Alors que je préparais ce livre, en 2 0 2 0 , le monde a connu une pandémie de
Alors que je préparais ce livre, en 2 0 2 0 , le monde a connu une pandémie de Coronavirus. Un minuscule virus, invisible à l’œil nu, a bloqué la planète. Tout s’est arrêté. Les gens ont dû rester chez eux durant plusieurs semaines. Les trains ne roulaient plus, les avions ne volaient plus, les voitures ne circulaient plus. Les théâtres et les cinémas ont été fermés. Les cafés et restaurants aussi. La plupart des commerces ont été contraints d’arrêter leur activité. Et cela dans tous les pays du monde. Tu as vécu cette épreuve confiné à la maison. Tu as dû te poser des questions. Tu as droit à quelques éclaircissements sur les origines de cette situation inattendue, grave et compliquée. L’homme s’est cru tout permis. Il a abattu des forêts, il a sali des rivières, il a jeté dans la mer des millions d’objets en plastique, il a envoyé dans l’air des particules pleines de poison, il a chassé des espèces animales rares, il a continué à épuiser les ressources naturelles pour consommer des produits dont il n’a pas besoin. En rendant la Terre malade, on se rend malade aussi. Comme beaucoup de maladies infectieuses, celle-ci a commencé par un virus qui passait d’un animal à l’homme. Ce genre de cas devient plus fréquent : les contacts se multiplient à cause de l’agriculture intensive et de la concentration de plus en plus importante de la population dans les villes. On entasse des milliers de bêtes, comme des poules ou des vaches, dans de grands bâtiments industriels, et on détruit les endroits où les bêtes sauvages vivaient. Nous avons un impact sur l’environnement et l’environnement a un impact sur nous. Et parce que tout est connecté, un petit changement peut être amplifié et transmis loin de son point d’origine, un peu comme le petit mouvement d’un fil touché par une mouche fait trembler toute la toile d’araignée. Le Coronavirus, ce microbe qui pénètre dans les poumons et peut, dans les cas les plus graves, empêcher l’homme de respirer jusqu’à ce qu’il meure étouffé, fait partie de notre monde. Il a toujours existé, et dès que l’homme néglige l’hygiène et laisse la porte ouverte aux maladies, le virus s’échappe et se répand à une vitesse extraordinaire. C’est ce qu’il s’est passé en Chine, dans la ville de Wuhan qui, au mois de janvier 2020, a constaté qu’un grand nombre de personnes étaient contaminées par un virus, le Coronavirus. Mais le virus voyage avec l’homme. Ce fut ainsi que des milliers de voyageurs à travers le monde l’ont transmis à d’autres personnes, parfois mortellement. L’épidémie est devenue mondiale ; ça s’appelle une « pandémie ». Si je te parle du Coronavirus, c’est parce que beaucoup de gens pensent que le monde ne sera plus comme avant. Il y aura un avant et un après le Coronavirus. Ce virus s’est attaqué principalement aux personnes âgées. Heureusement, il a épargné les enfants. Durant la période où tu as dû rester à la maison, tu as eu le temps de réfléchir. Tu as vu combien la vie est précieuse, comment elle peut être enlevée à ton grand-père ou ta grand-mère. Tu as vu aussi que la vie est pleine de lumière, de belles choses. Elle est belle et il faut apprendre à la garder dans sa beauté. Comment ? Il faut commencer par avoir confiance en toi-même. Tu es intelligent. Tu es sensible. Donc tu as les moyens de prendre soin de toi, de tes parents et aussi de l’environnement dans lequel tu vis. C’est une question de respect. Respect de toi-même, et respect de la nature. N’oublie jamais : prendre soin de l’environnement est une nécessité vitale. Quand je dis que c’est à toi de juger ce que tu lis, j’y inclus ce livre aussi. Tu n’es pas obligé de me croire sur parole. Je te demande seulement de regarder ce que je te propose et de décider par toi- même si tu es d’accord. Réfléchis seul, ne t’en laisse pas conter. Ne t’en laisse pas conter, ça veut dire : Ne sois pas dupe. Ne pas être dupe, c’est s’efforcer de comprendre ce qui est vrai. Tu as sans doute entendu parler des « fake news », ces informations fausses qui circulent un peu partout. J’espère que ce livre t’aidera à y voir plus clair, à te faire ton propre jugement. Cela s’appelle « l’esprit critique ». Tu verras que le thème de l’environnement revient souvent dans ce livre, comme un refrain dans une chanson. Si j’avais un vœu à