DEPARTEMENT DE FRANÇAIS TD1 V.N.R MASTERI SL I. Autour de la variation I.1. La

DEPARTEMENT DE FRANÇAIS TD1 V.N.R MASTERI SL I. Autour de la variation I.1. La notion de variation sociolinguistique La langue offre la possibilité de dire la même chose de plusieurs façons en raison de l’impact de plusieurs facteurs, particulièrement, les facteurs sociaux. C’est ainsi qu’on trouve au sein d’une même communauté linguistique, de nombreuses variétés linguistiques qui y coexistent. On appelle ce phénomène sociolinguistique : variation. A ce sujet, H. Boyer (2001 : 24) a relevé, dans ses propos, cet aspect des langues qui « se transforment, se renouvellent, varient et s’enrichissent au fil du temps, dans les espaces où elles sont pratiquées, et au gré des situations de communication ». Donc, les langues ne peuvent être statiques, elles accompagnent généralement l’essor de nos sociétés. La variation constitue désormais pour les sociolinguistes, « l'objet d'une approche susceptible d'en décrire la systématicité ». (Ibid.) Elle occupe ainsi une place centrale au sein de la sociolinguistique. La notion de variation a été développée grâce aux travaux de William Labov. Celui-ci a décrit « les fonctionnements sociolinguistiques des variantes d’une même forme, d’un même phénomène » (Boyer, 2001 : 19). Ses recherches se sont focalisées essentiellement sur l’anglais américain et elles ont montré qu’il existait plusieurs manières de parler l’anglais. Cette diversité est liée à plusieurs paramètres à savoir : la classe sociale, l’âge, le sexe, etc. William Labov est considéré comme le père fondateur de la sociolinguistique. Sa vision de la langue objet hétérogène s’oppose à celle de De Saussure, qui considère la langue comme un système homogène, c'est-à-dire qu’il n’ya qu’une manière de dire les choses. Ses travaux portant sur la notion de variation ont permis à la sociolinguistique de s’affirmer comme discipline scientifique de pleins droits dans les années 60 et qui ont pour tâche de décrire les différents usages linguistiques tout en se référant aux données extérieures (extralinguistiques). Dans la même perspective, Marie- Christine Hazaël-Massieux écrit: « c'est le désir d'expliquer cette variation, de trouver les causes de chaque variété en rendant compte de toutes les données susceptibles d'être mises en relation avec les formes produites, qui a donné naissance à la sociolinguistique ». DEPARTEMENT DE FRANÇAIS TD1 V.N.R MASTERI SL I.2. Quelques facteurs de la variation Pour comprendre le fonctionnement de la variation, il faut prendre en considération le contexte linguistique et discursif. Ce dernier s’appuie sur les données sociales (considérées comme paramètres extérieurs) dans lesquelles les variantes linguistiques sont employées. Boyer en a distingué cinq facteurs : a) Le facteur « géographique » Le parler des locuteurs diffèrent selon l’espace géographique qu’ils occupent. On parlera alors de variation géographique (appelée également variation diatopique). C’est ce que confirme Sini (2015 : 78) dans ces propos « des locuteurs d’espaces géographiques différentes partagent la même communauté de langue présentent des réalisations phonétiques, syntaxiques et/ou lexico sémantiques différentes ». Si on prend l’exemple de la francophonie, on peut constater que les locuteurs de France, du Canada, de Suisse, de Belgique ou d’Algérie… n'ont pas n’emploient pas de la langue française de la même manière : lexique, accent et mêmes les formes grammaticales diffèrent d’une zone géographique à une autre. Il est aussi à signaler qu’au sein même de ces pays, plusieurs variétés peuvent être repérées. Par exemple, au Canada, on peut distinguer le français acadien du français québécois. Au sein même de la province du Québec, plusieurs sous-variétés du français peuvent être distinguées: variété montréalaise, variété gaspésienne, variété parlée dans la ville de Québec, etc. De ce fait, comme on l’a avancé ci-dessus, trois variations sont à dégager : variation lexicale, phonétique et morphosyntaxique. Variation lexicale Le lexique utilisé diverge d’une zone géographique à une autre. H. Boyer donne un exemple du lexique employé pour les trois repas de la journée en France. Dans la France dite « méridionale », le matin on prend son « déjeuner », à midi on « dîne » et le soir on « soupe » alors qu'« au Nord de la Loire », les mêmes séquences alimentaires sont désignées par : « petit déjeuner », « déjeuner », « dîner » (Boyer, 2001 : 24). D’autres exemples à citer : DEPARTEMENT DE FRANÇAIS TD1 V.N.R MASTERI SL Téléphone/ Mobile (Locuteurs français) Cellulaire (Locuteurs quebéquois) Fête (Locuteurs français) Party (Locuteurs quebéquois) La variation lexicale se manifeste sous quatre formes (Chevillet (1991, p. 21))1 : 1) le même mot peut avoir un sens différent : par exemple : En français hexagonal, le terme « lunatique » réfère à une personne dont l'humeur change souvent, alors qu'en français québécois, le vocable renvoie à une personne qui est dans la lune, distraite et même carrément folle. 