Réfugiés et demandeurs d’asile : réalités psychosociales et éducatives et piste

Réfugiés et demandeurs d’asile : réalités psychosociales et éducatives et pistes d’intervention © Turpin-Samson et Papazian-Zohrabian – 2018 1 Module 1 - Les réfugiés et les demandeurs d'asile : terminologie, contexte international, national et provincial Défis et enjeux de la scolarisation et de la réussite scolaire chez les réfugiés Introduction Plusieurs auteurs soutiennent le rôle protecteur de l’éducation chez les jeunes réfugiés (Crea et al., 2017; Sleijpen et al., 2016; McBrien, 2005). En effet, l’éducation favorise l’ajustement psychosocial, l’inclusion sociale, la mobilisation sociale, l’accès au soin en santé mentale et le bien-être psychologique (McBrien, 2005; Naidoo, 2009; Fazel, 2015; Crea, 2016; Pacione et al., 2012; Correa-Velez, Gifford, McMichael et Sampson, 2017). En contrepartie, l’accueil des élèves réfugiés au sein du système scolaire représente de nombreux défis. Dans cette perspective, ce texte dresse un portrait des jeunes réfugiés en milieu scolaire, tout en soulignant les particularités de cette population et en indiquant les défis que cela représente pour le personnel scolaire. 1. Sous scolarisation et interruption du parcours scolaire Selon l’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant (1989), l’éducation est un droit dont bénéficient les enfants en vue de favoriser l’égalité des chances. Par contre, pour diverses raisons, les enfants réfugiés ne peuvent jouir pleinement de ce droit en tout temps (MacNevin, 2012). En effet, plusieurs jeunes réfugiés sont sous-scolarisés en raison d’une interruption de leur cheminement scolaire ou d’un faible accès à l’éducation (Correa- Velez, Gifford, McMichael et Sampson, 2017; Hadfield, Ostrowski et Ungar, 2017; Pacione et al., 2012; MacNevin, 2012; Hoot, 2011). Dans son article, Abou-Saleh (2015) décrit la tristesse des enfants qu’il a rencontrés en camp de réfugiés quant à l’interruption de leur parcours scolaire. D’ailleurs, certains de ces enfants, nés en camp de réfugiés, peuvent ne jamais avoir fréquenté une institution scolaire (Hos, 2016). Évidemment, cette faible scolarisation n’est pas sans conséquence. En effet, cela peut notamment entraîner des difficultés de comportements à l’école, à défaut de référents, une faible intégration au Réfugiés et demandeurs d’asile : réalités psychosociales et éducatives et pistes d’intervention © Turpin-Samson et Papazian-Zohrabian – 2018 2 marché de l’emploi et peut également exacerber les symptômes psychopathologiques (Carlsson et al., 2006; Crea, Hasson, Evans, Berger Cardoso et Underwood, 2017). La guerre, la migration forcée et leurs conséquences réduisent considérablement l’accès à l’éducation (Ehntholt et Yule; 2006; Sutner, 2002; Sirin et Rodgers-Sirin, 2015). La guerre peut entraîner l’endommagement ou la destruction des infrastructures scolaires et les écoles peuvent être transformées en refuge lors des situations de crises (Sirin et Rodgers-Sirin, 2015). Ce faisant, les jeunes accumulent un retard scolaire, ce qui compromet leur accès à l’éducation en société d’accueil (Sirin et Rodgers-Sirin, 2015). Quant à la migration forcée, non seulement celle-ci entraine une interruption du cheminement scolaire, mais elle place également les jeunes en position de vulnérabilité (Sirin et Rodgers-Sirin, 2015; Pacione et al., 2012; Crea, Hasson, Evans, Berger Cardoso et Underwood, 2017; Ehntholt et Yule, 2006; Sutner, 2002; Hos, 2016). Entre autres, ces déplacements peuvent conduire à la pauvreté, une confusion quant au statut légal et la non-reconnaissance des acquis académiques réduisant ainsi l’accès à l’éducation (Vedder et Horezcyk, 2011; Sirin et Rodgers-Sirin, 2015; Crea, Hasson, Evans, Berger Cardoso et Underwood, 2017; Hos, 2016; Pacione et al., 2012; Rossiter et Rossiter, 2009; Rummens et Dei, 2010; Rummens et al., 2008). Malgré la gratuité scolaire offerte aux réfugiés dans certains pays d’accueil, les frais associés au transport et au matériel leur sont parfois trop élevés afin de pouvoir les assumer (Sirin et Rodgers-Sirin, 2015). Ainsi, les jeunes se voient dans l’impossibilité de fréquenter une institution scolaire et doivent se résigner à soutenir financièrement leur famille, et ce, dans des conditions de travail souvent exécrables (Sirin et Rodgers-Sirin, 2015; Pacione et al., 2012; Stewart, 2011, 2012; Kanu, 2008). Enfin, les conséquences de la guerre et des déplacements forcés peuvent nuire à l’apprentissage des jeunes réfugiés notamment en raison de leurs préoccupations quant à la sécurité, les traumas émotionnels, les mauvais traitements à l’école et les grandes difficultés à rattraper le retard scolaire accumulé (Sirin et Rodgers-Sirin, 2015; Crea, Hasson, Evans, Berger Cardoso et Underwood, 2017). Réfugiés et demandeurs d’asile : réalités psychosociales et éducatives et pistes d’intervention © Turpin-Samson et Papazian-Zohrabian – 2018 3 2. Réussite scolaire et facteurs de risque Les élèves réfugiés en situation d’apprentissage de la langue du pays d’accueil peuvent être considérés étant particulièrement à risque de décrochage ou d’échec (Hos, 2016; Correa- Velez, Gifford, McMichael