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HAL Id: halshs-00596780 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00596780 Submitted on 30 May 2011 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Faire corps, prendre corps, donner corps aux ambiances urbaines Rachel Thomas To cite this version: Rachel Thomas. Faire corps, prendre corps, donner corps aux ambiances urbaines. Colloque inter- national : Ambiencias Compartilhadas: cultura, corpo e linguagem. Ambiances en Partage: culture, corps et langage. Rio de Janeiro, 3-6 novembre 2009 [En ligne], Nov 2009, Rio de Janeiro, Brésil. 1-10 p. ￿halshs-00596780￿ 1 FAIRE CORPS, PRENDRE CORPS, DONNER CORPS AUX AMBIANCES URBAINES1 Rachel THOMAS Chargée de recherche CRESSON (CNRS UMR 1563) Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble 60, avenue de Constantine – BP 2636 - 38036 Grenoble Cedex 2 Tel : (00.33) 4. 76.69.83.36 - Fax : (00.33) 4. 76.69.83.73 Email : rachel.thomas@grenoble.archi.fr Résumé Si les lecteurs de l’œuvre de Simmel s’attachent, pour un grand nombre, à montrer l’importance de ses travaux dans la compréhension des relations entre l’évolution des cadres sensibles d’une époque et celle des sensibilités en public, peu mettent l’accent sur la description assez minutieuse qu’il propose de l’arrière-plan corporel à l’œuvre dans l’organisation de la vie sensible. C’est pourtant précisément à partir de cette philosophie simmelienne, et de sa critique, que nous aborderons la thématique des ambiances urbaines en partage. Qu’est-ce que les ambiances d’une ville font au corps et notamment aux corps en marche ? Qu’est-ce que ces corps nous disent de l’évolution et des transformations des cadres sensibles de notre quotidien au XXIe siècle ? En quoi finalement l’attention portée au corps, telle que le propose Simmel, permet-elle de travailler à l’échelle des ambiances urbaines ? Trois points ponctueront notre réflexion. Dans le premier, nous nous interrogerons sur la tendance actuelle à l’« aseptisation » des ambiances piétonnes et sur ces répercussions sur les manières de marcher et de bouger aujourd’hui. Dans le second point, nous nous interrogerons sur les méthodologies à mettre en œuvre pour articuler – dans une même démarche - une réflexion à l’échelle de la ville à une réflexion à l’échelle du corps. À cet égard, nous valoriserons une méthodologie nouvelle - le partage de situations de handicap – qui, en mettant le corps du chercheur à l’épreuve des ambiances urbaines, peut constituer une voie d’accès possible de cette articulation. Enfin, le troisième point visera à dépasser la perspective simmelienne, souvent abstraite, en faisant du corps une métaphore de travail pour le chercheur et en adoptant une posture en 3 temps – Faire corps, prendre corps et donner corps aux ambiances urbaines – qui permette d’observer et de rendre compte de la dimension quasi charnelle de l’expérience urbaine. Mots-clés : ambiances, aseptisation, corps, marche, espace public urbain, piéton 1 Le titre de cet article reprend le sous-titre d’un ouvrage à paraître prochainement : Thomas, R. (sous la dir. de)(fev. 2010). Marcher en ville. Faire corps, prendre corps, donner corps aux ambiances urbaines. Paris, Ed. des Archives Contemporaines. 2 FAIRE CORPS, PRENDRE CORPS, DONNER CORPS AUX AMBIANCES URBAINES Rachel THOMAS Dans son essai sur « les grandes villes et la vie de l’esprit », paru initialement en 1903, Simmel offre une analyse particulièrement fine de l’expérience sensible dans les grandes métropoles européennes de la fin du XIXe siècle. Suite à l’évolution rapide des techniques de communication, de transport et d’aménagement, suite à la diversification des activités économiques et sociales, suite aussi à l’accroissement des flux et des rythmes quotidiens, les villes modernes soumettent les citadins à « une intensification de la vie nerveuse » (Simmel, 2004, p.170). Ce changement de nature dans ce qu’il appelle « la vie sensible urbaine » opère non seulement sur les conditions de perception de la ville, sur la psychologie des habitants mais aussi sur leurs manières de gérer ensemble leurs actions et leurs relations. Ainsi, la ville apparaît au citadin dans une « poussée rapide d’images changeantes », dans une succession inattendue d’impressions fugitives qui rend toute perception confuse. Soumis à ces chocs perceptifs permanents et à une hyperstimulation visuelle, le citadin développe alors des traits psychologiques et des attitudes qui modèlent en retour la réalité sociale et les ambiances urbaines du XIXe siècle. Les lecteurs de l’œuvre de Simmel s’attachent, pour un grand nombre, à montrer