VERS DE NOUVEAUX LOGEMENTS SOCIAUX UNE EXPOSITION DE LA CITÉ DE L’ARCHITECTURE

VERS DE NOUVEAUX LOGEMENTS SOCIAUX UNE EXPOSITION DE LA CITÉ DE L’ARCHITECTURE & DU PATRIMOINE 2 Vues de l’exposition originale © Gaston Bergeret / CAPA, 2009 3 DE NOUVEAUX LOGEMENTS SOCIAUX POUR UNE VILLE PLUS DURABLE Dire que l’enjeu du logement social est d’actualité est une évidence : le nombre de logements sociaux est aujourd’hui notoirement insuffisant et la crise ne fait qu’en amplifier la demande. Peut-être assez paradoxalement, cette conjoncture pourrait servir à la relance de la politique du logement social. En effet, alors que les opérations de promotions privées souffrent du ralentissement de l’immobilier, le secteur du logement social apparaît mieux protégé des contrecoups de la crise, grâce, notamment, aux mécanismes d’aides publiques mises en place par l’État et les collectivités locales. Ces mécanismes incitatifs sont d’autant plus efficaces qu’ils s’ajoutent à l’obligation pour les communes d’avoir au minimum 20% de logements sociaux dans leur parc immobilier sous peine de lourdes sanctions financières. Ce double effet de la carotte et du bâton donne aujourd’hui une nouvelle et forte impulsion à la construction en logements sociaux, d’une ampleur sans égal. Dans ce contexte favorable, il est important de rappeller qu’une telle opportunité ne doit pas passer à côté de la question de la qualité et de l’innovation. Il ne faut, en effet, pas sous-estimer le risque que ces périodes de relances de programmes de logements sociaux riment avec une moindre exigence architecturale. En ce domaine, l’histoire récente de la France montre, hélas, les résultats désastreux d’une politique à courte vue. La sélection réalisée par Francis Rambert et Jean-François Pousse – journaliste, critique d’architecture, co-commissaire de l’exposition – de 16 projets français récents témoigne ici de l’actuelle vitalité de l’architecture sociale, en France et en Europe. Je tiens particulièrement à remercier pour leur soutien le groupe Caisse des Dépôts et le ministère du Logement, sans lesquels cette exposition, qui donne à voir, à penser, à imaginer, mais aussi à rêver, n’aurait pu être réalisée. François de Mazières Président de la Cité de l’architecture & du patrimoine 4 Vues de l’exposition originale © Gaston Bergeret / CAPA, 2009 5 UNE NOUVELLE OFFRE URBAINE Depuis Henri Sauvage, Tony Garnier et Le Corbusier, ces pionniers de l’habitat moderne du début du xxe siècle, nous avons coutume de dire que le logement social est le laboratoire privilégié de l’architecture. Notre histoire contemporaine est ainsi jalonnée de “projets manifestes”. 30 ans après les “Étoiles” de Renaudie à Ivry, les “Hautes Formes” de Portzamparc à Paris, 20 ans après le “Nemausus” de Nouvel et Ibos à Nîmes, l’habitat social s’efforce de garder sa dimension expérimentale, tant sur l’espace intérieur du logement que sur l’espace urbain. Si, dans les années 1970-1980, le “laboratoire” a élu domicile dans les villes nouvelles, dans les années 1990 le champ d’expérience s’est recentré sur le tissu traditionnel des villes. Autant de “dents creuses” et de parcelles complexes à reconquérir. Cette dernière décennie du xxe siècle a réaffirmé l’importance d’une architecture urbaine, notamment à Paris avec F. Borel boulevard de Belleville, avec M. Fuksas sur l’îlot Candie-Saint-Bernard, avec R. Piano rue de Meaux, avec P. Gazeau rue de l’Ourcq, et avec Herzog & De Meuron rue des Suisses... Les années 2000 confirment non seulement la tendance, mais élargissent l’offre d’habitat en intégrant le principe de mixité. Tenir compte des évolutions familiales et professionnelles tout en participant à la mutation de la métropole est le nouvel enjeu du logement aux prises avec les grandes transformations de la ville “durable”. De nouvelles typologies émergent ainsi avec l’idée d’explorer des modes de vie inédits, en phase avec de nouvelles pratiques de la ville. En témoignent “l’immeuble vélo” de Hérault & Arnod à Grenoble ou les logements réalisés à Nantes par Boskop ; tous deux explorent le thème de “la pièce en plus”. Et, si l’on considère l’opération de transformation par Druot et Lacaton & Vassal d’une tour ingrate en bordure du périphérique parisien, la stratégie de reconquête du “grand logement” relance le débat sur les surfaces, tout en posant la question de la transformation du patrimoine moderne. Par ailleurs, le logement social peut également être un terrain d’expérimentations collectives comme le montre une série d’opérations portées par des maîtres d’ouvrage engagés. Sans eux, la “Cité Manifeste” de Mulhouse ou “Les Diversités” de Bordeaux n’auraient pu voir le jour. Hors du logement collectif, à l’échelle de la maison individuelle, de nouveaux lotissements font figures d’exception : à Rézé, suivant un concept de Périphériques ; à Bayonne avec les maisons de B. Bülher au pied de l’une des plus grandes