│QUÉBEC, VILLE DE BOIS │ 2 1763 - MILIEU DU XIXE SIÈCLE : UNE ÉCONOMIE DU BOIS
│QUÉBEC, VILLE DE BOIS │ 2 1763 - MILIEU DU XIXE SIÈCLE : UNE ÉCONOMIE DU BOIS FLORISSANTE Après la conquête britannique, le marché de Londres ignore le bois canadien, jugé trop dispendieux et de qualité moindre que l’offre de ses compétiteurs des pays de la mer Baltique. Cependant, quand la France, sous Napoléon Bonaparte, frappe d’un embargo sa plus importante source d’approvisionnement en 1806 (les pays Baltiques), l’Angleterre décide de se tourner vers le Canada. À la levée de l’embargo, l’Angleterre choisit de maintenir un avantage compétitif pour le bois en provenance de ses colonies, en lui accordant un tarif préférentiel. Pendant ce temps, au Canada, le gouvernement colonial promulgue une loi sur le commerce du bois afin d’assurer la qualité du produit. Dans les années qui suivent, les exportations connaissent une forte croissance. Québec est considéré comme l’un des cinq plus importants ports du monde et le troisième en importance en Amérique du Nord. Jusqu’à 1 700 navires passent par Québec chaque année. Une centaine d’anses à bois se développent le long du St-Laurent sur une quinzaine de kilomètres, soit de Cap-Rouge à la Chute Montmorency et sur la Rive-Sud. Les exportations massives stimulent aussi la construction de grands voiliers sur les rives de la ville. À certains moments, vingt-huit chantiers sont en activité : c’est l’âge d’or de la construction navale à Québec. La ville connaît à cette époque une explosion démographique sans précédent : l’immigration est en forte croissance et la population croît de 700 % en 60 ans. De nouvelles agglomérations voient le jour, là où seront fondées plus tard Limoilou et Sillery. Le long de la falaise, de Québec à Sillery, les marchands installent souvent leurs villas, à vue de leur anse à bois. Dans les chantiers, Irlandais, Écossais, Anglais et Francophones apprennent à se côtoyer. Une population flottante importante (marins et soldats) et les immigrés profitent d’une importante infrastructure d’accueil. DÉPÔT DE BOIS PRÈS DE QUÉBEC, EN DIRECTION DU CAP DIAMANT, VERS 1838 Québec, ville de bois │section économie florissante │19 ▌LE DÉCLIN DE LA FIN DU XVIIIE À la suite de la conquête britannique, un ralentissement important de l’économie du bois est observé. Les marchands doivent reconstruire un réseau avec la nouvelle métropole, Londres. On doit rétablir la confiance envers le produit, qui est souvent comparé au bois de meilleure qualité de la Baltique, et mettre en place les conditions favorables à la croissance de l’économie du bois. En 1787, vingt-cinq ans après la conquête, bien que les Britanniques soient les plus importants constructeurs de navires au monde, seulement 16 mâts sont exportés vers l’Angleterre. Les chantiers navals de la Saint-Charles et du Saint-Laurent sont inactifs, puisque les Britanniques construisent leurs navires en Angleterre [34]. Confiant de voir éventuellement le commerce du bois relancé, le gouvernement colonial prend soin de protéger la ressource en décrétant des réserves sur certaines espèces rares, comme l’avait effectué auparavant le roi de France. À la fin du 18e siècle, le défrichement des forêts devient plus intensif. Des milliers de citoyens et soldats en provenance de la nouvelle république américaine, fidèles à la couronne britannique, trouvent refuge au Canada. De 1786 à 1809, le gouvernement colonial leur concède gratuitement 660 000 hectares des meilleures forêts de l’ouest du Québec. Ces concessions sont à l’origine d’une grande partie des forêts privées du Québec et seront mises à profit dans la relance de l’économie du bois. ▌LA RELANCE DES EXPORTATIONS DE BOIS AU TOURNANT DU XIXE SIÈCLE Dès le début du 19e siècle, certains marchands de bois anglais sentent le besoin de diversifier leurs sources d’approvisionnement. Le début des guerres napoléoniennes crée un jeu d’alliances dangereux qui risque de nuire au commerce britannique. Certains visionnaires se rendent à Québec afin d’y ouvrir un nouveau marché similaire à celui de la Baltique. Ils souhaitent en effet se prémunir d’une interruption potentielle des importations en provenance de la Baltique, principalement composées de bois équarri, de madriers et de douves. En 1806, la crainte devient réalité. L’empereur français Napoléon Bonaparte impose un blocus à l’Angleterre, l’empêchant de s’approvisionner en bois dans les pays de la Baltique. C’est tout le bois de la Finlande, la Scandinavie, la Prusse et la Russie qui ne peut plus être acheminé sur l’île Britannique. Ces régions possèdent à l’époque les plus importantes réserves de la forêt boréale et l’île Britannique y importe approximativement 300 000 mètres cubes de bois par année (213 637 loads). La situation est urgente, une grande partie de la guerre se passe sur l’eau et les besoins pour la construction navale sont sans précédent. Les