2) le même mot peut comporter un sens supplémentaire : par exemple : En français de France, « écœurant » renvoie uniquement à quelque chose qui « écœure », qui rend malade, alors qu'en français québécois, le vocable renvoie non seulement à quelque chose d'excellent, de génial, mais également à quelque chose qui rend malade. 3) le même mot peut ne pas avoir la même fréquence statistique : par exemple : En français hexagonal, un jeune locuteur désignera ses amis par le biais du mot « copain » qui existe également en français québécois, mais dont l'usage est nettement moins fréquent que le mot « chum ». Le mot serpillère est aussi préféré aux autres termes renvoyant à la même réalité (chiffon, cinse, lave- pont, loque, panosse, etc.)2 4) le même concept peut sous-tendre deux vocables différents : par exemple : En français de France, on utilise le mot « pastèque » alors qu'au Québec, on emploie « melon d'eau». En France, une « liqueur » correspond à un alcool alors qu'au Québec, une « liqueur » correspond à un soda. Dans de tels cas, la variation lexicale peut donc poser des problèmes d'intercompréhension entre les locuteurs. Variation phonétique/phonologique 1 Cité dans BIGOT, Davy et PAPEN, Robert, « Formation en linguistique variationniste», Publication Subventionnée par l’Université Ouverte des Humanités (UOH), Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, France, 2014. 2 En mai 2015, 10000 personnes ont participé au sondage et ont répondu qu’ils utilisent beaucoup plus le mot serpillère. Pour plus d’infos, consulter les résultats sur le site internet www.francaisdenosregions.com , qui est un site consacré à la variation du français à travers les diverses régions du monde, et qui récence un grand nombre de variations lexicales. DEPARTEMENT DE FRANÇAIS TD1 V.N.R MASTERI SL La variation phonétique/phonologique renvoie aux différentes prononciations des mots de la langue, autrement dit, elle est directement liée à l’accent. Chaque variété de langue se caractérise par des traits phonétiques spécifiques qui permettent de « localiser un interlocuteur » (Boyer, 2001 : 26). Exemple3 : Un Parisien se distingue très facilement d'un locuteur natif du Sud de la France ou encore du Québec, car la prononciation de ces derniers est différente de celle des habitants de la capitale française. Prenons l'exemple du mot « samedi ». Il sera prononcé différemment par les trois locuteurs : - à Paris « samedi » est prononcé généralement [samdi] : - dans le Sud de la France, on entendra généralement le E caduc comme dans [samədi] : - au Québec, on entendra généralement l'assibilation (c'est-à-dire le passage de la consonne à la voyelle suivante réalisé par une sifflante, comme dans [samdzi]) : Chevillet (1991 : 20) souligne que les différences de prononciation, et donc d'accent, peuvent relever de la phonétique ou de la phonologie : « En schématisant à l'excès, on dira qu'une différence phonétique est un accident de surface n'ayant aucune répercussion sur le système, alors qu'une différence phonologique concerne l'organisation du système, en profondeur. » On considère, en général, qu'il existe trois types de différences phoniques : - Les différences réalisationnelles : ne touchent pas l'organisation des phonèmes d'une variété. Par exemple, en français standard international, le R est prononcé [ʁ] (une fricative uvulaire) quelle que soit sa position (à l'initiale comme dans « rapide » [ʁapid], à l'intervocalique comme dans « durée » [dyʁe] ou en position finale comme dans « lire » [liʁ]), alors que dans certaines variétés locales, il sera prononcé [r] (c'est-à-dire roulé avec la pointe de la langue contre les gencives supérieures) dans les mêmes contextes linguistiques. Le /R/ dit « roulé » est minoritaire, il se maintient uniquement dans des zones rurales. Partout ailleurs en France, c’est plutôt le /r / parisien (appelé également «grasseyé ») qui domine. 3 Les exemples sont tirés du site : http://uoh.concordia.ca/sociolinguistique/m/module1/co/module1_8.html DEPARTEMENT DE FRANÇAIS TD1 V.N.R MASTERI SL - Les différences distributionnelles : concernent l'organisation des phonèmes. Chaque variété possède les mêmes phonèmes, mais ces derniers ne sont pas organisés de la même façon. En d'autres mots, ils n'apparaissent pas dans le même contexte linguistique. Par exemple, en français standard de France, le A est prononcé [a] en position finale (comme dans « Canada » prononcé [kanada]), alors qu'en français standard québécois, le A final est généralement prononcé [ɑ] en finale (comme dans « Canada » prononcé [kanadɑ]). La prononciation des consonnes finales de mots se terminant uploads/Geographie/ td-1-v-n-r.pdf

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