle du lieu. Fondée non plus sur un substrat clos, homogène et stable dans l’espace comme dans le temps, cette vision de l’espace local fait de la mobilité l’élément constitutif des modes de vie contemporains. Mobilité accrue des hommes, bien sûr, mais aussi des communications (idées, informations…), de la culture, des échanges économiques : à bien des égards, la sédentarité et l’attachement traditionnel au lieu relèvent désormais plus, dans les esprits contemporains, du handicap que de l’atout. Saisi par le mouvement, le local de chacun d’entre nous prend, selon J. Viard, l’aspect d’un archipel, et « notre monde est bribes et morceaux sans continuité, un immense patchwork, un monde à lire en rhizomes, réseaux, fragments » (9). Le vocabulaire réticulaire semble bien être le seul à pouvoir qualifier une réalité où le relationnel, la connexion, ont pris le pas sur le substantiel : je me meus, donc je suis. La distinction entre espace du local et espace du lieu prend tout son sens, dès lors qu’un individu voit sa « localité » (entendue comme la substantivation du « local », et non comme synonyme de « commune ») éclatée en plusieurs lieux non contigus, aux frontières peu ou mal définies. Inversement, à un même lieu 4 M. Szczepanski / Le village global – Variations sur l’échelle d’un lieu commun / Mots / 2003 correspond une pluralité d’usages parfois fort divers, et la ville représente de manière emblématique cette juxtaposition de pratiques, d’appropriation variée, parfois exclusive, de l’espace urbain. Georg Simmel (10) a théorisé, dès le début du 20ème siècle, « [...] la posture mentale de l’habitant des grandes villes ». Ce dernier, afin d’éviter les multiples situations d’interaction potentielles, « [...] comme dans la petite ville où l’on connaît presque chaque personne rencontrée et où l’on a avec chacune un rapport positif [...] », adopte une attitude de « réserve », c'est-à-dire d’indifférence, vis-à-vis des autres. A bien des égards, l’accentuation des processus de mobilité dans nos sociétés renforce cette individuation des rapports même si, de fait, la révolution de la mobilité reste encore, pour la plus grande partie de l’humanité, un rêve inaccessible. Elle a ses héros, « mobiles » polyglottes habitant New York, Londres ou Paris, faisant du lointain leur champ de proximité, et ses laissés pour compte, sédentaires rayés de la carte par les effets tunnel (11). L’émergence du global A l’opposé de ces subtiles distinctions, le global paraît plus simple à circonscrire. Adjectif substantivé tiré du nom « globe », il se distingue peu, aujourd’hui, des mots voisins « uploads/Geographie/ le-village-global-m-szczepanski.pdf

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