l’importance de ses travaux dans la compréhension de ces relations entre l’évolution des cadres sensibles d’une époque et celle des sensibilités et des manières d’ « être-ensemble » en public. C’est ainsi que nombre d’analyses s’attardent sur le caractère blasé du citadin, sur la réserve et l’indifférence polie avec laquelle il semble gérer sa relation à autrui2, sur cette hypertrophie du regard qui paraît de mise dans la gestion des situations de co-présence. À l’inverse, peu de textes mettent l’accent sur la description assez minutieuse que propose Simmel de l’arrière-plan corporel à l’œuvre dans l’organisation de la vie sensible de l’époque. Pourtant, certains passages de ses écrits livrent implicitement une analyse critique des fondements corporels de l’expérience urbaine. Ses textes sur Rome, Venise, Florence ou encore Berlin mettent ainsi l’accent sur la vulnérabilité et l’extrême réification des corps au XIXe siècle. Dans les villes du Sud par exemple, certaines esthétiques urbaines façonnent, selon lui, le pas et les modalités de la rencontre en public : « (…) Venise est la ville de l’artifice. (…) Tous les hommes à Venise marchent comme sur une scène : (…) ils surgissent subitement à un coin de rue, disparaissent aussitôt à un autre, et ont ainsi quelque chose des acteurs qui, une fois sortis côté cour ou côté jardin, ne sont plus rien » (Simmel, 1998, p.44). Au nord et à l’Est de l’Europe, c’est la mécanisation des flux et la standardisation des gestes de la vie professionnelle qui font leur œuvre dans l’espace public : « la présence simultanée des calèches et des tramways (…) apparaît comme une altération de la sphère publique. Circulant à des vitesses trop différentes, ces deux modes de transport requièrent des piétons (…) une vigilance accrue. (…) Plus généralement, la mobilité et la corporéité citadines semblent soumises à des mutations rythmiques complexes. (…) L’automatisation de la marche à pied accompagne la diffusion, par les industries, de nouveaux rythmes corporels mécanisés » (Füzesséry et Simay, 2008, p.33 et 35). Cette perspective simmelienne, peu commentée, est intéressante à trois points de vue. D’une part, elle fait du corps l’instrument central du rapport de l’homme au monde : plus qu’une construction symbolique ou un objet de représentation sociale, le corps constitue l’outil premier de notre action dans et avec le monde. D’autre part, elle présente le corps 2 Une lecture plus attentive des textes de Simmel fait valoir aussi la propension au conflit et à l’aversion du citadin soumis au phénomène de métropolisation. 3 comme le lieu au sein duquel s’écrit et se donne à voir les changements de registre de l’expérience sensible. De ce point de vue, les manières de bouger, de se saluer, de se regarder… dans l’espace public sont autant l’expression d’une culture sensible à l’œuvre au quotidien que celle d’une incorporation des variations du sensorium urbain (Zardini, 2005). Enfin, elle porte l’étude du corps à une échelle spatio-temporelle rarement envisagée par les tenants d’une « sociologie des sens » : l’échelle urbaine et non pas seulement celle de la situation localisée ; l’échelle du siècle et non pas seulement celle de l’interaction. C’est précisément à partir de cette philosophie simmelienne, et de sa critique, que nous aborderons la thématique des ambiances urbaines en partage. Qu’est-ce que les ambiances d’une ville font au corps et notamment aux corps en marche ? Qu’est-ce que ces corps nous disent de l’évolution et des transformations des cadres sensibles de notre quotidien au XXIe siècle ? En quoi finalement l’attention portée au corps, telle que le propose Simmel, permet-elle de travailler à l’échelle des ambiances urbaines ? Pour tenter de répondre à ces questions, cet article prendra appui sur une série de travaux consacrés, depuis quelques années, à l’accessibilité de l’espace public urbain et au renouveau de la pratique de la marche en ville. Il s’agira d’abord de montrer en quoi la tendance actuelle à un effacement des stimuli en ville conduit à une « aseptisation » des ambiances piétonnes et induit des manières de marcher propres à notre époque. Il s’agira ensuite de s’interroger sur les méthodologies à mettre en œuvre pour articuler – dans une même démarche - une réflexion à l’échelle de la ville à une réflexion à l’échelle du corps. À cet égard, le détour par le partage de situations de handicap apparaîtra comme une des voies possibles de cette articulation. L’aseptisation des ambiances piétonnes au XXIe siècle3 Si uploads/Geographie/2009-act-rt-fairecorps.pdf

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