LES COURANTS À HAUTE-FRÉQUENCE APPRIVOISÉS À TRAVERS LA DARSONVALISATION ET LES

LES COURANTS À HAUTE-FRÉQUENCE APPRIVOISÉS À TRAVERS LA DARSONVALISATION ET LES SPECTACLES PUBLICS (1890-1930) Paolo Brenni Victoires éditions | « Annales historiques de l’électricité » 2010/1 N° 8 | pages 53 à 71 ISSN 1762-3227 ISBN 9782351130803 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-annales-historiques-de-l-electricite-2010-1-page-53.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Victoires éditions. © Victoires éditions. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) © Victoires éditions | Téléchargé le 14/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.66.129.172) © Victoires éditions | Téléchargé le 14/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.66.129.172) les courants à haute-fréquence apprivoisés à travers la darsonvalisation et les spectacles publics (1890-1930) Paolo Brenni Chercheur, CNR, Instituto e Museo di Storia della Scienza, Fondazione Scienza e Tecnica, Firenze et président de la Scientific Instrument Commission de l’International Union of History and Philosophy of Science One of the earliest observations I made with these new machines was that electrical oscillations of an extremely high rate act in an extraordinary manner upon the human organism1. Nikola Tesla (1900) Résumé À la fin du XIXe siècle, Nikola Tesla étudie les courants à haute fréquence et à haute tension et présente une série d’expériences étonnantes. Le physicien et physiologiste Arsène d'Arsonval utilise ces courants pour un nouveau type d’électrothérapie, qui sera largement utilisé jusque dans les années 1930. Mais les phénomènes de l’électricité à haute fréquence sont également exploités dans les théâtres et les music-halls, en parti- culier aux États-Unis et en Grande-Bretagne, pour des spectacles qui associent science et magie. Cet article retrace quelques aspects des utilisations de ces courants. Abstract At the end of the 19th Century, Nikola Tesla studied high frequency currents of high voltage and presented a series of extraordinary experiments. The physicist and physiologist Arsène d’Arsonval exploited these currents for a new type of electrothe- rapy, which was widely used up to the 1930s. But the phenomena produced by high frequency currents became also very popular on stage, especially in United-States and Great-Britain. Clever showmen and quacks equipped with Tesla’s apparatus amazed the public by performing “scientific magic”. Here, I will retrace the most important steps in the applications of these currents. 1. Nikola Tesla, « The Problem of Increasing Human Energy », The Century Magazine, vol. XXXVIII, 1900, pp.175-211. © Victoires éditions | Téléchargé le 14/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.66.129.172) © Victoires éditions | Téléchargé le 14/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.66.129.172) Le corps humain et l’électricité 54 ANNALES HISTORIQUES DE L’ÉLECTRICITÉ - N° 8 - DÉCEMBRE 2010 Depuis le XVIIIe siècle, les phénomè- nes électriques ont intéressé et intrigué médecins et physiciens qui ont systéma- tiquement essayé de les appliquer à la thérapie et au diagnostic médical2. Au XIXe siècle, tous les progrès en électri- cité furent immédiatement suivis par des applications médicales : la franklinisation avec l’électrostatique, la galvanisation avec les courants continus, la faradisation avec les courants variables produits par des machines magnéto et dynamoélectri- ques, puis par des bobines d’induction. Ces thérapeutiques furent toutes accom- pagnées de controverses dans lesquelles s’affrontèrent des positions très diverses à l’intérieur du monde médical. Elles furent souvent discréditées car également utilisées par des praticiens ayant très peu de connaissances médicales, voire par des thérapeutes improvisés qui soumettaient leurs patients aux traitements les plus fantaisistes en exploitant leur crédulité et leur détresse. Dans cet article, je vais évoquer une thérapie née à la fin du XIXe siècle et qui a suscité un grand enthousiasme populaire jusqu’aux années 1920. Issue des recher- ches sur les courants à haute fréquence et à haute tension, la darsonvalisation fut ainsi nommée en l’honneur du médecin et physicien Arsène d’Arsonval qui en fut l’inventeur et l’un des plus ardents pro- pagateurs. Si les effets spectaculaires et étonnants des courants à haute tension et à haute fréquence contribuèrent proba- blement au succès de la darsonvalisation auprès des patients, ces courants furent également exploités par des showmen, par- fois également électrothérapeutes, dans des spectacles associant science, mystère, effets spéciaux et amusement. Malgré son importance historique, la darsonvalisation a été peu étudiée par les historiens des sciences qui se sont davantage intéressés à l’électricité médicale du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. Cet