10/10/2017, 19)33 Agiter le sistre pour la déesse : reconstituer la production
10/10/2017, 19)33 Agiter le sistre pour la déesse : reconstituer la production sonore dʼun idiophone Page 1 of 23 https://pallas.revues.org/2753 Pallas Revue d'études antiques 98 | 2015 : Sons et audition dans l’Antiquité IV. Retrouver les sons antiques Agiter le sistre pour la déesse : reconstituer la production sonore d’un idiophone Shaking the sistrum for the goddess: restore the sound produced by an idiophone ARNAUD SAURA-ZIEGELMEYER p. 215-235 Résumés Français English Dans l’étude des instruments de musique antiques, les percussions ont bien souvent été laissées de côté. Trop modestes pour le musicologue, difficiles à appréhender pour l’historien, il n’existe pas d’ouvrage de synthèse sur le sujet. Cet article propose, au travers de l’exemple du sistre isiaque utilisé dans le monde gréco-romain, quelques réflexions de méthode dans l’approche des différentes sources historiques disponibles (archéologiques, iconographiques et littéraires) à propos de cet idiophone. En effet, seule une démarche pluridisciplinaire peut permettre de se rapprocher au mieux de ce que pouvait être le son de cet instrument de musique et de ses contextes d’apparition. In the study of ancient music instruments, percussion have often been left sides. Too small for the musicologist, difficult to grasp for the historian, there is no comprehensive work on the subject. This paper proposes, through the example of Isis sistrum used in the Greco-Roman world, some methodological reflections in the approach of different historical sources available (archaeological, iconographic and literary) about this idiophone. Only a multidisciplinary approach can help to bring the best of what could be the sound of a musical instrument and its contexts of occurrence. 10/10/2017, 19)33 Agiter le sistre pour la déesse : reconstituer la production sonore dʼun idiophone Page 2 of 23 https://pallas.revues.org/2753 Entrées d’index Mots-clés : musique, son, Antiquité, sistre, idiophone, culte, Isis Keywords : music, sound, Antiquity, sistrum, idiophone, cult, Isis Texte intégral 1. Le sistre dans l’Antiquité : Si l’intérêt pour l’étude de la musique antique a toujours suscité la curiosité des penseurs et des savants, un écueil fondamental barrait la route aux bonnes volontés : l’absence de documents permettant de reconstituer cette musique, et l’absence de connaissance suffisante des instruments utilisés à l’époque pour l’exécuter. La découverte en mai 1893 des Hymnes delphiques à Apollon par l’École Française d’Athènes et le génie de Th. Reinach créent un dynamisme et un intérêt décisifs. Dès lors, nombre d’études spécifiques ou d’efforts de synthèse voient le jour. C’est notamment en France que l’on rencontre le plus d’enthousiasme pour ce champ d’étude, de Th. Reinach à H. Hickmann, de P. Schaeffner à A. Bélis et Chr. Vendries. Plus récemment encore, A. Vincent, S. Émérite et A.-C. Rendu-Loisel ont ouvert les perspectives de recherche au monde sonore dans son ensemble, et non plus à son seul aspect musical. 1 Il faut en revanche reconnaître que, malgré cet enthousiasme sans cesse renouvelé, un bémol est à mettre sur ce tableau pourtant si mélodieux. Si les instruments à vent et à cordes ont fait l’objet d’études nombreuses et approfondies, les instruments à percussion font office de parents pauvres. Déjà en 1989, dans un article dressant un bilan historiographique de l’étude des instruments de musique1, A. Bélis ne consacre pas plus d’une dizaine de lignes à la question sur une quinzaine de pages : « Dans l’ensemble, les percussions n’ont guère intéressé les spécialistes. » Plus récemment, en 2002, H. Chew se réfère au même passage à l’occasion de l’acquisition d’une cymbale romaine par le musée de Saint-Germain-en-Laye2 : « Il ne semble pas que ce constat déjà ancien doive être modifié. Les instruments à cordes et à vent ont, apparemment, suscité des études plus nombreuses dans le domaine de la musique gréco-romaine. Les informations relatives aux cymbalettes, cymbales, tambourins et sistres sont assez dispersées et ces objets n’ont pas bénéficié de synthèses récentes. » 2 Cet article propose d’entrevoir la question du son et de l’audition à travers de l’étude d’un instrument de musique antique en particulier, également instrument rituel et symbole religieux : le sistre, sujet de notre travail de thèse sous la direction de Laurent Bricault. Fondamentalement interdisciplinaire, notre démarche nécessite de clarifier et d’approfondir quelques points méthodologiques et historiographiques déjà présentés dans un précédent article en forme d’état de la question3. Nous verrons ensuite que la tentative d’approcher au mieux une réalité sonore ayant existé dans le passé passe par deux étapes primordiales : d’une part, par un travail sur l’objet sonore lui-même, sur ses propriétés, ses mécanismes ; d’autre part, par une consultation des représentations littéraires et iconographiques constituant l’interprétation de ce phénomène sensible par les Anciens eux-mêmes. Dans les deux cas, il s’agit d’approfondir une analyse et une présentation déjà amorcées d’un corpus extrêmement vaste, qui ne cesse de s’élargir, et qui réunit différents types de sources et différentes disciplines. 