LES CISTERCIENS ET LES NOUVELLES FORMES D'ORGANISATION DES FLORILÈGES AUX 12e E

LES CISTERCIENS ET LES NOUVELLES FORMES D'ORGANISATION DES FLORILÈGES AUX 12e ET 13e SIÈCLES' Les florilèges... 75 ... formes anciennes, formes nouvelles 80 L'intérêt des témoins cisterciens 85 Un cas révélateur : les Flores Paradisi 87 La forme « florilège à sections d'auteurs » 93 A. L'émergence des florilèges à sections d'auteurs : les florilèges classiques 93 B. La systématisation à la fin du 12" siècle : l'entrée des Pères 108 L'arrangement alphabétique 114 A. L'attitude des cisterciens vis-à-vis des instruments de recherche alphabétiques 114 B. l'indexation des florilèges 122 C. Le florilège thématique par ordre alphabétique 125 Conclusion 133 Annexe bibliographique : les florilèges structurés (jusque 1300) 135 Florilèges attribués 138 Florilèges anonymes 155 1) selon le titre médiéval ou la rubrique du ou des manuscrits 156 2) selon un titre moderne 161 a. titre donné à partir de la provenance médiévale d'un témoin unique 161 b. titre donné à partir de l'incipit 163 c. autres 165 Liste provisoire de florilèges inédits et non analysés que nous n'avons pas consultés 168 Références des catalogues anciens cités dans l'annexe bibliographique 172 1. Cet article s'est enrichi des remarques critiques de mon promoteur de thèse, Monsieur le Professeur René Noël, et a bénéficié des encouragements du Professeur François Dolbeau. Qu'ils soient tous deux remerciés d'avoir partagé leurs compé- tences. Que mon épouse Isabelle Draelants trouve aussi la marque de ma reconnais- sance, bien faible en regard de la patience qu'elle mit à l'épreuve pour corriger le fond et la forme. 74 TH. FALMAGNE Dans le monde antique, la lecture était une activité orale. En Occident, aux 7e-8e siècles, le livre manuscrit a permis progressive- ment la lecture en silence, à partir des expériences insulaires d'aban- don de la scriptum continua au bénéfice d'une séparation des mots et d'un format de texte plus aéré2. En facilitant le travail du lecteur, ce changement dans la mise en forme du texte fut le facteur d'une dif- fusion à grande échelle de la lecture continue et de l'étude soutenue des œuvres intégrales, appelées originalia au moyen âge -\ L'influence d'un texte ou d'un auteur ne se mesure pas unique- ment à la densité et à la permanence dans le temps de copies com- plètes. Comme aujourd'hui, les plus grands monuments littéraires ou musicaux se diffusent au moyen âge à la cadence de modes succes- sives, tant sous forme d'œuvres intégrales que de morceaux choisis. Ainsi, le moyen âge a produit, à côté des copies cl originalia, un grand nombre de florilèges, d'anthologies, de collections de citations extraites des textes essentiels de la tradition chrétienne ou classique. L'objectif de cet article est d'en appréhender l'histoire par le biais d'une typologie appuyée sur une large documentation. Les exem- plaires cisterciens feront l'objet d'une attention particulière4. 2. SAENGER, P., Word Separation and its Implications for Manuscript Production, dans Rationalisierung der Buchherstellung im Mittelalter und in der frühen Neuzeit. Ergehnisse eines Buchgeschichtlichen Seminars Wolfenbüttel 12.-14. November 1990. Geleitet von Peter Rück und Martin Borghardt, Marburg an der Lahn, 1994, p. 41-50 (Elementa diplomatica, 2). 3. Pour originale, nous utiliserons également l'expression de « texte original » ou « textes originaux ». Il s'agit des textes intégraux auxquels va puiser le compilateur, par opposition à des passages ou des extraits tirés d'ouvrages de seconde main, qu'à partir du 13" siècle, on nomme Flores originalium ou Tabula originalium, excerp- tiones originalium, etc. Sur le sens du mot originalia, voir J. De GHELLINCK, Originale et originalia, dans Archivant Latinitatis- Medii Aevii, 14(1939), p. 95-105 et S. CLASEN, Collectanea zum Studien- und Buchwesen des Mittelalters, dans Archiv für Geschichte der Philosophie, 42, 1960, p. 159-206, 247-271 (206). Sur l'évolution des autres termes, et la substitu- tion d'originale à integer, voir R. H. ROUSE, La diffusion en Occident, au XIII" siècle, des outils de travail facilitant l'accès aux textes autoritatifs, dans Revue des études islamiques, 44, 1976, p. 115-147 (142-143). Le concept de « texte original » ne renvoie donc pas ici aux notions d'autographe ou d'archétype entendues par les théoriciens du recensionnisme. Pour eux, ce texte sert de fondement à la critique textuelle, qui cherche à retrouver l'état de texte le plus proche, par la comparaison des leçons conservées dans les manuscrits. 