article vise à combler partiellement cette lacune, sans prétendre évaluer rétrospectivement l’efficacité thérapeutique de la darsonva- lisation, et à aborder le développement d’une technologie, de ses machines et de quelques-unes de ses applications dans le domaine médical, mais aussi dans le domaine du spectacle. Les débuts des courants à haute fréquence et haute tension Si les premières machines magnéto et dynamoélectriques, mises au point dès les années 1830, restent pendant des décen- nies des appareils de laboratoire en ce qui concerne la production de courant élec- trique, elles ont trouvé des applications immédiates en médecine3. De petites machines portables, comportant un cou- ple de bobines tournant face aux pôles d’un aimant en fer à cheval, se répandent aussi bien chez les médecins que chez les particuliers. Les constructeurs proposent d’innombrables modèles destinés à la faradisation et susceptibles de soigner une longue liste de pathologies. À partir des années 1840, l’introduction d’un interrup- teur automatique dans les bobines d’in- duction permet de créer des impulsions de courants. Mais jusqu’aux années 1890, 2. Pour une histoire des applications médicales de l’électricité voir : Margaret Rowbottom, Charles Suss- kind, Electricity and Medicine. History of their Interaction, San Francisco, San Francisco Press, 1984 et Sidney Licht, « History of Electrotherapy » in Therapeutic Electricity and Ultraviolet Radiation, Baltimore, Waverly Press Incorporated, 1959, p. 1-69 (cet article comporte une liste bibliographique de près de 1 000 titres consacrés à l’électrothérapie, publiés entre le milieu du XVIIIe siècle et les années 1960). 3. Voir par exemple : Brian Bowers, A History of Electric Light and Power, Stevenage (UK), Peter Pere- grinus, Science Museum, 1982. © Victoires éditions | Téléchargé le 14/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.66.129.172) © Victoires éditions | Téléchargé le 14/08/2021 sur www.cairn.info (IP: 105.66.129.172) 55 Les courants à haute-fréquence apprivoisés ANNALES HISTORIQUES DE L’ÉLECTRICITÉ - N° 8 - DÉCEMBRE 2010 les fréquences des courants produits par toutes ces machines à induction restent inférieures à une centaine de Hertz. Il était cependant possible de produire des courants de fréquence plus élevée d’une autre manière, avec la décharge d’une bouteille de Leyde, le premier type de condensateur. Cette décharge du condensateur fut étudiée par Hermann von Helmholtz en 1847, sa fréquence calculée par William Thomson en 1853, et enfin son caractère oscillatoire mis en évidence expérimentalement en 1858 par le physicien allemand Behrend W. ­ Feddersen4. Les courants à haute fréquence créés par la décharge d’un condensateur allaient se révéler fonda- mentaux dans plusieurs domaines de la physique et de l’électricité. Ainsi les expé- riences de Hertz, montrant l’existence des ondes électromagnétiques en 1888, stimulèrent un très grand nombre de recherches qui aboutirent à la réalisation de la télégraphie sans fil5. La saga des courants à haute fréquence et à haute tension s’ouvre de façon très théâtrale grâce à une série de conférences présentées aux États-Unis, en Angleterre et en France par l’ingénieur électricien et inventeur d’origine serbe Nikola Tesla. Après avoir étudié à Graz et à Prague, travaillé à Budapest et à Paris, il émigre aux États-Unis en 1884. Il y invente un moteur à champ magnétique tournant et conçoit le premier système à courants polyphasés. Ses brevets dans ce domaine, qui constituent une étape fondamentale dans l’histoire de la production, la distri- bution et l’utilisation de l’énergie électri- que, sont exploités industriellement par la firme Westinghouse qui se trouve ainsi au centre de la fameuse « bataille des courants » entre les partisans du courant alternatif et ceux du courant continu. Au tournant du siècle, Tesla est devenu une vedette scientifique, aussi célèbre que Thomas Edison, le magicien de Menlo Park. Prototype du savant excentrique, coqueluche de la haute société new-yor- kaise, ami de personnalités comme l’écri- vain Mark Twain, ses recherches font la une des journaux. Pionnier de la tech- nologie des courants alternatifs à haute fréquence à haute tension, d’ailleurs souvent appelés « courants de Tesla », il dépose un grand nombre de brevets, pour l’électricité industrielle ou pour la TSF. Son rêve demeure de pouvoir transmet- tre sans fil non seulement des signaux, mais encore de l’énergie électrique. Les reportages abondamment illustrés de ses expériences spectaculaires de 1899, dans son laboratoire de Colorado Springs où il produit des foudres artificielles grâce à ses gigantesques oscillateurs, contribuent à sa renommée de génie visionnaire6. Afin d’augmenter la fréquence des courants alternatifs, Tesla construit vers 1890 des uploads/Industriel/ ahe-008-0053.pdf

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