barres de France ; à Reims-Bétheny où Boudry & Boudry expérimentent l’idée de la mutualisation dans l’individuel avec des “logements plate-forme”. Autant d’opérations qui se posent en véritables alternatives aux pauvres aménagements suburbains. Et, hors de nos frontières, les expériences menées dans les pays voisins – comme la résidence “Wozoko” par MVRDV à Amsterdam, ou le marché San Caterina par EMBT, ou encore la résidence “low cost” en Norvège par Brendeland & Kristoffersen – confirment ce mouvement de fond vers moins de banalité et plus de mixité. Une manière de souligner que le sujet dépasse largement la question des “nouveaux habits du logement social”. Francis Rambert Directeur de l’Institut français d’architecture, commissaire de l’exposition 6 OSER L’INNOVATION Le logement social est un monde à lui tout seul. Plus de 11 millions de Français habitent des HLM. Plus de 4 millions de logements sociaux sont construits sur le territoire national, dont la moitié entre 1963 et 1977 et plus de 900 organismes en assurent la tutelle. Actée en 2006, la loi ENL (Engagement National pour le Logement) prévoit de financer 120 000 logements supplémentaires par an d’ici 2009 (ce chiffre pourrait être dépassé cette année), le Grenelle de l’Environnement de réaliser la mise aux normes de 800 000 logements avant 2020. De son côté, la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) votée en 2000 fixe à 20% le seuil minimal de logements sociaux à atteindre en 20 ans dans chaque commune. Humaine, politique, économique, architecturale, la question du logement social est majeure et complexe. Sur les milliers de projets et réalisations en cours, nous avons sélectionné 16 programmes français pour leur exemplarité ; ils sont accompagnés d’une soixantaine d’autres opérations, en chantier ou réalisées. Cette sélection représente une infime partie, peu représentative, de ce qui se bâtit, et dont l’ensemble est le plus souvent de qualité médiocre. Car le logement social est pris en tenailles : d’un côté, le prix de marché ne permet pas de couvrir son coût de production ; de l’autre, l’arsenal des réglementations, normes, dimensionnements de surface, aides accompagnées d’obligations, etc., en bride la conception, au point que l’essentiel du logement social est dessiné non par les architectes, mais par les contraintes d’urbanisme. Seule une connaissance fine de ces arcanes permet de sortir de la banalité qu’elles imposent. Peu ou pas enseignées dans les écoles d’architecture, elles laissent les maîtres d’œuvre démunis, alors que bailleurs et promoteurs sont tenus par les impératifs financiers qui ne font pas bon ménage avec l’innovation. Par leur nombre, les HLM participent à la constitution et au devenir du paysage de la ville, à celui de la Cité, au sens grec du terme. Si l’enjeu urbain précède l’enjeu architectural au sein de cette exposition, ce dernier interroge acteurs et bénéficiaires du logement social. Doit-il être mieux conçu aujourd’hui qu’hier, doit-il être le plus vaste possible ? Exceptionnel, il coûte cher aux contribuables qui participent à son financement, en particulier à la classe moyenne ; médiocre, il entraîne un coût social dont on connaît l’ampleur. L’envie partagée par la plupart des Français d’offrir aux plus démunis un logement mieux que décent se heurte à ses règles d’attribution, à la nécessaire rotation d’une partie de ceux qui en bénéficient et, bien sûr, à la logique économique. Et se pose durement la question du rôle de ce type de logement dans le désir républicain d’ascension sociale ou son déni. Les projets et réalisations exposés – maisons individuelles, en bande, habitat groupé, immeubles de ville – présentent des éléments de réponse. Tous s’attachent à donner plus de “dignité” au logement. Pour en accroître les qualités, à budget contraint égal, les architectes soignent les relations entre l’espace public et privé, donnent une identité au bâtiment, favorisent l’appropriation, préservent l’intimité et l’individualité, luttent contre l’individualisme en créant des conditions de partage, proposent des plans adaptés aux modes de vie. 7 En jonglant avec une réglementation complexe dont les origines et la pertinence posent question, en jouant avec un système de bonus /malus ouvrant – ou pas – la voie à des financements supplémentaires, ils tentent d’offrir plus d’espace. En particulier par des prolongements extérieurs qui – n’entrant pas dans le décompte des mètres carrés habitables, donc commercialisés – ont tout intérêt à être positionnés en périphérie du bâtiment : les circulations communes, les balcons et les coursives, ou les serres, par exemples. Comme toujours en architecture, il ne peut y avoir de bon résultat sans ambition et volonté partagées des parties prenantes (maîtres d’ouvrage, d’œuvre, uploads/Geographie/ vers-de-nouveaux-logements-sociaux.pdf

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