3 10/10/2017, 19)33 Agiter le sistre pour la déesse : reconstituer la production sonore dʼun idiophone Page 3 of 23 https://pallas.revues.org/2753 problèmes de définition et questions de méthode 1.1. Point de vue historique Une des difficultés majeures de l’étude d’un instrument de musique appartenant à une époque donnée est l’aspect pluridisciplinaire de la démarche. La fabrication de l’instrument, sa manipulation, le contexte théorique ou physique dans lequel il intervient peuvent être tour à tour du ressort de l’archéologue, de l’historien, de l’anthropologue, du musicologue. Or toutes ces disciplines n’ont pas nécessairement les mêmes méthodes et angles d’approche. On essaiera d’illustrer ces divergences à travers l’exemple du sistre. 4 Le terme de sistre désigne, pour l’histoire antique comme dans les périodes postérieures, en musicologie comme en anthropologie, un instrument à percussion. Néanmoins ce terme reste très générique, quelle que soit la discipline abordée, et nécessite un certain nombre de précisions. En effet, selon l’époque du discours scientifique, selon les disciplines, on peut trouver des significations et des classifications relativement différentes. Ainsi, deux points de vue peuvent être distingués : celui de l’historien et celui du musicologue. Sans faire prévaloir une discipline au détriment de l’autre, cette présentation permettra de revenir sur une historiographie dépassant l’étude du seul sistre, mais susceptible de concerner tout travail sur la musique antique en général. Elle permettra également de mieux préciser l’objet de notre attention : le sistre arqué en bronze utilisé dans le monde gréco-romain. 5 Un angle de présentation se basant sur l’étymologie peut permettre d’exposer progressivement quelques éléments sur l’origine du sistre. L’ampleur chronologique et les nombreuses réalités dans lesquelles le sistre peut s’inscrire, même au sein de la seule période antique, induisent une présentation détaillée. On commencera par la signification du terme en français puis par ses origines antiques. 6 Le terme latin sistrum, lui-même issu du grec seistron, donne le terme français sistre, attesté pour la première fois en 15274, qui conserve tout au long de l’histoire une seule et même signification. Néanmoins, la Renaissance donne également un autre terme : le cistre, né de la collusion entre cithre et sistre. Ce second mot désigne un instrument à corde utilisé entre le XVIe et le XVIIe siècle. Dès la fin du XVIe siècle, Blaise de Vigenère pointe du doigt le malentendu qui ne manque pas de survenir entre ces deux termes5. Mais dès lors, les deux homophones sont souvent confondus jusqu’à la fin du XIXe siècle6, voire aujourd’hui encore. On remarquera tout de même que d’un point de vue originel, le lien du sistre avec le terrain égyptien ou les cultes isiaques reste fort. Ce phénomène, qui va s’éluder durant la période contemporaine avec l’avancée des études historiques et anthropologiques, reste tout de même très majoritaire, y compris dans le monde universitaire. La présence archéologique d’un sistre est bien souvent à elle seule interprétée comme une présence isiaque locale. Si cette conjecture semble fonctionner la plupart du temps, elle ne saurait s’appliquer à un certain nombre de trouvailles archéologiques de sistres présentés comme isiaques, non sans imprudence. C’est sans doute le cas de deux « sistres » retrouvés à Berthouville (Musée des Antiquités Nationales de Saint-Germain-en-Laye, inv. 952) et à Champagnat (Musée d’art et d’archéologie de Guéret, inv. arch. 355). Le premier exemplaire a longtemps été répertorié comme un sistre, mais est en réalité une lyre flanquée d’un manche. Le 7 10/10/2017, 19)33 Agiter le sistre pour la déesse : reconstituer la production sonore dʼun idiophone Page 4 of 23 https://pallas.revues.org/2753 Figure 1 : Sistre, collection du Musée d’art et archéologie de Guéret (inv. arch 355) Figure 2 : Sistre à naos et sistre arqué, Musée du Louvre (inv. E 1780 et E 8077) second est bien un sistre, mais son type diffère totalement des types « isiaques » habituels (voir fig. 1 par comparaison au second cliché de la fig. 2)7. La nécessité d’établir une typologie précise de ces objets fait partie de notre travail de thèse, car l’analyse typologique peut constituer un premier critère discriminant dans l’identification d’un sistre comme isiaque8. Voyons maintenant ce que les historiens désignent sous le terme de sistre pour la période antique. L’existence très ancienne de l’instrument, en Égypte tout d’abord, donne lieu à plusieurs théories quant à son origine initiale. Certains font du sistre uploads/Histoire/ agiter-le-sistre-pour-la-de-esse-reconstituer-la-production-sonore-d-x27-un-idiophone.pdf
Documents similaires




-
19
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 24, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
- Taille du fichier 1.1603MB