99 DISCOURS SUR LE PSAUME XCIX. SERMON AU PEUPLE. LA JUBILATION DANS L’ÉGLISE.

99 DISCOURS SUR LE PSAUME XCIX. SERMON AU PEUPLE. LA JUBILATION DANS L’ÉGLISE. Que la terre entière soit dans la jubilation et confesse le Seigneur. Cette jubilation est l’expression inarticulée d’une joie excessive, à la vue des grandeurs de la création; mais le coeur pur comprend seul ces grandeurs, le coeur impur ne désire même pas la lumière ; pour voir il faut S’approcher, et l’on s’approche de Dieu par la ressemblance avec lui. Tout est également présent pour l’homme qui voit et pour l’aveugle, mais le résultat est bien différent. Approcher de Dieu, c’est te voir autant qu’il est possible en cette vie mortelle, c’est a source de la jubilation. Le joug du Seigneur est doux, et nous devons le servir par amour, afin d’être ainsi esclaves et libres. Servons le avec allégresse, mais ici-bas la jubilation n’est pas entière, nous sommes daims la tribulation, comme le lis au milieu des épines. Le chrétien doit-il donc se séparer des méchants pour vivre dans la solitude ? Mais d’abord ses exemples de vertu seront perdus, et puis la solitude a ses tentations, ses faux frères, ses combats, et notre paix ici-bas n’est que dans la foi aux promesses divises Ce qui nous trompe, c’est que nos voyons uniquement ou les avantages ou les inconvénients d’un genre de vie; on loue l’Eglise sans dire quelle renferme aussi des méchants ; on blâme les mauvais chrétiens salis faire attention aux bons. Il en est de même des clercs, de même des solitaires. Le Seigneur a donc raison de nous dire, que deux travailleront dans le champ du Seigneur, et que le bon seul sera admis, de même des deux à la meule, ou qui travaillent en apparence à leur salut. Sachons donc nous soumettre à Dieu, confessons nos fautes avant d’entrer dans ce bercail, où se continuera notre confession, mais confession de louanges en l’honneur de Dieu. 1. Vous avez, mes frères, entendu le psaume quand on l’a chanté; il est court et n’a rien d’obscur : je vous donne cette garantie, afin que vous n’ayez pas à craindre la fatigue. Appliquons néanmoins notre attention, et d’autant plus volontiers que nous en avons plus le temps, à pénétrer le sens de ces paroles déjà si claires, afin d’en trouver la signification spirituelle autant que nous le pourrons. Quel que soit l’organe que prenne la voix de Dieu, c’est toujours la voix de Dieu; il n’y a que sa parole qui plaise à ses oreilles ; et quand nous parlons, nous ne lui plaisons qu’à la condition qu’il parlera lui-même par notre bouche. 2. « Psaume pour la confession » : telle est l’inscription, tel est son titre: « Psaume pour la confession 1 ». Il contient peu de paroles, mais qui sont pleines d’un grand sens; puissent-elles jeter la bonne semence dans vos âmes, afin que l’on prépare le grenier céleste pour la moisson du Seigneur. Poussons des cris de joie au Seigneur, c’est là ce que veut ce psaume de la confession, c’est à quoi il nous exhorte. Or, cette exhortation ne s’adresse point à un coin de la terre, ni à quelque lieu séparé, ou à quelque réunion d’hommes; mais comme Dieu sait qu’il a 1. Ps. XCLX, 1 répandu ses bénédictions sur toute la terre, il exige de toute la terre la jubilation. 3. « Vous tous, habitants de la terre, acclamez le Seigneur 1». Est-ce que la terre entière peut entendre ma voix ? Cependant la terre entière a entendu la voix du psaume. Déjà la terre entière acclame le Seigneur, et celle qui ne l’acclame point encore, l’acclamera bientôt. Car la bénédiction qui est partie de Jérusalem avec l’Eglise naissante, se répand dans toutes les nations 2, renverse partout l’impiété pour établir la piété en tout lieu : les bons sont mélangés aux méchants, et comme les méchants sont par toute la terre, les bons aussi sont par toute la terre. Toute la terre murmure avec les méchants, comme toute la terre pousse avec les bons des cris de jubilation. Qu’est-ce que la jubilation? Car le titre de « psaume pour la confession », appelle notre attention sur cette expression du psaume. Qu’est-ce que jubiler dans la confession? Il est une autre parole du psaume ainsi conçue: « Bienheureux le peuple qui connaît la jubilation 3». Sans doute c’est quelque chose de grand, puisqu’on est heureux de te comprendre. Que le Seigneur donc, que notre Dieu, qui donne aux hommes le bonheur, me donne de comprendre ce que je dois dire, et 1. Ps. XCIX, 2.— 2. Luc, XXIV, 47.