Ody, talismans malgaches, liens de mémoireIn: Cahiers scientifiques.Fascicule n

Ody, talismans malgaches, liens de mémoireIn: Cahiers scientifiques.Fascicule n°11. Fiche détaillée Numéro d’inventaire:REV3_2006_11_1Auteurs:Athénor Christine, Trannoy MarionÉditeur:Muséum d’Histoire naturelle de Lyon(Lyon, France)Format:physiqueAccès à la ressource:Consultable sur placePublic visé:Tous publicsCiter ce document / Cite this document:Athénor Christine, Trannoy Marion. Ody, talismans malgaches, liens de mémoire. In: Cahiers scientifiques, Fascicule n°11, 2006. pp. 5-69.http://www.museedesconfluences.fr/fr/node/760Collier de perles rouges translucides alternées de 9 couples de tronçons de bois,Madagascar, inv. 2007.0.89, collection Charles Renel, musée des Confluences (Lyon, France) Attribution -Pas d’utilisation commerciale -Pas de modification. ODY, TALISMANS MALGACHES, LIENS DE MÉMOIRE Christine ATHENOR* et Marion TRANNOY* Cahiers scientifiques - Département du Rhône - Muséum, Lyon - N° 11 (2006) p. 5-70 *Muséum-Lyon, 28 boulevard des Belges, 69006 Lyon. 5 Cahiers scientifiques n° 11 Département du Rhône - Muséum, Lyon RÉSUMÉ Les Musées sont des gardiens de l’histoire et de la mémoire par le biais des objets qu’ils conservent. Mais la mémoire se construit aussi de façon sélective et une histoire peut alors venir prendre la place d’une autre histoire. La mémoire a été retranscrite par des chercheurs et professionnels de Musées. La volonté du Muséum à Lyon est de recréer le lien avec les populations dont les objets sont issus, en écoutant leur parole. Le Musée peut faire appel à travers la parole à la mémoire et à l’actualité, en s’adressant à une même personne. Le sens de la mission du Muséum à Madagascar était de recueillir cette parole et de voir comment l’intégrer à la démarche de connaissance des objets choisis, les talismans. La réhabilitation de la parole signée se fait par sa présence dans un champ créé dans la fiche d’inventaire. Mots-clés : Talismans, ody, Madagascar, parole, Charles Renel, mise en contexte, inventaire. ABSTRACT Museums are history and memory protectors by arte- facts they keep. But the memory construction is selec- tive and a history can take place of an other history. Memory has been translated by searchers and muse- ums’ professionals. The goal of the Museum in Lyon is recreating links between populations which are at the origins of these artefacs, in listening their voices. The Museum can ask through voices memory and actuality, in talking with one person. The purpose of the Museum in Madagascar was to listen to these voices and to see how to integrate them in the knowl- edge of the artefacts. The rehabilitation of signed voices is effective by their inscription to the inventory of the Museum. Keywords : Talismans, ody, Madagascar, words, Charles Renel, put in context, inventory. De nombreux objets sont présentés ou conservés au sein d’institutions telles que les Musées. Cependant les Musées sont ancrés dans un espace et une histoire qui ne sont pas toujours ceux des objets qu’ils conservent. Les Musées, en tant qu’institutions destinées au public, doivent assurer l’étude scientifique nécessaire à la compréhension des sens de ces objets qui constituent aujourd’hui une partie importante de ce que l’on dési- gne globalement par le terme de patrimoine culturel. En effet, ils sont considérés, de façon institutionnelle, comme des éléments patrimoniaux sous deux aspects principaux : - par leur nature de témoins matériels et immatériels, d’une réflexion et d’une action humaine et de leurs rela- tions avec un environnement comme produit d’une pensée, d’un savoir-faire de fabrication et d’utilisation. - par le rapport à la mémoire qu’ils symbolisent, les reliant aux contextes singuliers qui les voient naître. La mission du Musée est alors d’interroger l’objet par le biais de sa culture, en tenant compte de son ancien- neté et de la contemporanéité des sociétés interrogées. Il s’agit en d’autres termes de présenter un ensemble cohérent parlant du passé et du présent, dans un lieu qui n’offre a priori aucune des caractéristiques du lieu d’origine de cet ensemble. A l’écoute de la parole : Dans son projet, le Muséum de Lyon souhaite déve- lopper une éthique dans les pratiques de conservation, de protection et de diffusion du patrimoine culturel en corrélation avec les préoccupations de la muséologie actuelle. Ce nouveau paradigme évoque l’enjeu de la mise en contexte des objets dans l’espace et le temps. Cependant cette démarche dans le cadre des Musées s’effectue rarement par un travail d’écoute de la paro- le des populations dont les objets sont issus. En effet, cette mise en contexte ne peut se faire sans l’implication des populations et passe nécessairement par un travail de documentation et de prise en compte de l’image que souhaite donner d’elle-même une société. Cette démarche traduit une volonté de réacti- ver le dialogue avec les sociétés concernées et elle est source de renouvellement, d’investissement