faire, ce serait que tu mettes ce refrain en musique dans l’aventure de ta vie. Utilise ton esprit, sois inventif, utilise ton humour, ton imagination, ta force, ta générosité. Tu peux, par ta volonté et ton intelligence, préserver la beauté qui existe dans la vie et sur Terre, et vivre sans que l’ombre ne gagne sur la lumière. Nous pouvons remporter ce combat en étant plus sages, c’est-à- dire plus philosophes. Parce que la philosophie est « amour de la sagesse », et que ça permet aussi de changer le monde. Tahar Ben Jelloun, 2 mai 2 0 2 0 Il était une fois un homme d’un certain âge, appelé Moha. Toute sa vie, il a observé des hommes vivre. On disait qu’il était fou et sage à la fois. Cet homme est un personnage qui a une particularité : il dit en toute franchise ce qu’il pense. Il est libre, c’est- à-dire qu’il n’a plus rien à perdre, et surtout il ne dépend de personne. Il se rend dans la ville, regarde comment les hommes et les femmes vivent, comment ils se comportent, et quand il surprend une action qui ne correspond pas à la vérité, à la justice, à la dignité, il la dénonce. Ce personnage n’a ni maison (il habite dans le tronc d’un arbre centenaire), ni famille ni fortune. Il est pauvre et sa pauvreté fait de lui quelqu’un qui parle sans craindre une quelconque punition. Sa liberté est essentielle. C’est sa vie, c’est sa raison de vivre, même s’il est pauvre et accepte que des personnes généreuses lui procurent de quoi manger. Nous avons tous besoin de cette liberté. Elle est représentée ici par Moha. Nous devons tous nous approcher le plus possible de cette parole libre, qui n’est salie par aucun intérêt matériel, par aucun calcul, par aucun égoïsme. Moha est un témoin. Il observe le monde et, suivant sa raison, dit ce qu’il pense de la manière dont ce monde vit. Moha aurait pu exister du temps de Socrate, un philosophe qui parlait simplement de la vie et de ses problèmes. Socrate a vécu à Athènes 399 ans avant Jésus-Christ. C’était un sage, quelqu’un qui avait un jugement juste et sûr sur la vie et la manière de vivre. Il a été condamné par un tribunal d’Athènes pour « corruption de la jeunesse » et pour avoir douté des idoles divines ancestrales. Il est mort à 71 ans en buvant la ciguë, un poison fatal. Moha est un Socrate des Temps modernes. C’est aussi un sage, et quand il énonce des vérités qui dérangent, on dit qu’il est fou. Nous allons suivre la méthode de Moha et essayer d’expliquer ce que certains mots veulent dire, des mots qui désignent ce qu’on appelle des concepts, c’est-à-dire des représentations d’idées et de pensées. Par exemple, la sagesse est un concept. La morale est un concept. Nous allons analyser simplement, avec précision, près d’une centaine de concepts que nous utilisons dans notre vie quotidienne. La philosophie, c’est l’amour de la sagesse. Là, il y a deux mots : phílos, qui, en grec, veut dire « aimer », puis sophía, qui veut dire « sagesse ». C’est quoi, la sagesse ? Quand on dit d’un enfant qu’il est sage, cela veut dire qu’il est calme, écoute ce qu’on lui dit et ne fait rien en dehors de ce qu’il doit faire. Être sage, ici, est le contraire d’agité ou d’indiscipliné ; c’est aussi le contraire de fou. Un fou est quelqu’un qui ne possède plus sa tête, sa raison. Il fait n’importe quoi, dit n’importe quoi sans réfléchir, sans penser aux conséquences de ce qu’il dit ou ce qu’il fait. Aimer la sagesse, c’est vouloir comprendre les choses pour mieux se conduire dans la vie. Un enfant n’est pas toujours sage, heureusement. Cela ne veut pas dire qu’il est fou, mais il peut avoir une attitude qui n’est pas à cent pour cent raisonnable. Il peut par exemple être curieux et poser des questions au professeur, des questions qui peuvent paraître étranges ou déplacées. Mais c’est aussi un sage qui veut savoir. Il réclame l’attention du maître pour pouvoir comprendre ce qui lui paraît difficile. La curiosité est une qualité, une forme de sagesse. La sagesse, ce n’est pas rester immobile dans son coin. C’est être éveillé et intéressé par le cours tout en respectant les règles de la classe. L’élève sage ne va pas parler sans que ce uploads/Geographie/ la-philo-expliquee-aux-enfants-tahar-ben-jelloun.pdf
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- Publié le Sep 26, 2022
- Catégorie Geography / Geogra...
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