4. Les résultats exposés ici sont le fruit d'une partie de ma thèse de doctorat, pré- sentée à l'Université Catholique de Louvain : Th. FALMAGNE, L'origine et la destinée des Flores Paradisi. Étude historique du florilège patristique et classique de Villers- la-Ville, 4 vol., Louvain-la-Neuve, janvier 1996. ORGANISATION DES FLORILÈGES AUX 12E ET 13E SIÈCLES 75 LES FLORILÈGES... Le florilège n'était pas un genre littéraire au moyen âge. Le mot florilegium n'appartient pas à la langue de l'époque \ Aucun diction- naire médiéval ne définit ce que nous appelons un florilège et le vocabulaire par lequel les compilateurs décrivent parfois leur activi- té est métaphorique, et souvent polysémique. Quelle définition la critique moderne peut-elle avancer ? Le grou- pe de travail en charge d'élaborer le fascicule de la Typologie des sources du moyen âge occidental proposa en 1981 la suivante : « Le florilège est un recueil de citations dans lequel les extraits cités se réclament d'une autorité et ne contiennent pas de remarques person- nelles du compilateur. Le travail du compilateur se limite au choix et à l'organisation des différentes citations » 6. Les termes qui poursui- vent cette définition : « Les florilèges se distinguent donc des ency- clopédies » seraient à considérer à la lumière d'une définition arrêtée des encyclopédies. Or les critères de sélection varient d'une option historiographique à l'autre, mais de grands progrès ont été accomplis dans l'étude des encyclopédies depuis 1981 \ Si l'on soumet les textes médiévaux unanimement reconnus comme encyclopédiesR, à la définition proposée du florilège, axée sur la forme de la compila- 5. HAMESSE, J., Le vocabulaire des florilèges médiévaux, dans Méthodes et instru- ments du travail intellectuel au moyen âge, Turnhout, 1990, p. 209-230 (209) (CIVICIMA, 3). 6. ID., Les florilèges philosophiques du XlII' au XV' siècle, dans Les genres litté- raires dans les sources théologiques et philosophiques médiévales. Définition, cri- tique, exploitation. Actes du colloque international de Louvain-la-Neuve, 25-27 mai 1981, Louvain-la-Neuve, 1982, p. 181-191 (181) (Publications de l'Institut d'Études Médiévales. Textes, Études, Congrès, 5). Voir aussi infra, note 191. 7. Le Sonderforschungsbereich 231 de l'Université de Münster s'emploie depuis plusieurs années à collecter et caractériser les encyclopédies médiévales à l'intérieur d'une Pragmatische Schriftlichkeit. Un article à paraître tire profit de l'expérience accumulée : C. MEIER, Zwischen Universalität und Spezialisierung : Gattungs- problem und Typologie des mittelalterlichen und frühneuzeitlichen Enzyclopädik, dans Der Wandel des Enzykopädie vom Hochmittelalter zur Frühen Neuzeit 29.11- 1.12.1996, à paraître dans Frühmittelalterliche Studien. 8. Pour établir une liste pratique des textes considérés comme encyclopédies par la recherche actuelle, on se référera à : L'enciclopedismo médiévale. Atti del Convegno « l'enciclopedismo médiévale », San Geminiano 8-10 ott. 1992, éd. M. PlCONE, Ravenne, 1994 ; BOENIO-BROCCHIERI FUMAGALLI, M. T., Le enciclopedie dell'Occidente medioevale, Turin, 1981, et L'encyclopédisme médiéval. Caen 12-16 janvier 1987, éd. A. BECQ, Paris, 1991. 76 TH. FALMAGNE tion et du travail du compilateur, l'encyclopédie relève moins de la synthèse originale que du recueil de citations. En revanche, trois éléments distinguent, à mon avis, le recueil de textes du florilège stricto sensu, c'est-à-dire tel que défini en 19819. D'abord, le compilateur d'un recueil de textes choisit avec moins de netteté un des trois modes de classement que nous définirons plus loin : le classement exégétique, le classement thématique et le clas- sement à sections d'auteurs. Deuxièmement, outre qu'il cite, le com- pilateur retravaille la texture de son modèle par imbrication de pas- sages plus ou moins longs, eux-mêmes sous une forme plus ou moins abrégée. La rubrique, lorsqu'elle existe, chapeaute souvent un texte assez long et, à l'occasion, se rapporte même à une pièce transmise sous forme intégrale, un sermon par exemple, insérée au milieu de pièces abrégées ou compilées. Troisièmement — nous sommes alors aux confins des écrits de compilation —, il arrive que dans une suite d'extraits, le compilateur intervienne pour modifier leur contenu et l'ordre qu'ils tiennent dans le « texte original », au point que recueil de textes et œuvre originale se confondraient. En conséquence, un grand nombre de compilations reconnues jusqu'ici comme florilèges devraient être traitées comme recueils de textes. Le florilège se distingue aussi des collections d'apophtegmes, de maximes ou de proverbes. La frontière entre le genre qu'il représen- te et le genre gnomique, sans qu'elle soit partout bornée, se situe dans le statut des sources utilisées. Alors que les citations du florilège pro- viennent d'ouvrages attribués à des écrivains déterminés — identifiés ou anonymes —, les sentences, elles dérivent d'une source orale vite devenue incontrôlable. La définition de 1981 insiste sur les caractéristiques formelles. Je propose les rectifications suivantes. Un florilégiste ne se réclame pas toujours d'une autorité. Le choix et l'organisation des citations ne sont pas les seules inter- ventions du compilateur. B. Munk Olsen note la mise en évidence de 9. En se référant à l'article de uploads/Histoire/ falmagne-alma-1997-55-73-pdf.pdf

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  • Publié le Mai 06, 2022
  • Catégorie History / Histoire
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