Anglais se tournent alors vers leurs colonies, notamment celle d’Amérique du Nord et relancent activement les exportations de bois. Québec devient la plaque tournante du commerce du bois. Des firmes commerciales britanniques servent d’intermédiaires pour la marine britannique et recrutent des agents locaux (dont William Price [35]). Des hommes d’affaires profitent de ce contexte pour développer le transport du bois (voir capsule sur Philémon Wright) et son utilisation (voir capsule sur Henri Usborne). Dès le début du XIXe siècle, le port de Québec connaît une croissance spectaculaire. En 1807, les États-Unis, solidaires de la France, décrètent un embargo sur tous les produits destinés aux ports britanniques[27]. Trois ans après le blocus napoléonien, la Russie rompt son traité et reprend les importations avec l’Angleterre. La nouvelle économie du bois du Canada est encore une fois menacée par les exportations européennes. Toutefois, cherchant à renflouer les coffres épuisés par la guerre, à diminuer sa dépendance envers les pays baltes et à développer ses colonies, l’Angleterre opte pour une politique de prix différentiels. Elle surtaxe alors les bois qui ne sont pas en provenance de ses colonies et offre des prix préférentiels à ces dernières. La situation crée un écart substantiel entre la valeur du bois importé de la Baltique et celui des colonies, permettant de maintenir un prix compétitif pour le bois canadien. Si l’affaire est bonne pour le Canada, certains marchands britanniques voient d’un mauvais œil l’obligation de payer plus cher les ressources premières en provenance de la Baltique, considérant que le bois canadien serait de moins bonne qualité. Pour assurer la confiance des acheteurs, le gouvernement colonial fait voter en 1808 une première loi sur le commerce du bois au Canada. La loi est promulguée afin de conformer les marchands de la colonie à la demande de la «Royal Navy» et du marché Britannique. Des inspecteurs sont postés à Québec pour valider les dimensions requises et la qualité des pièces de bois. 20 │Québec, ville de bois │section économie florissante LE SAVIEZ-VOUS? PHILÉMON WRIGHT, PIONNIER DANS LE TRANSPORT DU BOIS DE L’OUTAOUAIS JUSQU’À QUÉBEC [36, 37] Alors que le commerce du bois prend de l’ex- pansion dans le Bas-Canada, Philémon Wright, agent de développement foncier, fermier et riche homme d’affaires de la région de l’Outaouais, voit une opportunité pour le déve- loppement de ses affaires. C’est lui qui mènera le premier radeau de billots venant de la vallée de l’Outaouais. En effet, dès 1806, il envoie des hommes à l’assaut des pins blancs et rouges ainsi que des chênes de l’Outaouais. Les arbres sont équarris, attachés en radeaux de 1 500 à 2 000 pièces chacun, puis lancés sur la rivière Gatineau sous la conduite des intrépides cageux, pour ensuite gagner le fleuve Saint-Laurent [38]. Afin d’éviter les chutes et les rapides qui détériorent ses pièces de bois, Wright, en s’inspirant de ce qui se fait en Europe du Nord, fabrique des glissoires. Finale- ment, les radeaux terminent leur voyage à Québec où ils sont démontés et embarqués sur des vaisseaux en partance pour l’Angleterre. Entre 1807 et 1823, Wright envoie à lui seul 300 cages à Québec [38]. Évidemment, on aura tôt fait d’imiter Wright et les pinèdes de l’Outaouais qui étaient les plus belles du Québec se mettent alors à fourmiller de bûcherons. La rivière des Outaouais et le fleuve Saint-Laurent devien- nent à cette époque de véritables autoroutes à radeaux de bois équarri. Fig. 2.1. Illustration du premier radeau de bois équarri descendant la rivière des Outaouais, au printemps 1806. FIGURE 2.2. TRAIN DE BOIS SUR LA RIVIÈRE DES OUTAOUAIS EN 1899. Cette photo met bien en évidence le transport de bois. Les cages sont rassemblées en radeaux. Ils sont équipés de petites maisons où vivaient les « cageux » durant le voyage jusqu’à Québec. Québec, ville de bois │section économie florissante │21 Quand la guerre avec la France se termine, la politique commerciale de l’Angleterre tend à restreindre ses tarifs préférentiels. À cette époque, la Grande-Bretagne est fortement influencée par les théories libres-échangistes de David Ricardo qui tend à démontrer que les politiques protectionnistes nuisent à l’économie anglaise en faisant augmenter le prix des marchandises. Les tarifs préférentiels sont donc sensiblement diminués, mais offrent toujours un avantage concurrentiel aux colonies. ▌QUÉBEC, 3E PORT EN IMPORTANCE EN AMÉRIQUE DU NORD ET MÉTROPOLE COMMERCIALE DU CANADA Pendant la première moitié du XIXe siècle, le commerce du bois s’intensifie. Entre 1810 et 1840, les exportations en provenance uploads/Geographie/ quebec-ville-de-bois-partie-2.pdf
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- Publié le Nov 23, 2021
- Catégorie Geography / Geogra...
- Langue French
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