— 3. Ps. LXXXVIII, 16. 453 à vous de comprendre ce que vous entendrez: « Bienheureux le peuple qui comprend la jubilation ». Courons à cette félicité, comprenons la jubilation, ne la répandons point sans la comprendre. A quoi bon jubiler, et obéir aux invitations de ce psaume : « Terre entière, jubilez au Seigneur », si l’on ne comprend la jubilation, si cette jubilation n’est que dans notre voix et nota dans notre coeur? Car le son du coeur, c’est l’intelligence. 4. Vous savez ce que je vais dire. Jubiler, ce n’est point parler, c’est exhaler sans paroles un cri de joie : c’est la voix d’une âme dont la joie est au comble, qui exhale autant que possible ce qu’elle ressent, mais ne comprenant point ce qu’elle dit dans les transports de son allégresse, l’homme après des paroles indicibles et inintelligibles exhale sa joie en cris inarticulés : en sorte que l’on comprend à la vérité sa joie dans ses cris, mais qu’il ne saurait exprimer en paroles cette joie excessive. Voilà ce que l’on remarque dans ceux qui chantent même sans pudeur. Sans doute notre jubilation ne ressemble point à leur jubilation, puisque notre allégresse n’a pour bot que la justice, tandis qu’ils ne jubilent que dans le crime : notre allégresse est dans la confession, la leur dans la confusion. Toutefois, afin de mieux comprendre mes paroles, et même de vous rappeler ce que vous savez, ceux qui jubilent sont principalement les ouvriers des champs. L’abondance des récoltes met en joie les moisson fleurs, les vendangeurs, et tous ceux qui recueillent des fruits; cette fécondité, cette richesse de la terre leur donne des chants d’allégresse; et dans ces chants, ils mêlent aux paroles des ions confus qui témoignent de leur joie, voilà ce qu’on appelle jubilation. Si quelqu’un ne comprend point mes paroles, parce qu’il n’y a point fait attention, qu’il le remarque à l’avenir; puisse-t-il cependant ne trouver personne à remarquer, de peur que Dieu ne trouve quelqu’un à renverser. Mais puisque les épines renaissent sans relâche, signalons, dans ceux qui exhalent une joie profane, la jubilation que Dieu réprouve, afin de lui offrir la jubilation qu’il couronne. 5. Quand est-ce que nous jubilons? Quand nous chantons ce qui est inexprimable. Nous dons les yeux sur la terre, les mers, les cieux, et tout ce qu’ils renferment. Nous voyons que toutes les créatures ont leurs principes et leurs raisons, une force reproductive, un ordre de naissance, une manière de subsister, un dépérissement et une disparition, nous les voyons suivre sans aucune perturbation le cours des siècles, les astres couler en quelque sorte d’Orient en Occident, marquer la suite des années, la longueur des mois, l’étendue des heures; et dans tout cela, je ne sais quoi d’invisible, que l’on appelle âme ou esprit, qui est dans tous les êtres animés, qui cherche le bonheur et redoute la gêne, afin de conserver sa vitalité; des traits dans l’homme qui lui sont communs avec les anges de Dieu, et non avec les animaux, comme la vie, l’ouïe, la vue et le reste. Ainsi il connaît Dieu, ce qui est le propre de l’esprit, qui discerne le bien du mal, comme l’oeil discerne le blanc du noir. Que l’âme, en considérant toutes ces créatures que nous avons pu nommer et parcourir, se demande: Qui a fait tout cela? Qui a créé toutes ces choses? Qui t’a créée toi- même parmi elles? Que sont toutes ces choses que tu considères? Qu’es tu toi- même qui les considères? Qui a fait, et ces créatures à considérer, et l’âme qui les considère? Quel est ce Créateur? Nomme-le : et pour le nommer, réfléchis. Ta pensée peut voir ce que ta parole ne saurait peut-être dire, mais jamais tu ne pourras dire ce que tu n’auras pu penser. Pense donc à ce Créateur avant de le nommer, et pour penser à lui, il faut s’en approcher. Quand tu veux bien voir, afin de pouvoir parler, tu t’approches pour mieux regarder, afin de n’être point trompé par l’éloignement. Mais de même que les yeux dis corps perçoivent tous ces objets, de même c’est l’esprit qui voit Dieu, c’est le coeur qui le considère et le contemple. Et quel doit être le coeur pour contempler Dieu? « Bienheureux », est-il dit, « ceux dont le coeur est pur, parce qu’ils verront Dieu 1». J’entends, je crois, je comprends, comme je puis, que c’est uploads/Geographie/ saint-augustin-discours-sur-les-psaumes-ps-99-la-jubilation-dans-l-x27-eglise.pdf

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