et de pérennité, offrant des perspectives nouvelles dans l’élaboration des collections et des expositions. Le Muséum a souhaité faire une recherche de cette parole pour une meilleure compréhension de l’objet et de ses intentions. Ce début de réflexion a été mené autour d’une collection de talismans de Madagascar, par un travail réalisé en 2003 dans l’île par Marion Trannoy. Définition des talismans On a proposé en français de nombreuses traductions du terme ody : amulette, idole, palladium, talisman, fétiche, charme, grigri, remède, sorcellerie …, qui n’expriment pas la totalité de la réalité. Lars Vig (1969) les définit comme “Amulette, fétiche, idole, objets sacrés, tout objet censé posséder la force magique de produire des changements vitaux en bien ou en mal”. Et Françoise Raison-Jourde dans “Dérives constanti- niennes et querelles religieuses (1869-1883)” parle d’“Amulettes, remèdes, charmes, sorcellerie efficaces pour ce qui échappe aux techniques connues, et pour essayer d’intervenir sur le plan de l’aléatoire, pour ten- ter d’intervenir sur les destins, sur la volonté d’autrui”. Morphologie Dans la collection du Muséum, on retrouve les talismans sous différentes formes : - Les ody mohara, cornes de zébu ou cornes en bois sculpté dans lesquelles sont enchâssés divers ingré- dients : bois, métal, os, dents, griffes, poils, miel, terre... - Les ody, colliers talismans, assemblages de perles (de verre, cornaline...), ayant toutes des significations et étant utilisées dans différentes circonstances, de tronçons de bois, objets en métal, sections de pièces de monnaie, racines, nœuds, assemblages composites. Essence Les ody et ody mohara sont des intercesseurs. Selon certains récits malgaches, les premiers talismans sont issus des végétaux et des arbres. Certains arbres sont considérés comme sacrés et reçoivent des offrandes. D’après Charles Renel, principal donateur de ces objets au Muséum, “les talismans malgaches provien- draient d’un morceau de bois donné par le Zanahary (dieu) au premier couple humain”1. Il raconte la lutte entre deux Zanahary (ancêtres), l’un bon Andriamanitra et l’autre mauvais Andriananahary. Ils créèrent la Terre ensemble, rivalisant pour former les plus belles choses. Le premier fabriqua des chefs- d’œuvre (bœuf, bananier, la ruche avec ses rayons de miel). Le second fabriqua les oiseaux de proie, le cac- tus, le nid de guêpe. Le mauvais Zanahary s’avoua vaincu mais créa pour se venger des plantes et des arb- res aux maléfices (ody ratsy, malfaisants). Andriamanitra fit pousser d’autres arbres et plantes qui fournirent les ody de guérison (ody tsara) afin de contrebalancer cette mauvaise influence. Si ces récits insistent sur la composition végétale (racines, écorces, lianes, graines, tronçons de bois, terre...) des talismans, ces derniers se composent éga- lement de plusieurs éléments pris dans des domaines différents : animal (mâchoire, corne, cuir, poils, grif- fes, cornes, dents, coquillages, miel, graisse animale), minéral (perles de verre, pierres, cendre) auxquels l’homme ajoute ses productions (alliage fer, étain). Sémiologie Ces définitions des objets ne révèlent ni les motiva- tions de la personne qui les produit, ni les conditions de fabrication, ni les destinataires. Le travail à Madagascar voulait pallier ce manque et a permis de recueillir un flux d’informations de natures diverses à ordonner selon deux des fondements de la société malgache : le rapport aux ancêtres et l’organisation du monde. Ces ody sont intimement liés à la sphère spirituelle. Ils sont fabriqués par des praticiens appelés ombiasy ou ombiasa (devins-guérisseurs) et sont un des adjuvants qui aident l’individu à se retrouver en phase avec une organisation du monde propre à la culture malgache. Rien n’est laissé au hasard dans la répartition des êtres et des objets dans l’espace, dans les postures et les com- portements à adopter. De l’aménagement du territoire, en passant par les dates de cérémonies de mariage, jus- qu’à la structuration de l’intérieur de l’habitat, tous les éléments du monde obéissent à un ordonnancement cosmogonique : le lahatra (l’ordre normal des choses). 6 Cahiers scientifiques n° 11 Centre de Conservation et d'Etude des Collections 1Renel, Ch., 1915, "Les amulettes malgaches, ody et sampy", Bulletin de l’Académie malgache En effet, dans un certain nombre de sociétés malga- ches, l’univers est structuré en trois mondes : “Le monde supérieur (ciel), le monde intermédiaire des vivants et le monde inférieur, ces deux derniers étant partagés entre la Terre et les Eaux”. Cette partition rejoint un clivage social entre aristocrates associés aux eaux (et au ciel) et autochtones dits “maîtres de la Terre”2. Un symbolisme des couleurs et une relation particulière à certains éléments sont à rapprocher de cette structuration de l’univers : “Le rouge est associé au monde supérieur et à l’élément uploads/Geographie/ ody-gasy.pdf

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