et Sampson, 2017; Crea, Hasson, Evans, Berger Cardoso et Underwood, 2017). Selon Hos (2016), seuls 18 % des élèves ayant des difficultés sur le plan de l’apprentissage de la langue officielle du pays d’accueil graduent. Une étude conduite en Australie s’est intéressée à la diplomation des réfugiés huit à neuf ans après leur arrivée (Kovinthan, 2016). Les résultats montrent que 62 % des 47 participants de cette recherche ont complété leurs études secondaires en comparaison avec une moyenne nationale de 74 % (Kovinthan, 2016). Au Canada, selon l’étude de Wilkinson (2002), 52 % des 91 élèves réfugiés interrogés suivaient le cours normal de leur cheminement scolaire, 27 % étaient en bonne position pour compléter leurs études secondaires sans toutefois s’engager dans des études postsecondaires et 20 % accumulait du retard ou avait décroché. Toujours selon cette étude, l’ethnicité, l’expérience dans les camps de réfugiés, la santé des parents, le lieu de résidence et le temps écoulé depuis l’arrivée au Canada sont tous des facteurs associés au succès académique des élèves réfugiés (Wilkinson, 2002). Facteurs sociaux Étant de nouveaux arrivants en pays d’accueil et bénéficiant parfois de moyens limités, les familles réfugiées peuvent s’installent dans des quartiers défavorisés et où la ségrégation est élevée. Il en va de même pour les écoles de ces quartiers, ce qui peut en affecter la qualité. Ce faisant, ils ont peu de contacts avec les citoyens natifs de la société d’accueil, limitant ainsi l’étendue de leur réseau social (Hos, 2016). La combinaison entre la pauvreté et la ségrégation sociale peut ainsi affecter leur succès académique (Hos, 2016). En 2017, Correa-Valez, Gifford, McMichael et Sampson, ont développé un modèle dans le but de prédire la poursuite et la réussite des études secondaires chez les élèves immigrants. Parmi les variables mises de l’avant, seuls l’âge d’arrivée et l’expérience de discrimination se sont avérés significatifs. En effet, l’âge à l’arrivée en pays d’accueil est Réfugiés et demandeurs d’asile : réalités psychosociales et éducatives et pistes d’intervention © Turpin-Samson et Papazian-Zohrabian – 2018 4 associé négativement à la diplomation. En effet, pour chaque année supplémentaire à l’âge de l’arrivée, les jeunes sont deux fois moins enclins à graduer. Les auteurs expliquent que cette association pourrait partiellement s’expliquer par la pression exercée sur les plus vieux afin qu’ils intègrent le marché du travail et qu’ils répondent de façon automne à leurs propres besoins. En ce qui a trait à la discrimination, les jeunes réfugiés qui en sont victimes sont près de cinq fois moins enclins à terminer leurs études. Plusieurs recherches démontrent que les situations conflictuelles avec les pairs, la discrimination, les expériences d’exclusion et de marginalisation sont fréquentes et qu’elles affectent significativement l’expérience scolaire des élèves réfugiés (Seker et Sirkeci, 2015; Sirin et Rogers-Sirin, 2015; Crea et al., 2017; Kanu, 2008, Rummens et Dei, 2010; Stewart, 2011; Correa-Valez, Gifford, McMichael et Sampson 2017). Ces expériences de marginalisation et d’intimidation peuvent se traduire par des actes de violence physique et psychologique à leur égard (Sirin et Rogers-Sirin, 2015). Quant aux causes, celles-ci sont nombreuses : statut légal, la crainte que la qualité de l’éducation offerte aux élèves natifs du pays d’accueil ne se détériore de par la présence des élèves réfugiés, les différences culturelles et linguistiques, leur faible maitrise de la langue du pays d’accueil et l’organisation des services d’accueil qui crée parfois des conditions de marginalisation et la ghettoïsation de cette population (Sirin et Rogers-Sirin, 2015; Yamamoto, 2014; Hart, 2009; Correa-Valez et al., 2015; Taylor et Sidhu 2011; De Koninck et Armand, 2012). L’attitude des enseignants peut aussi contribuer au racisme et à la discrimination envers les élèves réfugiés (Kanu, 2008; MacNevin, 2012; Stewart, 2011). Selon Stewart (2011), ces attitudes peuvent faire allusion à un traitement injuste, des pratiques d’exclusion et des commentaires irrespectueux. Évidemment, de telles pratiques discriminatoires ne sont pas sans conséquence. À vrai dire, un environnement scolaire non accueillant institué par les enseignants et la direction est l’une des plus grandes barrières à l’inclusion perçue par les jeunes réfugiés et immigrants du Canada et nuit significativement à la qualité de leur expérience scolaire et leur sentiment d’appartenance (Rummens et Dei, 2010; MacNevin, 2012). Réfugiés et demandeurs d’asile : réalités psychosociales et éducatives et pistes d’intervention © Turpin-Samson et Papazian-Zohrabian – 2018 5 D’autres études ont associé le sexe, les barrières en matière d’éducation étant plus élevées chez les filles, et les compétences dans la langue officielle du pays d’accueil aux probabilités de décrochage de ces élèves (Correa-Velez, Gifford, McMichael et Sampson, 2017; Akua-Sakyiwah 2015; Hatoss et al. 2012; Rana, Qin, Bates, Luster Saltarelli, 2011; Watkins Razee et Richters, uploads/Geographie/ scolarisation-refugies.pdf

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